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Derrida

Jacques Derrida est un philosophe né le 15 juillet 1930 à El-Biar, en Algérie (alors colonie française)  et  mort à Paris le 8 octobre 2004. C'est le philosophe de la déconstruction, une approche philosophique qui remet en question les concepts traditionnels de présence, de signification et de vérité. Il s'agit d'une analyse de la manière dont les concepts sont élaborés, et souligne l'instabilité et l'indétermination du langage et de la pensée. 

Il grandit dans une famille juive sépharade, dans un contexte marqué par les tensions coloniales et les discriminations, notamment celles liées aux politiques antisémites du régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1942, à l'âge de 12 ans, Derrida est exclu de son école en raison des lois antijuives promulguées par le gouvernement de Vichy, une expérience qui laissera une empreinte durable sur son rapport à l'identité, à la marginalité et à l'exclusion.
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Jacques Derrida.
Jacques Derrida.
Image générée par une IA (Stable Diffusion XL).

Après la guerre, il poursuit ses études secondaires au lycée de Ben Aknoun à Alger, où il se distingue comme un élève brillant mais aussi turbulent et parfois en difficulté face à la rigidité du système éducatif. Il développe un intérêt pour la littérature et la philosophie, tout en se montrant réservé quant aux dogmes et aux systèmes établis. En 1949, après avoir obtenu son baccalauréat, Derrida quitte l'Algérie pour s'installer en France et intégrer le lycée Louis-le-Grand à Paris, une étape cruciale pour préparer le concours d'entrée à l'École normale supérieure (ENS).

En 1952, il est admis à l'ENS où il côtoie de grands intellectuels de son époque. Durant cette période, il s'imprègne de la philosophie occidentale classique et moderne, lisant des auteurs tels que Kant, Hegel, Husserl et Heidegger, tout en développant un intérêt critique pour les structures sous-jacentes aux textes philosophiques. Il se lie également avec d'autres penseurs influents, parmi lesquels Louis Althusser, et commence à forger sa propre réflexion sur les questions de langage, de signification et d'interprétation.

En 1954, il rédige son mémoire de fin d'études sur Husserl, intitulé Le problème de la genèse dans la philosophie de Husserl. Ce travail témoigne de son immersion dans la phénoménologie et marque le début de son éléboration de concepts qui deviendront centraux dans sa pensée, comme la différance, la déconstruction et le rapport entre texte et sens. En 1955, Jacques Derrida commence sa carrière en tant que professeur de philosophie en France, mais il est rapidement appelé à effectuer son service militaire, qui l'amène en Algérie pendant la guerre d'indépendance. Pendant cette période, il enseigne la langue et la littérature française dans un lycée près d'Alger, tout en continuant ses recherches philosophiques. De retour en France après la fin de son service, Derrida reprend son travail d'enseignant et approfondit ses réflexions sur la phénoménologie.

Dans les années 1960, Derrida entame véritablement son ascension intellectuelle. Il publie en 1962 une traduction et une introduction approfondie de l'essai de Husserl, ’L'origine de la géométrie, qui attire l'attention sur ses talents d'analyste et de traducteur. En 1964, il commence à enseigner à l'École normale supérieure à Paris, où il devient une figure influente parmi les étudiants et les intellectuels. C'est également durant cette période qu'il se lie à d'autres figures marquantes de la pensée française, telles que Michel Foucault et Roland Barthes, bien que ses relations avec eux soient parfois conflictuelles.

En 1967, Derrida publie trois ouvrages fondamentaux qui bouleversent le paysage philosophique : De la grammatologie, L'écriture et la différence et La voix et le phénomène. Ces livres forment un ensemble cohérent et constituent le socle de la pensée derridienne. Ils introduisent la déconstruction, un concept central de sa pensée qui interroge les oppositions binaires et les structures logocentriques dans la philosophie occidentale. Cette approche, qui remet en question les certitudes sur lesquelles reposent le langage, le sens et l'identité, suscite à la fois admiration et controverse, plaçant Derrida au coeur des débats philosophiques de son époque.

• De la grammatologie (1967). - Cet ouvrage est considéré comme l'un des piliers du courant déconstructiviste. Derrida y questionne les fondements de la philosophie occidentale, en particulier sa dépendance à la métaphysique de la présence. Il critique ce qu'il appelle le logocentrisme, c'est-à-dire la primauté accordée à la parole (logos) sur l'écriture dans la tradition philosophique occidentale. Cette tradition, de Platon à Rousseau en passant par Saussure, a toujours considéré l'écriture comme une simple représentation de la parole, un supplément extérieur et potentiellement corrupteur de la pensée vive et présente à elle-même. Derrida affirme au contraire que l'écriture n'est pas un simple dérivé de la parole, mais qu'elle est constitutive de toute pensée et de toute signification. Le philosophe remet en cause l'idée d'une vérité ou d'un sens originel et stable qui serait immédiatement accessible à la conscience. Il montre que la pensée est toujours déjà prise dans un jeu de différences et de traces qui la constituent. Concept central de Derrida, la différance (avec un "a") désigne à la fois la différence spatiale (distinction entre des éléments) et le différé temporel (le fait que le sens est toujours différé, jamais pleinement présent). Elle souligne l'importance du jeu des différences et de la temporalité dans la constitution du sens. Le philosophe élargit la notion d'écriture pour la désigner comme un système de traces et de différences, une arché-écriture qui précède et rend possible la parole elle-même. L'écriture n'est donc pas un simple outil technique, mais la condition de possibilité de la pensée. Derrida analyse en détail les textes de Rousseau et Saussure pour montrer comment ils reproduisent le logocentrisme malgré leurs propres intentions. Il met en lumière les contradictions internes de leurs discours et montre comment l'écriture, bien que dénigrée, joue un rôle crucial dans leur pensée. La deuxième partie de l'ouvrage, intitulée Nature, culture, écriture, se consacre à une critique de l'anthropologie structurale de Claude Lévi-Strauss, et plus particulièrement à son analyse d'une société sans écriture (les Nambikwara) dans Tristes Tropiques. Derrida y déconstruit l'opposition entre nature et culture et montre comment l'écriture est déjà présente, sous forme d'arché-écriture, même dans les sociétés dites "sans écriture". De la grammatologie a eu une influence considérable dans les domaines de la philosophie, de la linguistique, de la critique littéraire et des sciences humaines en général, en initiant un regard neuf sur le langage et les textes.

• L'Écriture et la différence (1967) . - Publié la même année que De la grammatologie, cet ouvrage est un recueil d'essais écrits entre 1959 et 1966, où Jacques Derrida reprend et développe les thèmes de la déconstruction, du logocentrisme et de la différance. Ces essais sont des lectures critiques d'auteurs et de penseurs majeurs de la philosophie, de la littérature et des sciences humaines. Derrida y engage ainsi un dialogue serré avec des figures comme Hegel, Nietzsche, Freud, Heidegger, Lévinas, Artaud, Bataille, Foucault et Jabès. Bien que divers, les essais convergent vers des thèmes récurrents qui constituent le coeur de la pensée de Derrida. Comme dans De la grammatologie, Derrida critique la primauté accordée à la parole, à la présence et à l'immédiateté du sens dans la tradition occidentale. Il montre comment cette tradition a marginalisé l'écriture et tout ce qui relève de la différence, de la trace et de la temporalité. Les essais illustrent la méthode déconstructive à l'oeuvre. Il ne s'agit pas de détruire les textes, mais de mettre en lumière leurs contradictions internes, leurs apories, et la manière dont ils déconstruisent eux-mêmes leurs propres fondements. La déconstruction est une lecture attentive aux marges, aux silences et aux non-dits des textes. Le concept de différance, déjà central dans De la grammatologie, est approfondi et appliqué à différents contextes. Derrida montre comment la différance, comme jeu de différences et de renvois, est à l'oeuvre dans le langage, la pensée et l'expérience. L'écriture n'est pas un simple reflet de la parole, mais un supplément qui vient à la fois combler un manque et ajouter quelque chose de nouveau. Elle est la trace d'une absence, d'une différance originelle. Enfin, Derrida analyse la violence inhérente à la métaphysique occidentale, qui cherche à réduire la différence et à imposer une conception univoque du sens et de la vérité. Cette violence se manifeste notamment dans la marginalisation de l'écriture et dans l'exclusion de l'autre. Essais majeurs (parmi d'autres) :

+ Force et signification. - Une critique de la notion de structure dans le structuralisme et une réflexion sur le rapport entre force et forme.

+ Cogito et histoire de la folie. - Une réponse à la lecture que fait Michel Foucault du cogito de Descartes dans son Histoire de la folie à l'âge classique. Derrida y défend la possibilité d'une "pensée de la folie" contre la raison.

+ Freud et la scène de l'écriture. - Une analyse de la métaphore de l'écriture dans l'oeuvre de Freud, notamment dans le "bloc magique". Derrida y montre comment Freud, malgré son logocentrisme, a été amené à penser l'inconscient comme une forme d'écriture.

+ La violence et la métaphysique. - Une lecture critique d'Emmanuel Lévinas, où Derrida questionne la possibilité d'une éthique purement non-violente et montre comment la violence est constitutive de toute relation à l'autre.

+ Le théâtre de la cruauté et la clôture de la représentation. - Une réflexion sur le théâtre d'Antonin Artaud et son projet de rompre avec la représentation logocentrique pour retrouver une expérience originaire de la présence.

• La Voix et le Phénomène (1967). - Derrida propose dans cet ouvrage dense une lecture critique de l'oeuvre de Husserl, et questionne l'idée selon laquelle la conscience peut accéder directement à elle-même grâce à la voix. Derrida part de la phénoménologie de Husserl, qui vise à décrire l'expérience vécue (le phénomène) en remontant à la conscience pure et transcendantale. Husserl accorde une place privilégiée à la conscience de soi comme une présence immédiate et non médiatisée. Pour Husserl, le signe vocal (le langage parlé) jouit d'un statut particulier. Il est perçu comme plus proche de la pensée que le signe écrit, car il semble coïncider avec la pensée elle-même. L'acte de se parler à soi-même (soliloque intérieur) est vu comme une présence à soi immédiate, sans distance ni altérité. Derrida s'attaque à cette notion de présence immédiate et non médiatisée, qu'il considère comme le fondement de la métaphysique occidentale. Il argumente que même l'expérience la plus intime, comme le soliloque intérieur, est déjà structurée par la différence et la temporalité. Le philosophe démontre que le sens n'est jamais pleinement présent en lui-même. Il est toujours différé et renvoyé à d'autres signes (différance). Même dans le soliloque intérieur, la signification de ce que l'on se dit dépend de la possibilité de sa répétition et de sa différence avec d'autres possibilités de sens. L'acte de parler, même à soi-même, implique une temporalité. Il y a un avant et un après, une intention et une résonance. Cette dimension temporelle brise l'idée d'une coïncidence parfaite et instantanée entre la pensée et sa formulation vocale. Contrairement à ce que pense Husserl, le signe vocal n'est donc pas une transparence absolue. Il est lui aussi un signe, dépendant d'un système de différences et de renvois (le langage). Il n'y a pas d'accès immédiat au sens en dehors de ce système. Derrida analyse attentivement la notion husserlienne  Sich-selbst-hören (s'entendre, avoir l'audition-de-soi-même), qui est censée garantir la présence à soi. Il montre que cette audition implique déjà une forme de dédoublement et une distance intérieure. On ne s'entend pas parler de manière parfaitement simultanée à l'énonciation. Il y a un léger décalage temporel qui introduit une altérité au sein même de la conscience de soi. Derrida conteste l'idée husserlienne d'une boucle phénoménologique fermée où la conscience se saisit elle-même dans une pure immédiateté. Il montre que cette boucle est toujours ouverte, structurée par des éléments extérieurs et par la temporalité. En exposant, par une analyse rigoureuse et destabilisatrice de la phénoménologie husserlienne, la fragilité des notions de présence, d'identité et de sens fixe, des notions fondamentales de la pensée occidentale, La voix et le phénomène est une étape cruciale dans le développement de la déconstruction. 
Durant les années 1970, Derrida continue de développer et de défendre ses idées, tout en multipliant les interventions dans le milieu universitaire international. Il enseigne régulièrement aux États-Unis, notamment à l'université Johns-Hopkins et à Yale, où il devient une figure clé du post-structuralisme. En France, il est une présence active dans les débats intellectuels, bien que sa pensée suscite parfois des critiques acerbes, notamment de la part de philosophes analytiques ou marxistes.

En 1972, il publie Positions, un recueil d'entretiens où il clarifie certains aspects de sa pensée, et en 1974, Glas, un texte hybride mêlant philosophie et littérature qui illustre son approche expérimentale de l'écriture. À cette époque, Derrida devient également une figure engagée, prenant position sur des questions politiques et sociales, notamment contre l'apartheid en Afrique du Sud. En 1978, il publie La Vérité en peinture, qui analyse les liens entre philosophie et esthétique, et continue d'affirmer son rôle de penseur novateur, tout en élargissant son influence au-delà des cercles académiques européens.

• La Vérité en peinture (1978). - Cet ouvrage aborde l'esthétique et l'histoire de l'art en interrogeant les rapports entre vérité et représentation. À travers une réflexion critique sur la peinture et les discours esthétiques, Derrida analyse les limites du langage pour exprimer ou représenter une vérité artistique. Il emprunte à Kant le concept de parergon pour désigner ce qui est à la fois intérieur et extérieur à l'oeuvre, comme le cadre ou l'ornement et joue avec cette notion pour montrer que l'accessoire (parergon) devient essentiel dans notre compréhension de l'art. Le philosophe interroge aussi la pensée de Kant (déconstruction de son esthétique) sur le jugement esthétique, en montrant les tensions entre forme, contenu et cadre dans l'expérience artistique. L'ouvrage pose enfin la question de savoir si l'art visuel peut être pleinement traduit ou expliqué par le langage, et ce que cela signifie pour la "vérité" de l'art. La Vérité en peinture a élargi le champ de la déconstruction à l'esthétique et a ouvert de nouvelles perspectives dans l'analyse des oeuvres d'art, en particulier sur la manière dont elles sont interprétées à travers des cadres théoriques.
À partir des années 1980, Derrida élargit son audience, enseignant dans de nombreuses institutions prestigieuses à travers le monde, notamment à l'université de Californie à Irvine, où il occupe un poste régulier. Il devient une figure du postmodernisme et du post-structuralisme, bien que ces étiquettes soient parfois simplifiées et critiquées par lui-même. En 1981, il s'engage contre les violations des droits humains, notamment en soutenant des intellectuels emprisonnés comme Nelson Mandela. Il participe à la création du Groupe de recherche sur l'enseignement philosophique en France, qui vise à défendre la place de la philosophie dans le système éducatif. Sur le plan théorique, ses travaux des années 1980 abordent des questions éthiques et politiques avec une intensité croissante. Dans Politiques de l'amitié (1994) et Spectres de Marx (1993), Derrida traite de la justice, de l'amitié, de la démocratie et de l'héritage du marxisme dans un monde post-guerre froide. Il développe des concepts tels que l'hospitalité et la responsabilité, mettant l'accent sur la manière dont ces idées peuvent être réévaluées face aux défis contemporains.
• Politiques de l'amitié, Derrida s'aventure sur le terrain de la philosophie politique, en abordant la notion d'amitié et ses implications dans la pensée occidentale. En prenant pour point de départ une citation de Montaigne sur la mort de La Boétie et en remontant à des réflexions classiques, notamment chez Aristote, Cicéron et Nietzsche, Derrida interroge l'idée traditionnelle selon laquelle l'amitié est fondée sur une relation entre semblables. Il montre comment cette conception repose sur une exclusion implicite de l'altérité et questionne le rôle de l'amitié dans la constitution du politique. En déconstruisant les discours philosophiques, il fait apparaître les paradoxes d'une amitié qui exclut l'ennemi tout en dépendant de lui pour se définir. À travers ce travail, Derrida engage une réflexion plus large sur la justice, la souveraineté, et les défis éthiques de la modernité. La "politique de l'amitié" devient chez lui un espace où le rapport à l'autre, y compris l'ennemi, est réévalué, au-delà des oppositions binaires traditionnelles.

• Spectres de Marx (1993) se situe à un autre moment de l'histoire intellectuelle, à l'aube du XXIe siècle, après la chute du mur de Berlin et l'effondrement des régimes communistes en Europe de l'Est. Derrida y entreprend une réflexion sur l'héritage du marxisme dans un monde prétendument post-idéologique. Il s'attaque à l'idée d'une "fin de l'histoire", popularisée par des penseurs tels que Francis Fukuyama, en rappelant la persistance des problématiques sociales, économiques et politiques dénoncées par Marx. Derrida convoque la figure du spectre comme métaphore pour décrire la manière dont le passé continue de hanter le présent, remettant en question les discours triomphalistes sur le capitalisme. Les "spectres" évoquent ici à la fois les traces du marxisme dans un monde globalisé et les multiples voix d'exclusion et d'injustice qui continuent de résonner malgré les tentatives pour les faire taire. Ce texte, traversé par des références à Shakespeare, notamment à Hamlet, et à Marx, mêle analyse politique, éthique et esthétique, en soulignant l'urgence d'une nouvelle pensée de la justice.

À partir des années 1990, Derrida s'intéresse également à des questions théologiques et à la déconstruction des traditions religieuses. Dans des oeuvres comme Foi et savoir (1996), il réfléchit sur la notion de foi, la spiritualité et leur rapport au savoir et à la modernité. En parallèle, il continue de s'impliquer dans des débats politiques majeurs, prenant position sur des sujets tels que la mondialisation, la guerre en Irak et le rôle de l'Europe dans un monde en mutation. Son travail reste controversé. Il attire des critiques mais aussi une admiration fervente dans les milieux académiques et intellectuels.

Dans les années 2000, Derrida fait face à des problèmes de santé, mais il maintient une activité intellectuelle intense. Il publie encore des oeuvres majeures, comme Le Toucher, Jean-Luc Nancy (2000), où il étudie les frontières du sens et du toucher, et Voyous (Rogues: Two Essays on Reason, 2003), qui interroge les paradoxes de la souveraineté et de la démocratie. En 2002, il reçoit le prix Adorno, une reconnaissance prestigieuse de son apport à la philosophie contemporaine, bien que sa réception provoque une controverse, notamment en Allemagne, où sa méthode de déconstruction reste divisive. Jacques Derrida s'éteint en 2004, des suites d'un cancer du pancréas. 

• Toucher, Jean-Luc Nancy (2000). - Dans cet ouvrage, Derrida rend hommage à la pensée de Jean-Luc Nancy tout en engageant un dialogue profond avec son oeuvre, notamment sur la question du corps et du toucher. Ce texte explore les implications philosophiques et phénoménologiques du toucher, en s'attaquant à l'idée selon laquelle cette expérience serait la plus immédiate, intime et authentique des sensations corporelles. Derrida montre comment le toucher, loin d'être simple et transparent, est traversé par des écarts et des médiations. Il déconstruit les dualismes classiques tels que l'intérieur et l'extérieur, le corps et l'esprit, pour dévoiler une conception du corps comme un lieu de partage et d'exposition à l'autre. À travers une réflexion subtile sur le travail de Nancy, il interroge aussi des notions comme la chair, la séparation et la communauté, et approfondit sa propre critique de la métaphysique de la présence, cette fois dans le registre du sensible.

• Voyous (2003) s'inscrit dans une réflexion politique et éthique, en se penchant sur les notions de démocratie et de souveraineté. Derrida analyse les paradoxes de la démocratie, qu'il considère comme un régime à la fois nécessaire et impossible à réaliser pleinement. La démocratie est marquée par une tension interne : elle repose sur l'inclusion et l'égalité, tout en établissant nécessairement des exclusions. Derrida joue avec le terme "voyous" pour désigner à la fois les États qui se placent au-dessus du droit international et les figures marginales exclues du système politique. Il s'interroge sur les notions de justice, de liberté, et sur l'avenir de la démocratie dans un monde globalisé où la souveraineté nationale entre en crise. À travers une critique des pratiques politiques contemporaines, il appelle à une reconfiguration de la démocratie qui prenne en compte l'altérité et les voix minoritaires.

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