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Karen
Blixen,
née Karen Christentze Dinesen, est une écrivaine
danoise, née le 17 avril 1885 à Rungstedlund, au Danemark
et morte le 7 septembre 1962 au même endroit. Elle a écrit principalement
en anglais, bien que certaines de ses oeuvres aient été publiées en
danois. Ses récits, riches en symbolisme et en thèmes universels, ont
laissé une empreinte durable sur la littérature du XXe
siècle. Son expérience en Afrique a marqué profondément sa vision du
monde. Son oeuvre phare, Out of Africa (La Ferme africaine),
demeure un témoignage poignant de son amour pour l'Afrique et de sa capacité
à saisir la beauté et la cruauté de la vie humaine. Le film qui en a
été tiré, réalisé par Sydney Pollack en 1985, a contribué à faire
découvrir son travail à une nouvelle génération.
Elle est issue d'une
famille aristocratique et intellectuelle danoise. Son père, Wilhelm Dinesen,
est un officier, écrivain et homme politique, et sa mère, Ingeborg Westenholz,
appartient à une famille aisée. La la famille vivait dans une grande
propriété à Rungstedlund, sur la côte danoise. Le père de Karen se
suicide quand elle a dix ans. Elle montre très tôt un intérêt pour
les arts et la littérature, et étudie à l'Académie royale des beaux-arts
du Danemark pour devenir peintre, tout en écrivant des histoires dès
son plus jeune âge.
En 1914, elle épouse
son cousin, le baron Bror von Blixen-Finecke, un aventurier suédois. (elle
prend alors le nom de baronne Karen Christenze von Blixen-Finecke). Le
couple part s'installer au Kenya, alors colonie
britannique, où ils reprennent une plantation de café près de Nairobi.
Cependant, le mariage se dégrade rapidement, et Karen finit par divorcer
en 1921. Bror était infidèle et l'a probablement infectée de la syphilis,
une maladie que Karen a dû traiter pendant le reste de sa vie. Elle reste
néanmoins en Afrique, gérant seule la plantation de café pendant près
d'une décennie.
Pendant ses années
en Afrique, Karen développe une passion pour le pays et sa culture. Elle
se lie d'amitié avec de nombreux Kikuyu, le groupe ethnique local, et
s'immerge dans la vie coloniale. Elle a également une relation amoureuse
avec l'aristocrate anglais et chasseur, Denys Finch Hatton, qui a été
une figure centrale dans sa vie, bien que leur relation ait été orageuse.
En 1931, à la suite de plusieurs mauvaises récoltes et d'une chute des
prix du café, Karen est contrainte de vendre la ferme et de retourner
au Danemark. Elle revient vivre à Rungstedlund, la maison de sa famille,
où elle va passer le reste de sa vie.
Ce retour marque
également le début de sa carrière littéraire. Elle publie son premier
recueil de nouvelles, Sept contes gothiques (Seven Gothic Tales,
1934), sous le pseudonyme d'Isak Dinesen, qui signifie « celui qui rit
» en hébreu. Ce recueil, écrit en
anglais, est bien accueilli par la critique, notamment aux États-Unis
et en Angleterre, où il est apprécié
pour son style élégant et ses récits fascinants empreints de mysticisme
et de fantastique. En 1937, Karen Blixen publie son œuvre la plus célèbre,
Out
of Africa (La Ferme africaine), un récit autobiographique basé
sur ses années passées au Kenya. Le livre est un mélange de souvenirs
personnels et de réflexion sur la beauté et la tragédie de l'Afrique.
• La
Ferme africaine (Out of Africa), publié en 1937, est un récit
autobiographique qui raconte l'expérience de Karen Blixen en tant que
propriétaire d'une plantation de café au Kenya. L'oeuvre est un mélange
de souvenirs, de réflexions personnelles et d'observations sociales et
culturelles. C'est un récit nostalgique et poétique qui dépeint la beauté
de l'Afrique, tout en abordant les défis de la vie coloniale. Karen Blixen,
sous son pseudonyme Isak Dinesen, raconte son expérience entre 1914 et
1931, lorsqu'elle vivait dans une ferme située dans les collines de Ngong,
près de Nairobi, au Kenya (alors partie de l'Afrique orientale britannique).
Danoise d'origine, elle s'y installe après son mariage avec le baron Bror
Blixen-Finecke, avec qui elle gérait la ferme de café. Cependant, leur
mariage échoue, et Karen se retrouve seule à s'occuper de la plantation,
tout en luttant contre les difficultés économiques, le climat imprévisible
et les complexités sociales de la colonisation. La Ferme africaine
n'est pas un récit linéaire; au lieu de suivre une intrigue classique,
le livre est une série de souvenirs, d'anecdotes et de portraits de personnages
qu'elle a rencontrés au Kenya. Le livre commence par des descriptions
élogieuses du paysage africain. L'autrice évoque la beauté des collines,
des plaines, des montagnes de Ngong et de la faune africaine. Elle décrit
avec émerveillement les levers et couchers de soleil, ainsi que les animaux
sauvages qui parcourent les vastes étendues. La nature est presque un
personnage en soi dans le livre, avec une présence constante et apaisante.
Karen Blixen parle longuement des Kikuyu, l'ethnie qui vivait et travaillait
sur sa ferme. Elle décrit ses interactions avec les Kikuyu avec une grande
admiration, soulignant leur culture, leur dignité et leur mode de vie.
Elle partage des anecdotes sur sa relation avec ses serviteurs, notamment
son majordome Farah, un Somalien, ainsi que les jeunes garçons Kikuyu
qui travaillaient pour elle. Blixen ressent un profond respect pour eux,
bien que sa position coloniale et ses descriptions paternalistes reflètent
les attitudes de l'époque coloniale. Blixen évoque aussi ses relations
avec les autres colons européens installés au Kenya. Elle dépeint une
société divisée entre l'élite coloniale, souvent décadente et déconnectée
de la réalité africaine, et les pionniers, ceux qui, comme elle, ont
tenté de s'intégrer dans ce territoire inconnu. Elle relate également
ses amitiés avec certains Européens, comme Denys Finch Hatton, un chasseur
britannique dont elle était très proche (et avec qui elle a entretenu
une relation amoureuse). La vie sur la ferme n'a pas toujours été facile.
Les récoltes de café ont été fréquemment ruinées par le climat
et les fluctuations économiques mondiales. Après la Première Guerre
mondiale, les difficultés financières s'accumulent, et Blixen finit par
devoir vendre la ferme en 1931.Elle quitte ainsi l'Afrique avec un profond
sentiment de perte. Le livre se termine sur une note mélancolique. La
Ferme africaine est avant tout une déclaration d'amour à l'Afrique.
Karen Blixen montre un respect et une fascination presque mystiques pour
la terre, ses habitants et ses animaux. Elle décrit l'Afrique avec des
images riches et lyriques. Le récit est imprégné de nostalgie, surtout
dans les passages où Blixen se souvient de la beauté du pays et des gens
qu'elle a laissés derrière elle. La fin du livre est particulièrement
poignante. Le sentiment de perte est central à l'oeuvre. La Ferme africaine
offre également un portrait unique d'une femme forte et indépendante
qui a pris en charge une grande entreprise dans une société dominée
par les hommes. Blixen était une figure non conventionnelle pour son époque,
et le récit témoigne de sa ténacité, de sa capacité à surmonter les
obstacles et de son autonomie dans un monde souvent hostile.
Karen Blixen adopte
un style lyrique et descriptif. Ses phrases sont riches en détails, et
elle crée des images saisissantes de l'Afrique à travers ses mots. L'oeuvre,
bien que se présentant comme un récit autobiographique, est profondément
littéraire. Elle est marquée par une écriture poétique, parfois rêveuse,
qui transporte le lecteur dans les vastes paysages africains. Plutôt que
de raconter une histoire avec une intrigue traditionnelle, Blixen préfère
structurer son livre en fragments, regroupant des souvenirs et des réflexions
autour de différents thèmes ou personnages. Cela donne au texte une qualité
méditative, comme si l'autrice revenait sans cesse sur des moments particuliers
de sa vie pour en extraire toute la signification. À sa publication, La
Ferme africaine a été bien accueilli, tant en Europe qu'aux États-Unis,
où il a renforcé la réputation littéraire de Blixen. Le livre a contribué
à façonner l'image romantique et idéalisée de l'Afrique pour les lecteurs
occidentaux, bien qu'il ait également suscité des débats sur sa représentation
des indigènes africains et sa vision du colonialisme. En 1985, le livre
a été adapté au cinéma sous le titre Out of Africa dans un film
réalisé par Sydney Pollack, avec Meryl Streep dans le rôle de Karen
Blixen et Robert Redford dans celui de Denys Finch Hatton. Le film a remporté
plusieurs Oscars et a donné une nouvelle vie à l'œuvre de Blixen.
En plus de Out of
Africa, Karen Blixen écrit plusieurs autres ouvrages qui reflètent
son talent pour le récit fantastique et mystique. Parmi ses oeuvres les
plus notables figurent deux recueils de nouvelles, Les Contes d'hiver
(Winter’s Tales, 1942) et Anecdotes du destin (Anecdotes
of Destiny, 1958), qui contient notamment Le Festin de Babette
( Babette’s Feast), une nouvelle qui raconte l'histoire d'une ancienne
cuisinière française exilée dans un village puritain en Norvège, et
qui organise un somptueux repas pour les habitants du village.
• Les
Contes d'hiver (Vinter-Eventyr) est un recueil de nouvelles
publié en 1942, en plein milieu de la Seconde Guerre mondiale. Contrairement
à son titre, ce n'est pas un recueil de contes au sens traditionnel, mais
plutôt des histoires symboliques et philosophiques, imprégnées de mystère,
d'éléments surnaturels et de réflexions sur le destin, l'amour, la justice
et la grâce. Le titre fait allusion à l'atmosphère du recueil, qui est
volontiers sombre et contemplative, correspondant à l'hiver, une période
de silence, d'introspection et de transformation. Les nouvelles sont caractérisées
par le style élégant et baroque caractéristique de Blixen, ainsi que
par son approche singulière de la narration, mélangeant le réalisme
avec le fantastique et le mythologique. Les thèmes centraux du recueil
sont le destin, l'identité, la mort, le sacrifice et la rédemption. Blixen
explore aussi le lien entre les êtres humains et des forces surnaturelles
ou des événements qui semblent échapper à leur contrôle. Le destin,
un thème récurrent dans son œuvre, est souvent représenté de manière
inévitable, mais avec un sens aigu de la beauté et de la fatalité tragique.
Les récits sont construits comme des paraboles, où chaque détail a une
signification symbolique plus profonde. Les personnages sont généralement
confrontés à des dilemmes moraux ou métaphysiques, qui les poussent
à prendre des décisions fatidiques. Le Champ de la douleur(Sorrow-Acre)
est probablement la nouvelle plus connue de ce recueil. Elle raconte
l'histoire d'une femme, Anne-Marie, qui accepte de faucher à la main un
champ de seigle pour sauver la vie de son fils accusé de vol. Ce récit
est une réflexion sur le sacrifice, l'honneur, la justice et l'injustice
sociale. Le personnage principal accomplit une tâche surhumaine avec une
résignation qui lui confère une dimension quasi mythique, symbolisant
l'acceptation des dures réalités de la vie et de la mort.
• Anecdotes
du destin (Skaebne-Anekdoter) est un recueil de nouvelles de
Karen Blixen, publié en 1958. Il contient cinq récits courts qui abordent
des thèmes comme le destin, la grâce, et la condition humaine, le tout
imprégné d'une atmosphère de mystère et de spiritualité. Les histoires
de ce recueil sont caractérisées par des situations où les personnages,
confrontés à des moments cruciaux de leur vie, découvrent des vérités
profondes sur eux-mêmes ou sur le monde qui les entoure. Le ton de Blixen
est à la fois ironique et mélancolique, avec une attention particulière
aux détails symboliques. Le style de l'autrice dans ce recueil est typiquement
baroque, avec une narration élégante. Elle combine des éléments fantastiques
avec des observations réalistes, créant ainsi une tension entre le monde
ordinaire et l'inexpliqué, ce qui donne à ses nouvelles une dimension
universelle. Le Dîner de Babette est la nouvelle la plus
célèbre du recueil, elle raconte l'histoire d'une cuisinière française,
Babette, réfugiée en Norvège après avoir fui la guerre en France. Elle
travaille pour deux sœurs puritaines dans un petit village norvégien.
Lorsqu'elle gagne une somme d'argent importante à la loterie, elle décide
de l'utiliser pour offrir aux villageois un somptueux repas à la française,
révélant ainsi sa véritable identité et son passé. Ce repas devient
un moment de grâce pour les convives, bouleversant leurs vies. Cette nouvelle
a été adaptée au cinéma en 1987 sous le titre Le Festin de Babette,
remportant l'Oscar du meilleur film étranger.
Karen Blixen avait un
style narratif unique, parfois comparé à celui d'écrivains du XIXe
siècle comme Hans Christian Andersen ou des
romanciers gothiques. Ses oeuvres sont marquées par un sens aigu de l'ironie,
des personnages intrigants et une ambiance de conte de fées. Vers la fin
de sa vie, elle est devenue une figure littéraire respectée et admirée
dans le monde entier, malgré une santé déclinante. La syphilis qu'elle
avait contractée dans sa jeunesse, ainsi que des problèmes digestifs
chroniques, ont rendu ses dernières années difficiles. Sa vie personnelle
a longtemps été marquée par la solitude et la maladie, mais elle a continué
à écrire jusqu'à la fin. Elle est décédée en 1962 à Rungstedlund,
sa maison d'enfance, qui est aujourd'hui un musée dédié à sa mémoire
et à son oeuvre. |
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