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Les jeux de hasard
Jeux de dés
Krabs (Creps)
Pair et impair
Partie simple
Passe-dix

Quinquinove
Rafle
Bezette
Bidou
Jeu de l'Espérance

Belote aux dés
Golf aux dés
Neuf cases
Jeu du cochon
Jeu du Tourne-case

Passedix
Passe anglaise
Poker d'as (Poker dice)
Zanzibar et 421
Yams (ou Cameroun)

Jeux d'enfants
Osselets, Toton, Loto, Pile ou face
Jeu de l'Oie et Steeple-chase (Petits chevaux)

Jeux de casino
Roulette
Boule
Vingt-trois
Blanque
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Jeux de cartes
Baccara
Trente et Quarante
Vingt et un (Blackjack)
Pharaon

La famille du Biribi
Biribi
Belle
Cavagnole
Hoca
 

Les jeux de hasard, comme les autres jeux peuvent représenter un exercice désintéressé de l'activité et n'avoir d'autre but que le gain de la partie, mais, dans la pratique, ils représentent souvent une tentative pour se procurer un gain sans travail; cessant alors d'une certaine manière d'être des jeux. La différence résulte de l'union au jeu d'un autre facteur, le pari. Presque tous les jeux comportent une lutte entre deux ou plusieurs individus ou deux ou plusieurs groupes. Le vainqueur retire du succès une satisfaction d'orgueil. La tentation est très forte d'y adjoindre un bénéfice matériel. Dans le jeu-spectacle, un prix est habituellement proposé au vainqueur, et il arrive que le jeu devient pour celui qui s'offre en spectacle une profession semblable aux autres. Les spectateurs glissent sur la même pente et volontiers soulignent la préférence qu'ils ont pour l'un ou l'autre champion en pariant en sa faveur. Dans les jeux ordinaires, les défis ont souvent le même corollaire, un pari engagé entre les concurrents. 

Une confusion s'établit entre le jeu et l'appel au hasard. Elle est facilitée par les idées magico-religieuses qui dans l'un et l'autre cas attribuent la décision au choix fait par les dieux, qui pourra ici porter le nom de chance. On fait à celle-ci, comme autrefois à ceux-là, honneur de la victoire, et dans les circonstances douteuses, lorsqu'on hésite entre plusieurs résolutions, on emploie le tirage au sort pour connaître leur préférence, l'indication fournie par le sort étant censée émaner de cette étrange puissance (Divination). L'appel au hasard devient une méthode pour tous les cas douteux, par exemple pour décider de la propriété d'un objet contesté. Il devient, à côté du travail et du brigandage, un moyen d'acquérir. Chez un grand nombre de sociétés, nous trouvons cette passion du pari. On le greffe sur les jeux les plus simples, sur ceux où l'habileté a le moins de rôle et dans lesquels tout ou presque tout dépend du hasard. La violence des passions excitées par ces jeux, qui ne sont plus que des prétextes à parier, est telle qu'ils effacent tous les autres et que dans le langage le mot joueur est synonyme de parieur.

Les jeux de hasard les plus simples sont ceux qui égalisent exactement les chances et comportent le minimum d'appareil : pair ou impair, pile ou face; de même la mora des Italiens, et la plupart des combinaisons du jeu de dés qui fut longtemps le plus usité de tous. Dans l'Europe moderne, il a été détrôné par les cartes; tous les jeux de cartes sont des jeux de hasard, mais l'habileté du joueur joue dans quelques-uns un rôle appréciable (bridge, piquet, écarté, poker), tandis que dans d'autres elle est négligeable ou n'intervient pas (baccara, pharaon, rouge et noir, trente et quarante, vingt-un (blackjack), passedix, lansquenet, rams, etc.).

Tous ces jeux laissent une porte ouverte à la fraude; les tricheries les plus banales sont, d'une manière générale, celles qui consistent à s'assurer des cartes avantageuses, soit en les retrouvant dans le paquet, soit en les ajoutant au jeu; et celles qui vous font connaître le jeu de l'adversaire, soit en marquant les cartes, soit en se faisant renseigner par un compère, soit en ayant ce dernier pour adversaire et s'entendant avec lui pour détrousser les parieurs qui ont misé sur l'un ou l'autre jeu; la tricherie à la marque, par laquelle on s'ajoute des points; la fraude consistant à augmenter ou à diminuer son enjeu après que le coup est gagné ou perdu, etc.; à l'écarté on s'assure le roi ou bien on le retourne; on prend six cartes et on en écarte une de plus qu'on n'annonce; au baccara on fait ajouter au paquet une « portée » de cartes connues du banquier et qui lui assurent le gain d'une série de coups; au poker, on complète une séquence, un brelan, en reprenant une carte de son écart ou en l'ajoutant; de même au piquet, la simple énumération des inventions des « grecs » pour voler les joueurs naïfs suffit à remplir des volumes. Le seul remède est de ne jouer qu'avec des personnes qui vous sont complètement connues. 

L'habitude du jeu est très répandue, et presque tout le monde y joint un pari, expose un enjeu. Dans la majorité des cas cet enjeu est minime, étant seulement destiné « à intéresser la partie ». On joue au café les consommations aux cartes, au domino, au billard. On joue en famille quelques sous au loto. Si le jeu était limité à des paris individuels , il serait inoffensif. Mais on a vu s'introduire l'exploitation du jeu par des entrepreneurs (casinos) ou par l'Etat, qui offrent à tout venant de parier contre eux, mais qui ne lui laissent pas une chance égale à la leur; ils s'assurent un avantage. Les systèmes destinés à procurer à celui qui offre le pari et qui tient le jeu (on l'appelle banquier), contre les parieurs ou pontes une probabilité supérieure de gain, varient selon les jeux. A la roulette l'avantage essentiel du banquier consiste en ce qu'il a 36 chances contre 1 au ponte et que pourtant il ne paye au gagnant que 35 fois sa mise; il se réserve ainsi 2,7 %. Au pharaon, l'avantage résultant du plié (6 %) et de la dernière carte (3%) est encore plus fort; les loteries, et notamment celles qui organisent le pari sur des numéros donnent au banquier le maximum de bénéfice. Aux courses, le prélèvement du bookmaker, là où il est autorisé, varie de 10 à 25 %; celui du pari mutuel est en France un peu supérieur à 18% (un peu plus de la moitié pour l'Etat, le reste pour la société organisatrice). 

Tout au long de l'histoire des jeux de hasard, on voit un certain nombre de jeux, qui déguisent de simples escroqueries : par exemple le bonneteau, les poules au billard organisées dans des cafés par des spécialistes qui s'entendent pour détrousser les parieurs. La plupart des maisons de jeu déguisées sous le nom de casinos ou de cercles ne se contentent pas des bénéfices de la cagnote et s'entendent avec des grecs, tricheurs de profession, pour voler les joueurs. L'exploitation industrielle du jeu-pari est souvent doublée d'un vol.

Un caractère commun à la plupart des jeux de hasard est leur extrême facilité; ils reposent sur les combinaisons les plus simples des cartes ou des dés, afin que tout le monde puisse s'y adonner. Dans ceux qui sont l'objet d'une exploitation commerciale, on cherche à ce que le jeu soit le plus rapide possible : plus les paris se succèdent rapidement, plus souvent se répète la prime du banquier et plus aussi s'accentue l'entraînement du joueur, ne lui laissant aucun intervalle pour se ressaisir. La roulette et certains jeux de cartes (baccara, trente et quarante, etc.) ont à cet égard un redoutable privilège.

Tous les moralistes s'accordent à dénoncer les funestes effets de la passion du jeu (pari). Le joueur perd l'habitude et le goût du travail, la rémunération régulière que celui-ci assure paraissant infime comparée au gain qu'une série de paris heureux, un moment de veine, peuvent procurer en quelques-minutes. Il perd la notion de la valeur de l'argent et, alors même que, pendant un délai prolongé, ses gains et pertes se compenseraient ou laisseraient une plus-value, le joueur n'en aurait pas moins été entraîné à des dépenses tellement supérieures à ses ressources normales que sa ruine demeure certaine. La violence des émotions du jeu détruit tous les autres sentiments. On parle d'addiction, au même titre que pour les drogues chimiques. Elle livre le joueur à toutes les impulsions : superstitions puériles, abandon de la famille, vol, abus de confiance, meurtre même, pour obtenir l'enjeu d'une nouvelle partie. Ces dangers sont si flagrants que tous les pays ont reconnu qu'il y a un intérêt social majeur à refréner le jeu. 

Cependant il faut reconnaître que son rôle dans notre société est bien plus considérable qu'il ne paraît au premier abord. On retrouve à tous les degrés l'opération qui consiste à chercher, au prix d'un risque, un gain, lequel ne représente plus alors le résultat d'un travail, mais le résultat d'un combat. La forme la plus simple est le jeu ordinaire, roulette ou jeu de cartes, par exemple; mais tous les échanges, toutes les affaires à échéance plus un moins longue comportent un élément de risque : dans toute opération commerciale à terme, dans tout achat pour revendre, il y a une part de jeu, les autres facteurs étant le travail, la matière, etc., éléments de la valeur actuelle et future de l'objet échangé. Toutes les fois qu'on escompte l'avenir, qu'on opère sur des probabilités, on fait un acte analogue à un pari. La spéculation s'efforce d'isoler cet élément des autres et cherche dans les affaires financières et commerciales les profits du jeu; c'est aujourd'hui une forme importante du jeu - la plus importante même si l'on considère les sommes impliquées - ; il se joue dans les Bourses des valeurs et dans les diverses Bourses commerciales des sommes incomparablement plus élevées que dans tous les casinos, tripots, cercles, cafés du monde entier. Les opérations qui s'y traitent sont en grande majorité fictives et sans autre motif que l'argent. Toutefois, nous devons observer que cette forme du jeu est sensiblement différente de l'autre. Il ne s'agit plus de hasard pur, mais de l'incertitude de l'avenir et du conflit de prévisions contradictoires sur des événements futurs. L'intelligence, l'information ont ici une importance prépondérante; c'est seulement sur une grande quantité d'opérations, c.-à-d. de paris, et par une vérification expérimentale, qu'on peut assimiler le jeu de bourse et la généralité des spéculations commerciales à des jeux de chance ou de hasard. A cet égard, ils représentent la contre-partie de l'assurance, par laquelle une autre catégorie de personnes cherchent à se mettre à l'abri des risques de l'avenir.

A l'époque actuelle, si l'on met à part les sports, les trois espèces de jeux les plus usuelles sont : les jeux de cartes, le jeu de courses, le jeu de bourse. Les jeux de cartes, auxquels on peut assimiler la roulette, sont complètement ou à peu près complètement des jeux de hasard.. Aux courses, il n'en est plus de même en apparence; la connaissance des performances des chevaux, de l'état du terrain, du mérite des jockeys, etc., bref de toutes les conditions qui déterminent le résultat d'une course, permettent de prédire avec une certaine confiance le vainqueur; telle est, du moins, l'opinion des joueurs; en fait, leur ignorance les réduit à parier pratiquement au hasard. Le jeu aux courses est le moins dangereux à cause du petit nombre de paris (six par jour, au maximum), de l'intervalle qui les sépare et permet d'éviter l'entraînement fiévreux si fatal aux joueurs de cartes; mais l'aspect scientifique du jeu de courses conduit le joueur à consacrer son temps à des études destinées à obtenir de meilleurs pronostics; les courses absorbent ainsi toute son activité. Il en est de même pour le jeu de bourse, dont les paris, sauf pour les professionnels, sont pour le commun des mortels encore plus espacés, mais portent sur des sommes plus fortes. 

Une des causes les plus efficaces de la ruine des joueurs, c'est que les établissements qui offrent à jouer prélèvent sur les joueurs, par la cagnote, un impôt qui, en un temps assez court, engloutit la totalité des fonds promenés sur le tapis vert; à la roulette, la probabilité est qu'au trente-sixième coup le joueur aura perdu son enjeu. Ce prélèvement se retrouve dans tous les jeux : aux courses, il est représenté par les 7% que retient l'agence officielle du pari mutuel : à la bourse par le salaire ou courtage des intermédiaires, agents de change, coulissiers, etc. Il faut donc aux probabilités mathématiques de ruine des joueurs, indiquées ci-dessous, ajouter ce fardeau écrasant des frais d'organisation du jeu. (A.-M. B.).

La mathématique des jeux de hasard.

La théorie des jeux de hasard est une des parties des plus importantes, des plus difficiles et des plus intéressantes du calcul des probabilités. Son utilité est incontestable : au point de vue scientifique, elle a donné naissance à une foule de théories intéressantes et a exercé la sagacité des savants les plus illustres c'est elle qui a fait naître le calcul des probabilités; au point de vue pratique, elle a donné lieu à la théorie des assurances sur la vie; enfin, au point de vue moral, elle inspire à ceux qui l'ont étudiée avec soin l'horreur des jeux de hasard en montrant à nu tous leurs dangers. Il n'y a pas à proprement parler de jeu parfaitement équitable, j'espère le prouver, en ce sens que les joueurs ne se trouvent jamais dans des conditions moralement équivalentes; cependant on convient de dire qu'un jeu est équitable lorsque les joueurs, ayant joué un très grand nombre de parties, leurs mises sont telles que, si on les modifiait très peu, l'un d'eux au moins serait sûr de perdre ou sûr de gagner. Pour qu'un jeu soit équitable, à ce point de vue, il faut et il suffit que la mise de chaque joueur soit égale à ce que l'on appelle son espérance mathématique. L'espérance mathématique d'une somme d'argent est le produit de cette somme par la probabilité que l'on a de la gagner.

Supposons d'abord que les conditions du jeu restent les mêmes à chaque partie jouée et qu'un joueur attende en cas de gain une somme constante a, avec la probabilité p constante aussi de l'obtenir; le théorème de Bernoulli nous apprend que si le joueur joue un très grand nombre s de parties, il en gagnera sp ± E, E désignant un nombre qui est de l'ordre de la racine carrée de s.

Plus exactement, il y aura une probabilité 

que le joueur gagnera un nombre de fois compris entre sp - E et sp + E, et l'intégrale précédente est très voisine de 1 quand 

est un peu supérieur à 2; ainsi par exemple, si cette expression égale 3, l'intégrale sera égale à 0,99997. Ainsi il y aura à peu près 10.000 à parier contre 1 qu'après s parties, le joueur en aura gagné un nombre compris entre  et . Le calcul montre qu'il ajuste autant de chance d'en gagner ps-a que ps+a; il résulte de là que si la mise de notre joueur est pa, égale à son espérance mathématique, il aura autant de chances d'être en gain que d'être en perte après un grand nombre de parties jouées. Au contraire, si sa mise est pa + a, un peu supérieur à pa, sa perte sera psa, à une quantité près au plus égale à , négligeable vis-à-vis de psa; il serait forcément en gain si sa mise était pa - a. Lorsque la probabilité de gagner ne reste pas la même à chaque partie, pourvu que cette probabilité reste comprise entre des limites finies, une analyse un peu plus compliquée montre encore que la mise du joueur à chaque coup doit être égale à son espérance mathématique : j'ai dit pourvu que cette probabilité reste comprise entre des limites finies, et aussi pourvu que les sommes espérées par le joueur restent également comprises entre des limites finies; ces restrictions sont absolument nécessaires et c'est pour les avoir négligées ou oubliées que l'on en est arrivé avoir des paradoxes là où il n'y a que des phénomènes naturels et qui ne sont nullement en contradiction avec les théories.

Le simple bon sens, bien avant l'invention du calcul des probabilités, avait déjà indiqué comment les joueurs devaient régler leurs mises dans les cas les plus simples, et un grand nombre d'auteurs ont considéré la règle de l'espérance mathématique comme un principe fondamental n'exigeant aucune démonstration. Tirons du moins, de la discussion à laquelle nous venons de nous livrer, cette conséquence : si un joueur veut se garer contre toutes les chances de perte et s'il veut se réserver un bénéfice certain à la longue, sa mise doit être inférieure à son espérance mathématique; c'est ce qu'ont compris les directeurs de toutes les maisons de jeu et les assureurs qui demandent à leurs clients des primes plus fortes que celles qu'ils devraient payer en toute équité; disons toutefois en faveur de ces derniers que, à l'encontre des directeurs des maisons de jeu, ils rendent des services sérieux qui méritent un salaire.

Si nous étudions maintenant le jeu de hasard à un autre point de vue, l'analyse mathématique démontre d'une façon péremptoire que, quand deux ou plusieurs joueurs jouent à un jeu équitable, le plus riche est celui qui a le plus de chances de ruiner les autres, et que s'il est de beaucoup le plus riche il ruinera presque à coup sûr les autres; s'il est infiniment riche il ruinera certainement les autres. Conclusion : le joueur de profession qui joue contre le public, infiniment plus riche que lui, se ruine à coup sûr. Il se ruinera a fortiori s'il joue contre un banquier qui se réserve un avantage quelconque, par exemple contre le fermier d'une maison de jeu.

Les joueurs ont des préjugés qui leur ont fait inventer une foule de combinaisons qui doivent les conduire à la fortune; aucune de ces combinaisons, aussi appelées martingales, ne peut résister à l'analyse, et le jeu doit forcément ruiner à la longue celui qui s'y livre, quelque ingénieuses que soient ses combinaisons. On a proposé quelquefois le moyen suivant pour réaliser au jeu un bénéfice en apparence certain; ce moyen consiste à placer des mises allant en doublant à chaque coup tant que le joueur perd. Mais outre qu'un pareil jeu ne serait pas équitable, puisque les mises ne resteraient pas comprises entre des limites fixées, le joueur court le risque de perdre sa fortune à un moment donné, et à ce moment son partenaire peut refuser de jouer avec lui si sa mise n'est pas effective; d'ailleurs les directeurs des maisons de jeu ont bien soin de limiter les mises des joueurs à un certain maximum. En résumé, si l'on prend le mot équitable avec son sens ordinaire, le jeu n'est réellement équitable que quand deux joueurs également riches placent des mises égales à leurs espérances mathématiques; dès que l'un d'eux devient plus riche, le jeu cesse d'être parfaitement équitable puisque le plus riche a le plus de chance de ruiner l'autre. Au fond et en toute rigueur le joueur est dupe ou coquin. (H. Laurent).

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