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Pierre Patrix
est un poète français,
né à Caen en 1583, mort à
Paris en 1671. Son père, conseiller
au bailliage de Caen, le destina à la carrière du barreau
et lui fit, en conséquence, étudier le droit; mais Pierre
Patrix ne tarda pas à prendre cette science en aversion. Vif, indépendant
par caractère, d'humeur légère et enjouée,
n'eut dès lors d'autre occupation que le plaisir. A l'âge
de quarante ans seulement, rassasié de débauches et se voyant
à peu près sans fortune, il commença à se repentir
de ses folies de jeunesse, à faire de sérieuses réflexions,
vint à Paris pour tâcher de réparer le temps perdu,
et entra au service de Gaston de France, duc d'Orléans,
frère du roi Louis XIII, qui le nomma
son premier maréchal des logis. Là, il fréquenta le
beau monde, les lettrés particulièrement, et lia amitié
avec Voiture. Etant aux bains de Bourbonne, il
fit la connaissance du facétieux cul-de-jatte Scarron,
ce qui lui a valu d'être cité dans les rimes bames de ce drolatique
personnage :
Patrix,
Quoique Normand,
homme de prix.
En 1660, après la mort du duc d'Orléans,
qui n'avait eu qu'à se louer de lui, pierre Patrix devint premier
écuyer de Marguerite de Lorraine,
veuve du prince. En outre, il obtint le gouvernement du comté et
château de Limours et Montlhéry,
un logement dans le palais d'Orléans, avec une pension d'ailleurs
peu considérable.
Patrix était réputé
pour ses reparties spirituelles et ses bons mots, dont plusieurs sont parvenus
jusqu'à nous; lorsqu'il eu trouvait dans des réunions où
l'on parlait science, il avait coutume de dire à ceux qui l'entouraient
: " Je vais tâter de votre vin. " A l'âge de quatre-vingts
ans, il essuya une grande maladie, mais put lui résister. Un jour,
ses amis le félicitant de son rétablissement et le pressant
de se lever : "Hélas! messieurs, leur dit-il, ce n'est vraiment
pas la peine de me rhabiller. "
Vers la fin de sa carrière Patrix
tomba dans la dévotion; ce vieux diable se fit ermite, gémit
de ses fredaines juvéniles, désavoua des vers licencieux
et travailla à les supprimer. Il mourut célibataire à
Paris, et fut enterré dans l'église des religieuses du Calvaire.
Cet auteur a laissé des chansons
et poésies diverses (dans le Recueil de Barbin), etc. Il
a dédié au duc d'Orléans : la Miséricorde
de Dieu sur la conduite d'un pécheur pénitent, avec quelques
autres pièces chrestiennes, le tout composé et mis en lumière
par luy-ntesme, en réparation du passé, etc. (Blois,
1660), livre fort ennuyeux et fort triste.
Filis, qui
pour vous-même avez tant d'amitié
Et prenez tant de
soin de paroistre si belle,
Entre nous, sans
mentir, vous me faites pitié
A quoi bon tout
cela pour la vie éternelle?
Ce dernier vers sert de refrain à dix
strophes dont se compose le cantique intitulé : Du mépris
des vanitez du monde. Le rimeur s'adresse successivement aux coquettes,
aux étourdis, aux " idolâtres d'argent", aux " justiciers
sans justice", aux gens de cour, aux prélats et aux guerriers.
Huet (Origines de Caen) loue beaucoup le
caractère des vers de Patrix, qu'il trouve d'un tour tout à
fait original et presque inimitable, pleins de sel et d'un goût exquis;
mais Huet parle là des vers de la jeunesse de Patrix.
Patrix avait la muse funèbre. On
ne connaît guère de lui que ce dizain lugubre, mais au fond
très philosophique, souvent cité sous le titre de Songe,
et communément appelé Songe de Patrix, que, pour plus d'originalité
sans doute, il avait lui-même intitulé Madrigal :
-
Madrigal
« Je rêvais
cette nuit que, du mal consumé,
Côte à
côte d'un pauvre on m'avait inhumé,
Et que, n'en pouvant
pas souffrir le voisinage,
En mort de qualité
je lui tins ce langage :
"Retire-toi, coquin;
va pourrir loin d'ici;
Il ne t'appartient
pas de m'approcher ainsi.
- Coquin!
ce me dit-il d'une arrogance extrême,
Va chercher tes
coquins ailleurs, coquin toi-même!
Ici tous sont égaux;
je ne te dois plus rien
Je suis sur mon
fumier comme toi sur le tien. »
(P.
Patrix).
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Voici également de lui, roulant
sur les mêmes idées, une pièce un peu plus longue,
mais non moins faite pour porter à réfléchir et confondre
la vanité humaine. II fit celle-ci, dit-on, très tard et
comme il touchait à ses quatre-vingts ans; elle porte un titre funéraire
et est beaucoup moins connue que l'autre.
-
Epitaphe
« Passant,
arrête un peu : sous ces vers que tu lis,
Gisent de leur auteur
les os ensevelis.
Au bord de cette
tombe, et tout près d'y descendre,
Lui-même fit
ces vers pour en couvrir sa cendre;
Devoir triste et
funèbre a ses mânes rendu,
Qu'il n'a, comme
tu vois, de nul autre attendu.
N'attends pas néanmoins,
passant, qu'il te convie
D'apprendre ses
vertus, ni son nom, ni sa vie,
Ce qu'il fut dans
le monde ou ce qu'il ne fut pas,
La perte que son
siècle a faite à son trépas,
Ni comme, abandonnant
la terre désolée,
Son âme glorieuse
au ciel s'en est allée,
Nouvel astre, augmenter
les feux du firmament
Ridicules discours,
jargon de monument.
Hélas! maudit
pécheur, endurci dans son crime,
De cent folles amours
l'éternelle victime,
Et l'infâme
jouet de mille vanités,
Il n'eut, de son
vivant, point d'autres qualités.
O qu'heureux mille
fois le ciel l'aurait fait naître,
S'il s'en fût
corrigé comme il les sut connaître!
Fasse, va ton chemin,
et l'assure aujourd'hui
Que c'est prier
pour toi que de prier pour lui. »
(P.
Patrix).
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