La Fontaine | Il ne se faut jamais moquer des misérables, Car qui peut s'assurer d'être toujours heureux? Le sage Esope dans ses fables Nous en donne un exemple ou deux; Je ne les cite point, et certaine chronique M'en fournit un plus authentique. Le Renard se moquait un jour de l'écureuil Qu'il voyait assailli d'une forte tempête: Te voilà, disait-il, près d'entrer au cercueil Et de ta queue en vain tu te couvres la tête. Plus tu t'es approché du faîte, Plus l'orage te trouve en butte à tous ses coups. Tu cherchais les lieux hauts et voisins de la foudre: Voilà ce qui t'en prend; moi qui cherche des trous, Je ris, en attendant que tu sois mis en poudre. Tandis qu'ainsi le renard se gabait, Il prenait maint pauvre poulet Au gobet; Lorsque l'ire du Ciel à l'écureuil pardonne: Il n'éclaire plus ni ne tonne; L'orage cesse et le beau temps venu, Un chasseur ayant aperçu Le train de ce renard autour de sa tanière: Tu paieras, dit-il, mes poulets. Aussitôt nombre de bassets Vous fait déloger le compère. L'écureuil l'aperçoit qui fuit Devant la meute qui le suit. Ce plaisir ne lui dure guère, Car bientôt il le voit aux portes du trépas. Il le voit; mais il n'en rit pas, Instruit par sa propre misère.. | |