La Fontaine | Aux traces de son sang, un vieux hôte des bois, Renard fin, subtil et matois; Blessé par des chasseurs, et tombé dans la fange, Autrefois attira ce parasite ailé Que nous avons mouche appelé. Il accusait les dieux, et trouvait fort étrange Que le sort à tel point le voulût affliger, Et le fit aux mouches manger. " Quoi! se jeter sur moi, sur moi le plus habile De tous les hôtes des forêts! Depuis quand les renards sont-ils un si bon mets? Et que me sert ma queue? est-ce un poids inutile? Va, le Ciel te confonde, animal importun! Que ne vis-tu sur le commun! " Un hérisson du voisinage, Dans mes vers nouveau personnage, Voulut le délivrer de l'importunité Du peuple plein d'avidité : " Je les vais de mes dards enfiler par centaines, Voisin renard, dit-il, et terminer tes peines. - Garde-t'en bien, dit l'autre; ami, ne le fais pas : Laisse-les, je te prie, achever leur repas. Ces animaux sont soûls; une troupe nouvelle Viendrait fondre sur moi, plus âpre et plus cruelle. " Nous ne trouvons que trop de mangeurs ici-bas : Ceux-ci sont courtisans, ceux-là sont magistrats. Aristote appliquait cet apologue aux hommes. Les exemples en sont communs, Surtout au pays où nous sommes. Plus telles gens sont pleins, moins ils sont importuns. | |