La Fontaine | Jupiter, voyant nos fautes, Dit un jour, du haut des airs : " Remplissons de nouveaux hôtes Les cantons de l'univers Habités par cette race Qui m'importune et me lasse. Va-t'en, Mercure, aux Enfers; Amène-moi la Furie La plus cruelle des trois. Race que j'ai trop chérie, Tu périras cette fois. " Jupiter ne tarda guère A modérer son transport. O vous, Rois, qu'il voulut faire Arbitres de notre sort, Laissez, entre la colère Et l'orage qui la suit, L'intervalle d'une nuit. Le dieu dont l'aile est légère, Et la langue a des douceurs, Alla voir les noires soeurs. A Tisiphone et Mégère Il préféra, ce dit-on, L'impitoyable Alecton. Ce choix la rendit si fière, Qu'elle jura par Pluton Que toute l'engeance humaine Serait bientôt du domaine Des déités de là-bas. Jupiter n'approuva pas Le serment de l'Euménide. Il la renvoie; et pourtant Il lance un foudre à l'instant Sur certain peuple perfide. Le tonnerre, ayant pour guide Le père même de ceux Qu'il menaçait de ses feux, Se contenta de leur crainte; Il n'embrasa que l'enceinte D'un désert inhabité : Tout père frappe à côté. Qu'arriva-t-il? Notre engeance Prit pied sur cette indulgence. Tout l'Olympe s'en plaignit; Et l'assembleur de nuages Jura le Styx, et promit De former d'autres orages : Ils seraient sûrs. On sourit; On lui dit qu'il était père, Et qu'il laissât, pour le mieux, A quelqu'un des autres dieux D'autres tonnerres à faire. Vulcain entreprit l'affaire. Ce dieu remplit ses fourneaux De deux sortes de carreaux : L'un jamais ne se fourvoie; Et c'est celui que toujours L'Olympe en corps nous envoie; L'autre s'écarte en son cours : Ce n'est qu'aux monts qu'il en coûte; Bien souvent même il se perd; Et ce dernier en sa route Nous vient du seul Jupiter. | |