La Fontaine | Dans une ménagerie De volatiles remplie Vivaient le cygne et l'oison : Celui-là destiné pour les regards du maître; Celui-ci, pour son goût : l'un qui se piquait d'être Commensal du jardin! l'autre de la maison. Des fossés du château faisant leurs galeries, Tantôt on les eût vus côte à côte nager, Tantôt courir sur l'onde, et tantôt se plonger, Sans pouvoir satisfaire à leurs vaines envies. Un jour le cuisinier, ayant trop bu d'un coup, Prit pour oison le cygne; et le tenant au cou, Il allait l'égorger, puis le mettre en potage. L'oiseau, prêt à mourir, se plaint en son ramage. Le cuisinier fut fort surpris, Et vit bien qu'il s'était mépris. " Quoi? je mettrais, dit-il, un tel chanteur en soupe! Non, non, ne plaise aux dieux que jamais ma main coupe La gorge à qui s'en sert si bien! " Ainsi dans les dangers qui nous suivent en croupe Le doux parler ne nuit de rien. | |