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Thomas
Kuhn
est un philosophe né le 18 juillet
1922 à Cincinnati (Ohio, États-Unis) et mort: 17 juin 1996 à Cambridge
(Massachusetts, États-Unis). Il grandit dans une famille intellectuelle
et progressiste. Après avoir fréquenté
la Taft School, il intègre l'université Harvard en 1940, où il obtient
un baccalauréat en physique en 1943. Pendant la Seconde
Guerre mondiale, il participe à des projets de recherche militaire,
et contribue à des travaux sur les radars au sein du programme de recherche
scientifique et de développement dirigé par Harvard. À la fin du conflit,
Kuhn reprend ses études et obtient un doctorat en physique en 1949.
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Thomas
Kuhn.
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Durant ses années
de doctorat, Kuhn s'intéresse de plus en plus à l'histoire et à la philosophie
des sciences, en grande partie sous l'influence
de James B. Conant, président de Harvard et historien des sciences. Conant
encourage Kuhn à étudier l'évolution des théories scientifiques, ce
qui l'amène à enseigner des cours d'histoire des sciences pour des étudiants
non scientifiques. Cette expérience marque un tournant dans sa carrière,
car elle lui permet de prendre conscience des changements profonds qui
ont façonné les révolutions scientifiques à travers l'histoire.
Dans les années
1950, Kuhn se consacre principalement à l'enseignement et à la recherche
en histoire des sciences. Il devient professeur assistant à Harvard et
publie en 1957 La Révolution copernicienne, une étude historique
retraçant l'impact du passage de la vision géocentrique à la vision
héliocentrique de l'univers. Cet ouvrage montre déjà son intérêt pour
les transformations paradigmatiques, bien qu'il n'ait pas encore formalisé
cette notion. À cette époque, Kuhn commence à élaborer les idées qui
le rendront célèbre, en particulier la thèse selon laquelle les sciences
progressent non pas de manière linéaire, mais par des ruptures soudaines
qu'il qualifie plus tard de révolutions scientifiques.
• La
Révolution copernicienne : l'astronomie planétaire dans le développement
de la pensée occidentale (1957). - Ce livre est une étude historique
approfondie de la transformation de la vision du cosmos, de l'Antiquité
à la révolution scientifique du XVIe
et XVIIe siècles. Kuhn y retrace le passage
du modèle géocentrique de Ptolémée au modèle héliocentrique de Copernic.
Il explique le développement du modèle géocentrique, sa cohérence avec
les observations de l'époque et son intégration dans une vision philosophique
et religieuse du monde. Il montre ensuite comment, au fil du temps, des
incohérences et des difficultés d'ajustement sont apparues au sein du
modèle ptolémaïque, nécessitant des modifications complexes (les épicycles).
Kuhn en vient alors à analyser le travail de Nicolas Copernic et la manière
dont il a proposé un nouveau modèle où le Soleil, et non la Terre, est
au centre du système solaire. Il souligne que cette proposition n'a pas
été immédiatement acceptée car elle posait de nouveaux problèmes et
allait à l'encontre des intuitions et des convictions de l'époque. Kuhn
explique enfin comment les travaux de Kepler (avec ses lois des mouvements
planétaires) et de Galilée (avec ses observations télescopiques) ont
progressivement fourni des preuves observationnelles et théoriques solides
en faveur de l'héliocentrisme.
En 1956, Kuhn a quitté
Harvard pour rejoindre l'université de Californie à Berkeley, où il
va poursuivre ses recherches et enseigne à la fois la philosophie et l'histoire
des sciences. En 1962, il publie La Structure des révolutions scientifiques,
son ouvrage le plus connu, qui révolutionne la manière dont les scientifiques
et les philosophes perçoivent l'évolution des sciences. Dans ce livre,
Kuhn introduit les concepts de paradigme
et de changement de paradigme. Pour lui, les sciences ne progressent pas
de façon cumulative, mais par des ruptures radicales marquées par des
périodes de crise et de reconstruction conceptuelle. L'ouvrage suscite
des débats intenses et devient rapidement une référence incontournable,
qui influence de nombreuses disciplines au-delà des sciences naturelles,
comme la sociologie, l'économie et les sciences humaines.
• La
Structure des révolutions scientifiques (1962). - À partir de son
étude de cas sur la révolution copernicienne et d'autres exemples historiques,
Kuhn propose un modèle théorique du développement scientifique qui remet
en question la vision linéaire et cumulative du progrès scientifique.Le
philosophe introduit son concept clé de paradigme, qui est le concept
central de l'ouvrage. Un paradigme est un ensemble de théories, de méthodes,
de valeurs et de techniques partagées par une communauté scientifique
à une époque donnée. Il définit les problèmes légitimes à étudier,
les méthodes acceptables pour les résoudre et les solutions qui peuvent
être considérées comme valides. Il appelle science normale, la science
qui se fait penant la période durant laquelle les scientifiques travaillent
à l'intérieur d'un paradigme établi, en résolvant des "puzzles" et
en accumulant des connaissances qui confirment et étendent le paradigme
dominant. Cependant, apparaissent des anomalies, c'est-à -dire des problèmes
ou des observations que le paradigme actuel ne parvient pas à expliquer.
Au début, ces anomalies sont souvent ignorées ou minimisées. Lorsque
celles-ci s'accumulent et deviennent trop importantes pour être ignorées,
la confiance dans le paradigme dominant commence à s'éroder. Une période
d'incertitude et de recherche de nouvelles approches s'ouvre. Elle débouche
sur ce que Kuhn nomme une révolution scientifique, qui est changement
de paradigme, un changement fondamental dans les conceptions et les pratiques
scientifiques, où un ancien paradigme est remplacé par un nouveau, incompatible
avec le précédent. Ce n'est pas une transition douce et progressive,
mais une rupture radicale. Les paradigmes successifs sont souvent incommensurables,
ce qui signifie qu'il n'existe pas de langage commun ou de critères neutres
pour comparer objectivement les deux paradigmes. Le choix entre eux repose
sur des facteurs qui dépassent la simple logique et l'accumulation de
preuves.
Après la publication
de La Structure des révolutions scientifiques, Kuhn connaît une
reconnaissance académique croissante et est invité à participer à de
nombreuses conférences internationales. En 1964, il quitte Berkeley pour
rejoindre la faculté de l'université de Princeton, où il occupe un poste
de professeur de philosophie et d'histoire des sciences. Il y enseigne
jusqu'en
1979, approfondissant ses réflexions sur la nature des révolutions scientifiques
et les dynamiques internes des communautés savantes. Durant cette période,
il continue d'écrire et de développer des réponses aux critiques adressées
à ses travaux, clarifiant des notions comme l'incommensurabilité des
paradigmes scientifiques.
En 1979, Kuhn est
nommé professeur à l'Institut de Technologie du Massachusetts (MIT),
où il poursuit ses recherches et enseigne jusqu'à sa retraite en 1991.
Au MIT, il s'engage dans des discussions approfondies sur la philosophie
des sciences et consacre du temps à l'écriture de travaux destinés Ã
prolonger et affiner ses idées sur les paradigmes. Bien que ses publications
après La Structure des révolutions scientifiques soient moins
nombreuses, son influence ne cesse de croître. Ses concepts deviennent
des outils analytiques utilisés par des chercheurs de divers horizons
pour comprendre l'évolution des idées et des disciplines. Dans les années
1990, Kuhn continue de participer activement à des colloques et conférences
tout en se consacrant à la rédaction de nouveaux essais. Mais sa santé
commence à décliner. Il meurt en 1996 des suites d'un cancer. |
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