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L'histoire de l'Eswatini (Swaziland)

Période précoloniale

Origines des Swazis.
Avant l'arrivée des Européens, la région qui est aujourd'hui l'Eswatini (et qui a longtemps eu le nom de Swaziland) était habitée par divers groupes ethniques et tribus, dont les ancêtres des Swazis. Les Swazis sont une population bantour d'origine Nguni, un sous-groupe ethnique issu des migrations bantoues qui se sont étendues à travers l'Afrique australe. Ces migrations auraient commencé vers le XVe siècle.

Les ancêtres des Swazis ont quitté la région du Mozambique actuel et migré vers le sud-ouest à la recherche de terres plus fertiles. Au cours du XVIᵉ siècle, ces groupes se sont installés dans ce qui est aujourd'hui le sud-est de l'Eswatini.

Le processus d'unification de la nation swazi a été long et complexe. Les groupes Nguni qui allaient devenir les Swazis étaient dirigés par plusieurs chefs, dont le plus notable était Dlamini I, l'un des fondateurs de la dynastie Dlamini, qui règne toujours aujourd'hui. C'est cette dynastie qui a consolidé l'identité et la cohésion du peuple swazi.

Ngwane III et Sobhuza I.
La figure centrale dans la formation du royaume swazi est Ngwane III (vers 1745-1780), considéré comme le premier roi du Swaziland moderne. Il a établi le coeur de son royaume dans la région actuelle d'Eswatini, près de la rivière Pongola. Ngwane III a consolidé les clans et renforcé l'autorité de la dynastie Dlamini.

Sobhuza I  (vers 1815-1836), également connu sous le nom de Somhlolo, est l'un des rois les plus célèbres de l'histoire swazie. Sous son règne, le royaume swazi s'est agrandi et s'est stabilisé. Sobhuza I a dû faire face à des défis internes et externes, notamment les invasions des Ndwandwe, une puissance régionale importante à l'époque. Sobhuza I a réussi à préserver l'indépendance du royaume.

L'émergence du Swaziland moderne.
Le début du XIXe siècle a vu la montée en puissance de l'Empire zoulou sous Shaka Zulu. Les Swazis ont dû résister à l'expansion zouloue tout en maintenant leur indépendance. Le roi Mswati II (vers 1840-1868) a joué un rôle crucial dans ce contexte. Sous son règne, le royaume a pris le nom de Swaziland, et il a consolidé les frontières du pays, tout en repoussant les attaques zouloues. Mswati II est également connu pour avoir renforcé l'autorité royale et structuré le royaume en un système plus centralisé.

Au milieu du XIXe siècle, les premiers contacts significatifs avec les Européens ont commencé. Des missionnaires et des commerçants s'installent dans la région, cherchant à établir des relations avec les Swazis. Les premiers missionnaires, comme les membres de la Société des missions évangéliques de Paris, arrivent en 1844. Bien que ces interactions aient été limitées à cette époque, elles ont ouvert la voie à l'influence coloniale croissante dans la région, qui s'intensifiera au cours des décennies suivantes, notamment avec les Afrikaners et les Britanniques. 

Colonisation et protectorat

La prise de controle progressive par les Européens.
Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, le roi Mswati II  accorde des concessions de terres à des colons blancs, notamment des Afrikaners (Boers). Sous la pression des Européens et en quête d'alliances contre des puissances locales comme les Zoulous, Mswati II et ses successeurs cèdent des terres et des droits miniers. Cependant, ces concessions dépassaient souvent ce que les rois swazis avaient initialement envisagé, conduisant à une perte progressive de contrôle sur le territoire.

À la fin du XIXe siècle, les tensions s'intensifient entre les Britanniques et les Boers pour le contrôle de l'Afrique australe. Le Swaziland devient un enjeu de ces rivalités. En 1890, après la Première Guerre des Boers, un accord est signé entre les Britanniques et les Boers, établissant un condominium sur le Swaziland, où les deux puissances administrent conjointement le territoire.

Le Protectorat britannique.
Après la Seconde Guerre des Boers (1899-1902), qui voit la victoire des Britanniques sur les républiques boers, le Swaziland passe sous le contrôle direct de l'Empire britannique. En 1903, le Swaziland est officiellement déclaré protectorat britannique. Cependant, contrairement à d'autres colonies de l'époque, le Swaziland conserve une certaine autonomie locale sous l'autorité traditionnelle de la monarchie swazie.

L'administration coloniale britannique est principalement indirecte, laissant une marge de manoeuvre à la monarchie swazie, en particulier sous le règne de Sobhuza II (qui accède au trône en 1921). Cependant, les colons européens continuent à posséder une grande partie des terres fertiles et à exercer une influence économique dominante.

L'économie du Swaziland est largement orientée vers l'agriculture et l'exploitation minière, avec une main-d'oeuvre swazie en grande partie exploitée par les colons et les entreprises étrangères. L'éducation et les services de santé pour les Swazis indigènes sont peu développés, tandis que l'administration coloniale favorise les intérêts des colons blancs.

Durant cette période, le roi Sobhuza II joue un rôle crucial en maintenant la cohésion du peuple swazi face à l'administration coloniale. Sobhuza II manoeuvre habilement pour protéger l'autorité traditionnelle, tout en renforçant les structures culturelles et politiques swazies. Il fonde en 1960 le Swaziland National Council, qui devient un pilier de la lutte pour l'indépendance.

Vers l'indépendance.
Dans les années 1950 et 1960, à l'instar de nombreux autres territoires africains, les mouvements nationalistes swazis se développent, réclamant l'autonomie et l'indépendance. Après des négociations, le Swaziland obtient l'autonomie interne en 1967, puis l'indépendance complète le 6 septembre 1968, avec Sobhuza II comme roi.

Régime post-indépendance

La monarchie absolue.
La constitution de 1968 instaurait une monarchie constitutionnelle avec un parlement élu, tout en conservant une forte influence du roi. Mais en 1973, Sobhuza II suspend la constitution, dissout le parlement et interdit les partis politiques, invoquant des menaces à l'unité nationale. Il instaure un régime de monarchie absolue, concentrant tous les pouvoirs entre ses mains et affirmant la domination des structures traditionnelles swazies. Cette décision marque le début d'une longue période de gouvernement autoritaire, où les opposants politiques sont sévèrement réprimés.

Après le décès de Sobhuza II en 1982, le pays traverse une période d'incertitude. Un conseil de régence est instauré, dirigé par la reine Dzeliwe, puis remplacée par la reine Ntombi, mère du futur roi. En 1986, Mswati III, alors âgé de 18 ans, est couronné roi. Il devient l'un des plus jeunes monarques au monde.

Sous Mswati III, le Swaziland continue d'être gouverné comme une monarchie absolue. Le roi exerce un contrôle strict sur les affaires politiques, économiques et sociales. Les partis politiques restent interdits, et toute opposition est durement réprimée. Mswati III est critiqué pour son style de vie extravagant alors que la majorité de la population vit dans la pauvreté.

Réformes et répression.
Face aux pressions internationales et aux protestations internes pour une démocratisation, le roi introduit une nouvelle constitution en 2005. Cependant, malgré certaines réformes, la monarchie conserve un pouvoir presque absolu, et les partis politiques restent officiellement interdits. Les organisations de la société civile et les mouvements pro-démocratie, comme le People's United Democratic Movement (PUDEMO), continuent de demander plus de libertés politiques et de droits humains.

Le 19 avril 2018, lors des célébrations du 50ᵉ anniversaire de l'indépendance et du 50ᵉ anniversaire de Mswati III, le roi annonce le changement de nom officiel du pays, de Swaziland à Eswatini (les deux noms ont la même signification : le Pays des Swazi). Cette décision vise à affirmer l'identité nationale en adoptant un nom plus proche de la langue locale et à se défaire des influences coloniales.

En 2021, Eswatini connaît une vague de manifestations sans précédent contre la monarchie. Des milliers de personnes descendent dans les rues pour exiger des réformes démocratiques. La réponse du gouvernement est violente, avec des rapports faisant état de répressions brutales par les forces de sécurité. Ces événements montrent un mécontentement croissant envers la gouvernance autoritaire du roi et une demande accrue pour une ouverture politique.

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