| La manifestation de juin dont nous avons relaté ailleurs les causes (Assemblée législative) fut le prologue de la journée du 10 août où périt la royauté. Elle fut organisée par Santerre, commandant du bataillon des Enfants Trouvés, par Fournier l'Américain, par le fameux Legendre et autres révolutionnaires qui avaient de l'influence sur les ouvriers du faubourg Saint-Antoine. Robespierre, Pétion, Manuel l'ont sans doute inspirée. Le 20 juin, dès onze heures du matin, Santerre se mettant à la tête d'un détachement d'Invalides, bientôt suivi de Saint-Huruge et d'une trentaine de mille hommes, se dirigea sur les Tuileries, dans le but apparent de planter, en commémoration du serment du jeu de Paume, un arbre de la liberté et d'apporter en passant un hommage à l'Assemblée nationale; en réalité, pour présenter, fût-ce par la force, une adresse au roi. La garde nationale avait reçu l'ordre de ne pas agir contre les manifestants : elle fit mieux, elle participa en grande partie au mouvement. Santerre et Saint-Huruge, précédés de quelques musiciens, défilèrent dans la salle des séances de l'Assemblée nationale, avec toute leur armée, et l'on remarque, dit le compte rendu du Moniteur, que « plusieurs détachements de la garde nationale armée sont confondus dans la foule ». A trois heures et demie, ce défilé était terminé. La manifestation se dirigea alors sur la rue Saint-Honoré, la suivit jusqu'à la porte des Feuillants, força le passage et tourna par le Carrousel où elle pénétra, malgré les grenadiers de garde aux guichets. Les canonniers du Val-de-Grâce braquèrent leurs pièces sur la porte du château qui fut aussitôt ouverte. La foule encombre la cour; une partie monte aux appartements pendant que l'autre hurle. Le roi est poussé dans une embrasure de fenêtre où Legendre le harangue : « Monsieur, vous êtes fait pour nous écouter. Vous êtes un perfide. Vous nous avez toujours trompés, fous nous trompez encore; mais prenez garde, la mesure est à son comble, le peuple est las de se voir votre jouet. » Pendant prés de trois heures, Louis XVI subit l'assaut de la multitude. Des énergumènes, armés de piques, d'épées, tentent de l'assassiner. Mais son calme finit par agir sur les plus exaltés et lorsque enfin il a consenti à crier : Vive la Nation! et à coiffer le bonnet rouge, on commence à crier : Vive le Roi! et on abandonne la place. Pétion harangue le peuple, juché sur un fauteuil : « Citoyens, vous venez de présenter légalement votre voeu au représentant héréditaire de la nation; vous l'avez fait avec la dignité, avec la majesté d'un peuple libre [...] Retirez-vous, et en restant plus longtemps, ne donnez pas occasion d'incriminer vos intentions respectables. » On obéit sans difficulté et Santerre s'écrie : « Je réponds de la famille royale, qu'on me laisse faire! » Il place une haie de gardes nationaux devant le roi, et à huit heures du soir le dernier manifestant a quitté les Tuileries. (R. S.). | |