| Les runes sont des caractères particuliers d'écriture des premiers Germains. Runa signifiant mystère, les runes étaient des signes mystérieux, qui avaient besoin d'interprétation. On fait aussi venir le mot de runen (faire une entaille), et c'est en effet de cette manière que se traçaient les runes sur la pierre ou le bois. II existe en Norvège, et dans la province suédoise d'Upland, des rochers couverts d'inscriptions runiques. Plusieurs lettres de l'alphabet runique présentent un certain rapport avec les caractères sémitiques; d'autres ont de l'analogie avec l'écriture cunéiforme : on ne sait ni comment ni à quelle époque elles arrivèrent aux Germains. Il n'y avait primitivement que 15 runes, exprimant les articulations a, b, f, h, i, k, l, m, n, o, r, s, t, th, u. Les Scandinaves ajoutèrent plus tard quelques caractères pour des sons subordonnés, et, en inscrivant un point dans ceux qui représentaient k, i, t, b, figurèrent les articulations g, e, d, p. De leur côté, les Anglo-Saxons constituèrent, au moyen de certains changements, retranchements ou additions faits aux anciens caractères, un alphabet de 24 caractères. Les runes marcomans, dont Raban Maur fait le premier mention au IXe siècle, sont regardés comme un remaniement des runes anglo-saxons, opéré par des savants, sans aucun but d'usage pratique. L'introduction du christianisme amena l'abandon des runes; ils furent remplacés, chez les Goths, par un alphabet nouveau que créa Ulfilas au IVe siècle, et plus tard, dans le nord et l'ouest de l'Europe, par l'alphabet romain. Depuis le XVIe siècle, on s'est occupé de réunir des inscriptions runiques; mais leur interprétation donna lieu aux systèmes les plus divers et les plus hasardés, et les anciens ouvrages relatifs aux runes n'ont plus guère de valeur aujourd'hui qu'en raison des matériaux qu'ils peuvent contenir. C'est W. Grimm qui a donné à la théorie des runes une base scientifique. Les runes n'ont pas seulement servi d'écriture; on les employa comme moyen d'interroger le sort et de prophétiser. Nous lisons dans Tacite qu'on prenait un certain nombre de bâtons runiques, c.-à-d. sur chacun desquels on avait gravé un rune, et qu'après les avoir agités en semble, on les jetait sur un morceau étoffe déplié; on cherchait ensuite à trouver un sens dans les caractères que le hasard avait juxtaposés. Les noms des lettres étant significatifs, une valeur magique fut attachée à chacune d'elles : ainsi, une n, dont le nom est nath (= nécessité), tracée sur le revers de la main ou sur les ongles, préservait des trahisons féminins; un th (thur = géant) inspirait l'épouvante; il y avait des runes funestes, des runes propices, des runes médicinaux; les uns assuraient la victoire, d'autres garantissaient des naufrages, etc. On gravait des runes, comme signes préservatifs et protecteurs, sur une foule d'objets, tels que cornes à boire, coupes, avirons, fléaux, fourreaux d'épée, manches de hache, etc. Ainsi, on trouva en 1734 à Gallehuus, près de Tondern, une corne d'or du IVe siècle, couverte de runes : placée au musée de Copenhague, elle fut volée et fondue par des malfaiteurs. Une bractéate d'or du musée de Stockholm présente l'alphabet anglo-saxon de 24 lettres. II existe d'anciens calendriers en bois, sur lesquels on a indiqué en caractères runiques les constellations, le nombre d'or, les lettres dominicales, les jours de la semaine; on y voit souvent des gravures hiéroglyphiques qui représentent pour chaque jour, soit la qualité dominante du saint, soit quelque circonstance de sa vie, par exemple, une harpe pour St David, une paire de souliers pour St Crépin, etc. (A19).
| En bibliothèque - Grimm, Sur les Runes allemands, Goettingen, 1821, et Sur la littérature runique, Vienne, 1828; Brynjulfsen, Periculum runologicum, Copenhague, 1823; Liljegren, Runlaera, Stockholm, 1832; Edelestand du Méril, Mélanges archéologiques et littéraires, Paris, 1850, in-8°. | | |