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La Pentapole

Pentapole ( = « les cinq villes. »). Ce mot désigne, Sap., x, 6, la région où, selon la Bible  étaient Sodome, Gomorrhe, Adama, Séboïm et Ségor, qui furent condamnées par Yahveh à disparaître, à cause de leurs iniquités. Loth obtint la conservation de Ségor, autrement appelée Bala. Sodome, Gomorrhe, Adama et Séboïm furent consumées par le feu du ciel, et en la place où elles étaient situées, se forma le lac Asphaltite, ou le lac de Sodome.

Dans les divers passages où il est fait allusion à la catastrophe, Sodome et Gomorrhe sont le plus souvent nommées ensemble à l'exclusion des autres villes; ainsi Gen., XIII, 10; Deut., XXXII, 32; Is., I, 9; XIII, 19; Jer., XXIII, 14; XLIX, 18; L, 40; Amos, IV, 11; Soph., II, 9; Math., X, 15; Rom., IX, 29; Juda, 7. Ségor est désignée comme une des villes coupables et condamnée, mais épargnée à cause de la prière de Loth. Gen., XIX, 18-23, 29-30. Les deux autres Adama et Séboïm sont citées avec Sodome et Gomorrhe, Deut., XXIX, 23, et seules, Ose., XI, 8. Sodome est parfois présentée seule, soit parce qu'elle était la principale d'entre les cinq par son importance ou sa suprématie ou bien parce qu'elle fut la plus coupable. Cf. Is., III, 9; Thren., IV, 6; Ezech., XVI; Matth., XI, 23. Les autres villes sont appelées « les filles », benôt, de Sodome, Ezech., XVI, 46, 48, 49, 53, 55, expression qui, dans la Bible, indique la dépendance et les suppose dans une même région. Cette situation réciproque est attestée d'ailleurs, Jer., XLIX, 18; L, 40, où ces villes sont toutes appelées « voisines »; Juda, 7, où elles sont dites « villes des alentours », par rapport à Sodome et. Gomorrhe.

Situation, étendue et description de la région.
La Pentapole appartenait à la terre du Kikkâr, c'est-àdire au bassin du Jourdain. Gen., XIX, 28.  Les anciens commentateurs ont assez généralement cru à l'identité de la Pentapole avec « la vallée de Siddîm, vallis Silvestris, qui est la mer Salée », Gen., XIV, 8, 10, où les cinq rois des cinq villes se rangèrent en bataille pour soutenir l'attaque de Chodorlahomor et de ses alliés; ils ont admis, en conséquence, qu'elle occupait tout le territoire recouvert aujourd'hui par les eaux de la mer Morte. Cette conclusion dépasse certainement les données bibliques. La vallée de Siddîm où les cinq rois s'assemblèrent pour attendre leurs ennemis n'est pas présentée comme identique à la Pentapole ni même comme en faisant partie, puisque les rois « sortent » pour s'y rendre, Gen., XIV, 8; et si la vallée est devenue partie de la mer Salée, la Pentapole au contraire « est une terre brûlée par le soufre et le sel, inapte à être semée et où rien ne germe plus, et où l'herbe ne pousse plus ». Deut., XXIX, 23; c'est une terre déserte et fumante, produisant des fruits étranges, où est demeurée une stèle de sel, monument attestant l'incrédulité de la femme de Loth. Sap., X, 7. Cf. Jer., XLIX, 18; L, 40; Soph., II, 9; Amos, IV, 11. La vallée de Siddîm, appelée par Josèphe « la vallée des puits de Bitume », faisait, suivant lui, partie du territoire de Sodome, , et devint le lac Asphaltite, mais ne se confondait pas avec la Pentapole. Celle-ci, désignée par l'historien sous le nom de Sodomitide, subsistait encore de son temps, mais privée de sa splendeur passée et de sa fertilité, ne produisant que des fruits inutilisables, portant les indices supposés du feu qui l'avait frappée selon le mythe biblique et ne gardant plus que des restes informes des villes brillantes, riches et heureuses et qui en avaient été la gloire. Bell. jud., IV, VIII, 4; Ant. jud., I, IX, XI, 3. Cf. Tacite, Hist., v, 7; Solin, Polyhistor, 38; Reland, Palaestina, p. 254. 

Où faut-il chercher le territoire où les auteurs bibliques plaçaient la Pentapole? Une
partie, celle qui en fut la principale, où se trouvait la métropole Sodome, occupait certainement la région qui s'étend au sud de la mer Morte. C'est là, au sud-est du
lac, que Josèphe indique Zoara d'Arabie, identique avec Ségor ou Zoar de la Bible. Bell. jud., IV, VIII.  Cette ville où Loth arrivait au lever du soleil, en venant de Sodome qu'il avait quitté aux premières heures du jour, Gen., XIX, 15, 23, fixe le site de cette rivière, non loin et dans la même région méridionale. Le nom de Sodome reste encore attaché, c'est ce que l'on reconnaît généralement, à une petite chaîne de collines, le Djébel Esdoum, qui s'étend à l'extrémité sud-ouest du lac, en face du ghôrr Sâfiéh, où l'on doit chercher le site de Ségor. La ville ellemême devait se trouver dans le territoire voisin de la montagne. Tandis que le Ghôr Sâfiéh n'a presque jamais cessé, jusqu'à nos jours, de former une riante et riche oasis, avec des plantations de palmiers et diverses autres cultures, toute la région qui s'étend depuis le djébel Esdoum, à l'ouest, jusqu'aux abords de ce ghôr, sur une largeur de sept kilomètres et une longueur de dix depuis l'extrémité sud de la mer Morte, n'est qu'une plaine désolée dont le sol est une marne mélangée de sel et fangeuse connue sous le nom de Sebkhah, « terre salsugineuse. » Les abords du djébel Esdoum, le ghôr Sâfiéh, et la partie de la Sebkhah s'étendant entre les deux, ont probablement été une portion de l'endroit où l'on supposait la Pentapole, mais jusqu'où se développait-elle au delà?

Outre l'ancienne opinion voyant dans la mer Morte la Pentapole recouverte par les eaux, trois autres hypothèses ont eu chacune leurs partisans. 

1° Les explorateurs anglais croyant qu'on pourrait reconnaître le nom de Gomorrhe dans celui de Amr porté par une vallée située au nord-est de la mer Morte, celui de Zoar dans celui du Tell es-Saghûr que l'on trouve à l'est du Tell er-Raâméh, dans les anciennes Araboth à quelques minutes de Moab, et le nom Adama, dans celui de Daméh donné à des ruines qui se voient non loin de l'embouchure du Zerqâ (Jaboc), inclinaient à localiser ainsi la Pentapole tout entière au nord de la mer Morte. 

2° Clermont-Ganneau, au contraire, pensait que le nom de Ghamr étymologiquement identique à celui de Gomorrhe, mentionné par la géographie arabe d'El Moqaddasi  sur la route de Suqqariéh à Ailah, à deux journées de marche au nord de cette dernière, et que l'on retrouve aujourd'hui encore dans celui de 'aïn Ghamr, à quatre-vingts kilomètres environ au sud de l'extrémité méridionale de la mer Morte, proposait de prolonger la Pentapole, fort loin vers le sud, dans l'Arâbah. 

3° Pour Guérin et d'autres, la Pentapole se développait autour de Sodome dont le djébel Esdoum est, de l'avis le plus répandu, le représentant incontestable. Elle comprenait, dans ses limites, au sud, la Sebkab, peut-être entière; au nord toute la pointe méridionale de la mer Morte, depuis la presqu'île du Lisân, sur une longueur de 17 kilomètres et une largeur de 13, avec les terrains qui bordent l'une et l'autre à l'est et à l'ouest. Cette partie inférieure de la mer Morte est une lagune dont la plus grande profondeur dépasse à peine sept mètres. Dans cette partie devait se trouver la vallée de Siddîm devenue partie intégrante du lac et c'est dans son voisinage que se voyaient les diverses villes de la Pentapole. 

La première opinion a le tort de ne pas tenir compte des traditions onomastiques et historiques locales, les premières sources d'information après la Bible, qui n'ont cessé de voir le nom de Sodome dans celui du djébel Esdouni, et de montrer-presque jusqu'à nos jours Ségor et « le pays du peuple de Loth », c'est-à-dire des Sodomites, au sud-est et au sud de la mer Morte.  Dans la seconde hypothèse, le territoire de la Pentapole est prolongé beaucoup plus loin au sud que ne le comportent, semble-t-il, les données de la Bible et la conformation du sol : Ségor était, en effet, de ce côté la limite de la région arrosée par les eaux du Jourdain, choisie par Loth pour son habitation. Gen., XIII, 10-12. Et au delà de la Sebkhah, le sol se relève et commence le seuil devant lequel le Jourdain devait s'arrêter. Les diverses locutions par lesquelles sont indiquées les relations ou la position des autres villes par rapport à Sodome, dont elles sont les e filles, les voisines, les villes du pourtour », déterminent aussi le rayon du cercle dans lequel on peut les chercher. La troisième opinion ne parait pas sortir de ces limites. On pourrait seulement lui contester, admise la préexistence de la mer Morte jusqu'à la hauteur du Lisân, la possibilité pour le Jourdain de conserver ses eaux aptes pour l'arrosage des cultures de la Pentapole. Mais si les raisons sur lesquelles elle s'appuie sont incontestables comme il le semble, elle demeure inébranlable et elles font de cette possibilité une certitude ou sont la preuve de la formation ultérieure de la mer Morte; c'est la question des origines de ce lac.

Le mythe.
Selon la Bible, la Pentapole apparaît habitée par des peuplades chananéennes de d'origine ou d'assimilation. Gen., X, 19; Num., XIII, 30. Arrosée par le Jourdain, jusqu'à Ségor, elle ressemblait alors à l'Égypte et formait un jardin divin; sa beauté et sa fertilité tentèrent Loth, qui la choisit pour sa résidence, quand Abraham lui proposa de se retirer chacun à part. Gen., XIII, 8-13. Vers ce temps ou peu avant, les cinq rois de la Pentapole avaient été vaincus, dans une bataille livrée dans la vallée de Siddîm par Amraphel, roi de Sennaar, Arioch, roi d'Ellasar, Chodorlahomor, roi d'Élam, et Thadal, roi de Goïm (Gutium). Ils avaient subi leur joug pendant douze ans, quand, fatigués de le porter, la treizième année, ils avaient repris leur indépendance. L'année suivante, Chodorlahomor et ses alliés, après avoir ravagé tous les pays des alentours, s'avancèrent de nouveau contre les rois de la Pentapole.

Ceux-ci avaient rangé leur armée en bataille dans la vallée de Siddim. Battus cette fois encore et obligés de fuir, leurs troupes tombèrent dans les puits de bitume, nombreux dans la région. Ceux qui purent échapper gagnèrent les montagnes. La Pentapole fut livrée au pillage et la population emmenée en captivité. Parmi les captifs se trouvait Loth. Averti, Abraham se mit à la poursuite de l'armée victorieuse. Il tomba sur elle à l'improviste, la mit en déroute, reprit tout le butin et ramena les prisonniers. Gen., XIV. Dans l'oisiveté et les jouissances de la table que leur permettait l'abondance de tous les biens produits presque spontanément par le sol le plus fécond, aveuglés par les richesses et l'orgueil, les habitants de la Pentapole étaient descendus au dernier degré de l'impiété. Gen., XIII, 13; XVIII, 20; XIX, 14-21; Ezech., XVI, 49. Yahveh les punit en anéantissant la Pentapole avec ses habitants. Gen., XVIII, 20-XIX, 30; Deut., XXIX, 23, etc.

Cette terre riante et fortunée devint un désert inhabitable. Des monts de Judée, elle apparaît, pendant l'été surtout, par suite de l'évaporation extraordinaire de la mer Morte, semblable à une contrée fumante et plongée dans les brouillards. Les quatre villes brûlées n'ont plus jamais été relevées. Si on en voyait encore les débris au temps de l'historien Josèphe, aujourd'hui on ne sait plus même où les chercher. La statue de sel à laquelle les auteurs sacrés font allusion, Gen., XIX, 26, et Sap., X, 6, aurait existé encore au premier siècle de l'ère chrétienne, s'il faut en croire Josèphe qui assure l'avoir vue. Ant. jud., I, XI, 4. On la montrait longtemps après encore et aujourd'hui même un bloc de sel du Djebel Esdouna est appelé bent seik Lout, "la fille (au lieu de la femme) de Loth. " (L. Heidet).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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