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La Beauce
(Belsia, Blesia) est un ancien pays de France .
Quelques auteurs dérivent le vocable du mot gaulois Bleiz ou Blaiz
qui voudrait dire loup. Quelques autres, ne sachant rien, n'affirment rien,
et nous sommes du nombre. Sous les Celtes, la Beauce Ă©tait le centre Carnute.
Elle occupait le milieu de la Gaule. Elle comprenait le territoire actuel
de l'Eure-et-Loir, du Loiret, du Loir-et-Cher (en partie naturellement)
, un peu des arrondissements de Rambouillet et de Mantes, et mĂŞme quelques
terrains de la Touraine. Elle avait pour limites la Seine au Nord; la Sologne
boisée au Sud du côté des Bituriges (Berry); la forêt à l'Est; le
Perche à l'Ouest. La Beauce est un immense plateau calcaire arrosé par
la Seine, la Loire, la Vaucouleur, l'Eure, l'Essonne, la Guine, la Vesgre,
le Loir, etc.
Le polyptique d'Irminon et le cartulaire
de Saint-Père de Chartres mentionnent parmi leurs pagi dix d'entre eux
qui incontestablement appartiennent Ă la Beauce. Ce sont les Pagi Aurelianensis
(Orléans), Biesensis (Blois), Carnotensis (Chartres), Castrensis (Châtrais),
Durocassinus (Drouais), Madricensis (Madrie), Parisiacus (Parisis), Perticus
(Perche), Pinciacensis (Pincerais) et Stampensis (Étampais). Ajoutons-y
le pagus Dunensis (Dunois) et le pagus Vindocinensis (Vendômois), relaté
en 853 dans les actes de Charles le Chauve. Ces douze pagi composaient
le pays des Carnutes.
D'après les anciennes chartes, la Beauce
du Moyen âge se divisait en trois sections, le Chartrain, le Pincerais
et le Dunois (1120-1162, cartulaire de Morigny et de Josaphat). D'autres
chartes, celles du cartulaire de Notre-Dame de Paris, spécialement, divisent
la Beauce en région haute au Nord, en région médiane ou Chartraine et
en région basse ou Blésoise, au Sud.
« La Haute-Beausse,
dit André Duchesne (Antiquités des villes de France 1668), est cette
grande plaine fourmentière, l'un des greniers à blés de Paris et plus
féconde que ne fut jamais la Béotie... »
De 185 Ă 196, la conquĂŞte de CĂ©sar, l'Ă©tablissement
des Romains, l'invasion franque, forment le fond de l'histoire de ce vaste
pays. La cité des Carnutes, Autricum, Chartres, et Genabum, Orléans,
furent les centres de la résistance contre les légions de César.
La Beauce, après la conquête, fut attribuée
à la Lyonnaise, puis à la quatrième Lyonnaise, avec Sens pour capitale.
Aurélien détacha Orléans de la cité des Carnutes.
L'agriculture commença à défricher
la vaste forêt qui recouvrait le sol. Mais les campagnes demeurèrent
fidèles au vieil esprit celtique. L'ancienne religion émigra tard et
les populations conservèrent le culte des divinités topiques. C'est ainsi
que la déesse Artaia donna son nom à Artenay (Loiret), la déesse Maira;
(l'une des déesses Maires) à Mareau-aux-Bois et Mareau-aux-Prés (Loiret),
la déesse Cacia à Chécy (Caciacus), etc.
Sous les Mérovingiens, chaque cité devint
le siège d'un comté. Des châteaux furent bâtis, généralement sur
l'emplacement des Castra romana, Ă Dreux, Ă Mantes, Ă Poissy, Ă VendĂ´me,
à Châteaudun, à Pithiviers, à Orléans, à Chartres, etc.
Les Carolingiens divisèrent le pays en
six comtés Chartres, Blois, Vendôme, Dreux, Châteaudun, Poissy. Mais
ces six comtés formèrent, à proprement parler, la Beauce chartraine.
La Beauce orléanaise constitua un pays séparé, comprenant 276 paroisses
ayant pour villes principales Orléans et Pithiviers. Les archidiaconés
furent plus tard modelés sur les divisions des comtés.
L'invasion des Vikings ruina la Beauce.
Quand la féodalité fut établie, la Beauce demeura au pouvoir de la maison
de Robert le Fort. Hugues Capet y partagea l'influence avec la maison de
Blois. La politique des Capétiens consista à opposer les feudataires
beaucerons, relevant de cette maison puissante, Ă la maison ducale de
Normandie. Durant toute la première période capétienne, comme à l'époque
des croisades, la noblesse beauceronne joua un rôle considérable. La
maison du Puiset surtout opposa aux premiers Capétiens un obstacle difficile
Ă vaincre. Trois guerres successives entreprises par Louis VI finirent
parla réduire. Saint Louis acquit la mouvance de Chartres et de Blois,
y régla le fait des monnaies, favorisa la brillante École
de Chartres et l'université d'Orléans. Sous Philippe VI, la Beauce
chartraine passé à la maison de Chatillon, tandis que la Beauce orléanaise
suit la fortune de la Couronne.
La guerre de Cent ans fut pour les deux
Beauces un fléau aussi terrible que le vieux fléau viking. La Beauce
ne se releva qu'après 1430. En 1440, il y avait encore des villages entiers
sans habitants, réduits en décombres. La Réforme eut dans la Beauce
un succès prodigieux. Cela tient à la lourde dîme (une gerbe sur six)
que le riche chapitre Sainte-Croix d'Orléans faisait peser sur les campagnes
qu'il possédait, depuis les portes d'Orléans jusqu'aux portes d'Etampes.
A propos de cette dîme qui portait le nom de champart de Beauce, d'interminables
procès furent engagés entre les chanoines et les paysans, pendant quatre
siècles. La Beauce eut tant à souffrir de l'Ancien
régime qu'elle adopta avec enthousiasme les idées nouvelles en 1789.
Ses cahiers de doléances furent remarqués par leur netteté, leur audace
réformatrice et leurs vues intéressantes sur le commerce, l'agriculture
et l'industrie. Ils demandèrent l'unité de l'impôt et l'abolition des
droits féodaux.
La fertilité de la Beauce, qui en a fait
le grenier de la France, est célèbre. La culture de la vigne s'y est
aussi implantée au XIXe siècle. Chose
curieuse, au XIIIe siècle, les paysans
beaucerons firent des essais de vignoble, mais le chapitre Sainte-Croix
d'Orléans les contraignit d'arracher leurs vignes, parce que le produit
de la dîme du vin était moindre que celui de la dîme des grains. Les
mesures variaient selon les localités. La mesure de Pithiviers était
la plus usitée. Les grands établissements ecclésiastiques rentés en
Beauce étaient Saint-Père de Chartres, Sainte-Croix d'Orléans, l'abbaye
cistercienne de Voisins, Thiron et Notre-Dame de Chartres. Fortunat a parlé
de la Beauce dans deux vers demeurés célèbres :
Belsia,
triste solum, oui desunt bis tria tantum,
Colles, prata, nemus,
fontes, arbusta, racemus.
Et en effet, la Beauce n'a ni collines, ni
fontaines, ni ombrages, ni vendanges; elle a, en revanche, le blé, le
seigle, l'orge, l'avoine, les légumineux, et de plantureux fourrages.
(Jules
Doinel).
GĂ©ologie de la Beauce
La Beauce, où la culture des céréales règne
sans partage sur un grand plateau Ă perte de vue, si remarquablement plat
que le regard s'y Ă©tend aussi loin que le permet la courbure de la Terre,
doit cette surface absolument plane, dans le détail comme dans l'ensemble,
à ce fait que ce plan uniforme vient s'appuyer sur une couche régulière
de calcaire lacustre, dur et compact, contre laquelle sont venus s'arrĂŞter
les efforts des érosions atmosphériques. C'est la raison qui motive aussi
l'absence complète d'eaux courantes sur ce vaste plateau ou l'on n'aperçoit
guère, an milieu d'un immense champ de blé, que quelques arbres, très
clairsemés, autour des villages et des hameaux, entre lesquels il est
très rare de rencontrer une ferme isolée. Cette nappe continue de calcaire
s'est déposée, à l'époque miocène, dans un grand lac qui est venu
s'établir sur l'emplacement actuel de la Beauce après le dépôt des
sables marins de Fontainebleau, la mer ayant abandonné le bassin de Paris,
où elle ne devait plus rentrer. Ce plateau, en raison de son âge géologique,
devrait dominer tous les autres, mais le mouvement du sol qui, Ă la fin
du miocène inférieur, a déterminé l'assèchement du lac, a provoqué
son affaissement en pente douce vers la Loire et la disparition de son
fond sous les sables fluviatiles de l'Orléanais qui, au début du miocène
moyen, sont venus se déposer sur le bord de cet ancien lac de Beauce.
Quant à la cause de l'étonnante fertilité
de la Beauce qui lui a valu le nom, bien significatif, de Grenier d'abondance
de la France, il faut la chercher dans la présence d'une épaisse couche
de limon, uniformément répandue sur la surface parfaitement nivelée
de ce vaste plateau, dont le sous-sol calcaire fournit encore des marnes
qui ont été très profitables pour l'amendement des terres.
(Ch. VĂ©lain). |
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