| Livre de Ruth. - Le livre de ce nom est à la fois un des plus courts et des plus charmants écrits de la littérature hébraïque qui nous aient été conservés dans la Bible, où il figure à la section des Ketoubim. Ce qui lui a valu cet honneur, c'est sans doute qu'il y est question de David et qu'il roule sur des faits relatifs aux ancêtres du plus illustre des rois d'Israël. Cependant, le sens du livre reste contesté, et nous croyons utile d'en rappeler brièvement le contenu. Une famille judaïte (de Bethléem), s'étant transportée dans le pays de Moab pour échapper à une disette, y perd son chef et les deux fils de celui-ci. La mère subsiste avec ses deux belles-filles, d'origine moabite, dont l'une, Ruth, inspirée par le plus pur dévouement filial, s'attache résolument à la mère de son mari défunt, Noémi, et l'accompagne lors de son retour en Judée. Là encore, la seule préoccupation de la jeune veuve est de rendre à la famille de son mari défunt, légalement représentée par sa belle-mère Noémi, l'honneur et l'aisance. Pour atteindre à ce but, il faut que Ruth fasse revivre la souche, momentanément éteinte, en se faisant épouser par un parent de son mari. Elle y parvient avec les conseils de Noémi et, de son union avec Booz, homme jouissant d'une large aisance, naît un fils qui reconstitue la famille menacée d'extinction. On invoque à cet égard une coutume, d'après laquelle une famille, menacée de disparition, pouvait être maintenue par l'intervention d'un parent, les enfants issus de ce mariage ne comptant pas alors dans la famille du second mari, mais dans celle du premier. Quand, de l'union de Ruth et de Booz, est né un enfant mâle - qui sera le grand-père de David - les félicitations du public ne s'adressent pas à Booz, dont cet enfant ne portera pas le nom, mais à la mère du mari défunt, à Noémi, dont la famille est reconstituée par cette naissance. « Béni soit, lui dit-on, Yahveh, qui ne t'a pas refusé un représentant en ce jour! Puisse-t-il devenir ton consolateur et soutenir ta vieillesse! Car c'est ta belle-fille qui l'a enfanté, elle qui t'a aimée et qui vaut mieux pour toi que sept fils. » Les voisins s'écrient alors « Un fils est né à Noémi ! » Ce récit, très adroitement et habilement mené, peut donc se ramener à cette simple proposition : la famille paternelle de David, menacée d'extinction, a été relevée par le dévouement filial d'un de ses membres, une femme moabite. On peut indiquer un rapprochement entre le rôle ici attribué aux Moabites et le trait de l'histoire de David, qui nous le fait voir réclamant dans un moment difficile l'hospitalité du roi de Moah pour son père et sa mère (1 Samuel, XXII, 3-4). Il n'est guère à propos de rechercher si quelque souvenir historique se cache sous l'affabulation du Livre de Ruth; il est plus simple d'y voir une sorte d'apologue ou de conte moral exaltant les vertus familiales : une femme de modeste origine, une étrangère, mue par un esprit de sacrifiée envers la mère de son mari, remplie de la pensée de rester fidèle à celui-ci jusque par delà la tombe, lui rend réellement l'existence en lui assurant une postérité légale et se trouve, en même temps, donner à Israël une souche glorieuse de rois. D'autres ont voulu chercher une idée plus profonde dans le roman-apologue. en question. Graetz y voit un plaidoyer en faveur du libéralisme international à cause de la place d'honneur faite à une étrangère. Reuss y cherche une signification à la fois politique et allégorique. Ce serait un écrit destiné à réconcilier les deux groupes rivaux d'Ephraïm (Israël) et de Juda; David, qui appartenait par sa ligne naturelle à la tribu de Juda, appareil ici comme appartenant légalement à la tribu d'Ephraïm, son père légal (le premier époux de Ruth) étant dit un éphraïtien ou éphraïmite (Ruth, I, 2). Les lecteurs de cet opuscule devaient ainsi être amenés à comprendre que David et ses descendants ont qualité pour commander à la totalité des tribus d'Israël, puisqu'ils appartiennent au même titre aux deux fractions qui se disputaient l'hégémonie. L'hypothèse est fort ingénieuse. Elle n'en exclue d'ailleurs pas d'autres, telles que celle qui fait voir dans Ruth, un «éloge de la piété familiale », conçu dans un esprit libéral et délicat et que rehaussait la qualité des personnages mis en scène. C'est un « conte moral », de rédaction assez moderne, qu'il faut rapprocher des histoires de Tobie, de Suzanne, de Jonas. Le livre se termine au verset 17 du ch. IV par les mots : « Ils appelèrent l'enfant Obed. Il fut le père d'Isaï, père de David ». Les lignes par lesquelles s'achève le livre (versets 18 à 22) et qui font remonter la généalogie de David jusqu'à Pharès, fils de Juda, sont une addition ultérieure, qui a été suggérée par la mention de Juda et de Pharès au verset 12. (Maurice Vernes). | |