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Hamlet
Drame de Shakespeare
Hamlet  ou La tragique histoire de Hamlet prince du Danemark) est un drame de Shakespeare, représenté en 1602 et publié en 1603. - Le poète en a emprunté le sujet à la légende rapporté dans l'encadré ci-dessous, mais en le dramatisant. 
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La légende de Hamlet

Le personnage que Shakespeare a immortalisé est un prince semi-légendaire du Jutland nommé Hamlet ou Amleth et qui est connu par le récit que fait Saxo Grammaticus : Hamlet est le fils de Horwendill, roi du Jutland, et de Gérutha, fille du roi du Danemark. Fengo fait assassiner Horwendill, son frère, épouse la reine, qui était depuis longtemps son amante, et s'empare du trône. Hanmlet, pour ne pas être tué à son tour, contrefait l'insensé. Fengo, craignant que Hamlet ait deviné le crime, fait conduire Ie jeune prince dans la chambre de sa mère; un espion est chargé d'écouter la conversation. Cet homme fait un mouvement; il est tué par Hamlet, qui, sûr de parler sans témoins, éclate en reproches terribles contre sa mère. Fengo alors l'envoie en Angleterre, mais le jeune prince déjoue un complot qui consistait à le faire assassiner, et, de retour au Danemark, au milieu d'une orgie, tue Fengo et se fait proclamer roi. La source directe à laquelle a puisé Shakespeare est le célèbre chapitre des Histoires tragiques (1580, de Belleforest, qui a fondu les deux légendes.

Claudius vient de succéder, sur le trône de Danemark, à son frère, emporté subitement par un mal inconnu, et dont il a épousé la veuve; Hamlet est le fils du prince défunt. Au début de la pièce, deux gardes qui veillent sur l'esplanade du château d'Elseneur s'entretiennent de l'apparition d'un fantôme qui, la nuit précédente, s'est montré dans ce lieu. Tout à coup le même spectre s'offre à leurs regards : ils reconnaissent en lui les traits du feu roi; mais l'oiseau matinal se fait entendre, la vision s'évanouit.

Tandis que Claudius prépare les réjouissances de son avènement, Hamlet est plongé dans le deuil : 

« Quoi! s'écrie-t-il avec tristesse, deux mois à peine se sont écoulés : ma mère a déjà oublié son époux et donné au Danemark un nouveau maître! avant d'avoir usé la chaussure avec laquelle, tout en larmes comme une Niobé, elle suivait le corps de mon pauvre père. Ô Ciel! ... une brute dénuée de tout sentiment de raison eût été plus longtemps affligée. » 
Cependant le jeune prince, informé des événements de la nuit précédente, se rend secrètement sur les remparts : à minuit, nouvelle apparition. Hamlet aperçoit avec stupeur l'ombre de son père; celui-ci le tire à l'écart et lui révèle par quel crime il a été enlevé de ce monde : Claudius, d'accord avec la reine, l'a empoisonné durant son sommeil. 
« Et maintenant, mon fils, si tu as de l'âme, ne laisse pas ma mort sans vengeance. Adieu ! souvienstoi de moi... »
Le veut toutefois que Gertrude, la mère de Hamlet, soit épargnée. 
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Hamlet et le spectre de son père

« Hamlet. - Anges et ministres du salut, protégez-nous! Es-tu un esprit de lumière ou une âme proscrite? apportes-tu avec toi les parfums du ciel ou les vapeurs de l'enfer? tes intentions sont-elles innocentes ou criminelles? tu parais sous une forme si étrange, que j'ai besoin de t'interroger. Je t'appellerai Hamlet, mon roi, mon père, prince du Danemark. Oh! réponds-moi; ne me laisse pas languir dans cette fatale ignorance, mais parle; dis-moi pourquoi tes saints ossements, ensevelis dans la terre, ont déchiré leur linceul? Comment le tombeau, où nous t'avons vu reposer tranquillement, a-t-il brisé ses pesantes barrières de marbre pour t'ouvrir un passage? Que veut dire cet appareil? Pourquoi, fantôme inanimé, viens-tu ainsi avec une armure éclatante revoir les pâles rayons de la lune, attrister le calme des nuits, et nous contraindre, vils jouets de l'erreur, à nous fatiguer des conjectures qui accablent notre faible raison? Apprends-nous ton dessein; que veux-tu? que devons-nous faire?

Le Spectre. - Observe-moi bien.

Hamlet. - Oui, je t'observe.

Le Spectre.- L'heure est venue où je dois rentrer dans un séjour infect et dans les flammes dévorantes. 

Hamlet. - Hélas! pauvre ombre!

Le Spectre. - Ce n'est pas ta pitié que je veux; mais écoute avec une sérieuse attention ce que je vais te révéler. 

Hamlet. - Parle, je suis prêt à t'entendre.

Le Spectre. - Puisses-tu l'être aussi à me venger quand
tu m'auras entendu!

Hamlet. - Venger, qui?

Le Spectre. - Je suis l'ombre de ton père, condamnée pour un certain temps à errer la nuit et à languir le jour au milieu des flammes, jusqu'à ce que le feu ait consumé et purifié les souillures de ma vie! Ah! s'il m'était permis de t'apprendre les secrets de ma triste prison, je pourrais te faire un récit dont le moindre mot remplirait ton âme d'horreur et glacerait ton jeune sang dans tes veines; tes yeux étincelants comme l'astre du jour se glaceraient dans leurs orbites; tes cheveux épars se dresseraient sur ton front, et tout ton poil se hérisserait. Mais cet éternel mystère ne doit pas être confié aux oreilles d'un mortel ; écoute seulement, écoute ce que je puis te dire si jamais tu aimas ton père...

Hamlet. - Grand Dieu!...

Le Spectre. - Venge un lâche et détestable parricide. 

Hamlet. - Un parricide?

Le Spectre. - Oui, le plus affreux, le plus exécrable, le plus inouï des parricides.

Hamlet. - Hâte-toi de m'instruire, et bientôt, d'un élan aussi rapide que l'essor de l'imagination, je vole à la vengeance.

Le Spectre. - Je te vois tel que je l'espérais, et tu serais sans doute plus froid que l'herbe impure qui rampe au bord des marais, si tu ne frémissais d'horreur. Maintenant, Hamlet, écoute : on a répandu le bruit que, paisiblement endormi dans, mon jardin, un serpent me frappa de son dard; ainsi tout le Danemark est grossièrement abusé par un récit imposteur de ma mort; mais apprends, noble jeune homme, que le serpent qui arracha la vie à ton père porte aujourd'hui sa couronne.

Hamlet. - Ô soupçon prophétique, mon oncle!...

Le Spectre. - Il me semble que déjà je sens l'air du matin... Abrégeons... Comme je dormais dans mon jardin, selon ma coutume, pour éviter les feux du jour, ton oncle saisit l'instant de mon repos; et, avec un flacon plein des sucs mortels de la ciguë, il versa au fond de mon oreille cet homicide poison. Ainsi, pendant mon sommeil, la main d'un frère trancha mes jours au sein de mes erreurs, avant que j'eusse pu les expier, et m'envoya rendre compte au Juge suprême, avec tout le poids de mes iniquités sur ma tête.

Hamlet. - Ô horreur ! horreur!

Le Spectre. - Si tu n'as pas un coeur dénaturé, ne laisse point ce forfait impuni. Reçois mes adieux une dernière fois le ver luisant annonce l'approche de l'aurore, et ses feux inutiles commencent à pâlir. Adieu! adieu! adieu! souviens-toi de moi!

Hamlet. - Ô vous, puissances du ciel! Ô terre! et que dirai-je encore? dois-je aussi invoquer l'enfer? O lâche attentat! ne te brise pas, ô mon coeur! et vous, mes membres, ne vous glacez pas dans cet instant fatal, mais soutenez mon corps défaillant. Me souvenir de toi!... Oui, chère ombre, tant que la mémoire aura un asile dans ma tête éperdue. Me souvenir de toi!... Oui, j'arracherai de mon coeur toutes les pensées frivoles, toutes les maximes des livres, toutes les impressions, toutes les images que la jeunesse ou la méditation y ont gravées, et ton ordre, empreint dans mon cerveau en traits ineffaçables, y restera seul et sans mélange de profanes souvenirs.» (Shakespeare, Hamlet).

A partir de ce-moment, Hamlet, pour mieux éclaircir le fatal soupçon qui pèse sur Claudius, contrefait l'insensé : devant Claudius, son beau-père; devant Ophélie, celle qu'il aime, car il comprend qu'elle rend compte à Polonius, son père, de leurs entretiens; mais, à force de simuler, Hamlet s'irrite, il a des crises de folie véritable. Ses paroles incohérentes laissent échapper des traits qui atteignent les coupables. 

Une troupe de comédiens ambulants vient d'arriver au palais. Le prince conçoit aussitôt le projet de leur faire jouer devant Claudius, la reine et toute la cour, une pièce représentant l'assassinat de son père. L'épreuve réussit. Un tel spectacle, donné en présence de Claudius, réveille ses remords : il se retire épouvanté. Hamlet, ne conservant plus aucun doute, suit furtivement son oncle et se dispose à le frapper; mais il le trouve en prières, implorant son pardon :

 « Reviens vers moi, mon épée, s'écrie-t-il, et attends un moment plus horrible; l'envoyer au ciel, est-ce là me venger? » 
Il se rend près de sa mère, qui l'a fait appeler. Polonius, vieillard courtisan, se cache derrière une tapisserie afin d'épier leur entretien et de protéger au besoin la reine. Hamlet entend du bruit; ne songeant qu'à l'assassin de son père, il donne un coup d'épée en s'écriant : « Un rat! un rat! ». Polonius est frappé à mort.

Les incidents se précipitent. Hamlet accable Gertrude de reproches sanglants. Il est alors envoyé en Angleterre. Ophélie, abandonnée par lui et désespérée de la mort de son père, devient folle ; elle se noie en voulant suspendre une couronne funèbre aux branches d'un saule penché sur le ruisseau. 

Hamlet, que le roi a dirigé vers l'Angleterre, revient inopinément et traverse, avec son ami Horatio, le cimetière où l'on prépare la fosse d'Ophélie. Il contemple les ossements épars, les têtes que fait rouler la pelle du fossoyeur, et mêle des réflexions philosophiques aux trivialités de sa soi-disant folie. 
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Monologue  d'Hamlet

« Hamlet. - Être, ou ne pas être, c'est là la question. Y a-t-il plus de noblesse d'âme à subir la fronde et les flèches de la fortune outrageante, ou bien à s'armer contre une mer de douleurs et à l'arrêter par une révolte? Mourir.., dormir, rien de plus;... et dire que par ce sommeil nous mettons fin aux maux du coeur et aux mille tortures naturelles qui sont le legs de la chair : c'est là un dénouement qu'on doit souhaiter avec ferveur. Mourir... dormir, dormir! peut-être rêver! Oui, là est l'embarras. Car quels rêves peut-il -nous venir dans ce sommeil de la mort, quand nous sommes débarrassés de l'étreinte de cette vie? Voilà qui doit nous arrêter. C'est cette réflexion-là qui nous vaut la calamité d'une si longue existence. Qui, en effet, voudrait supporter les flagellations et les dédains du monde, l'injure de l'oppresseur, l'humiliation de la pauvreté, les angoisses de l'amour méprisé, les lenteurs de la loi, l'insolence du pouvoir et les rebuffades que le mérite résigné reçoit d'hommes indignes, s'il pouvait en être quitte avec un simple poinçon? Qui voudrait porter ces fardeaux, grogner et suer sous une vie accablante, si la crainte de quelque chose après la mort, de cette région inexplorée, d'où nul voyageur ne revient, ne troublait la volonté, et ne nous faisait supporter les maux que nous avons par peur de nous lancer dans ceux que nous ne connaissons pas? Ainsi la conscience fait de nous tous des lâches; ainsi les couleurs natives de la résolution blémissent sous les pâles reflets de la pensée; ainsi les entreprises les plus énergiques et les plus importantes, se détournent de leur cours, à cette idée, et perdent le nom d'action... Doucement, maintenant! Voici la belle Ophélie... Nymphe, dans tes oraisons souviens-toi de tous mes péchés.» (Shakespeare, Hamlet, I, VIII).

Mais, toujours irrésolu, il est plutôt aidé dans sa vengeance par les événements que par sa propre volonté. Dans un assaut d'armes avec Laertes, frère d'Ophélie, il est blessé d'un coup de fleuret démoucheté et empoisonné : c'est Claudius qui a imaginé ce stratagème. Apprenant cette perfidie, Hamlet frappe à mort Laertes, se jette sur son beau-père et le tue. La reine qui a bu un breuvage empoisonné qu'on avait préparé pour son fils, meurt aussi. Hamlet succombe le dernier et reçoit seul les honneurs d'une sépulture royale. 

Cette dernière scène est la partie faible de ce drame, où il faut admirer surtout la beauté psychologique du caractère de Hamlet qui, rêveur, philosophe et contemplatif, n'est pas fait pour le rôle que lui assignent les circonstances. Le prototype des héros romantiques, il porte en lui a ce mal du monde que Goethe et Byron ont remis à la scène dans Faust et dans Manfred.

Les principales imitations ou adaptations du drame de Shakespeare sont : Hamlet, tragédie en cinq actes et en vers, de Ducis (1769); Hamlet, tragédie en cinq actes, du poète danois Oelenschlaeger (1846) (elle a été traduite en allemand par l'auteur; Hamlet, prince de Danemark, drame en cinq actes et en vers, par Alexandre Dumas et Paul Meurice (1847); la Tragique histoire d'Hamlet, prince de Danemark, drame en quinze tableaux, en prose, par Morand et Marcel Schwob (1899). (NLI / JMJA).

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