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Comme il vous plaira
Pièce de Shakespeare
Comme il vous plaira est une comédie de William Shakespeare
"L'époque à laquelle Comme il vous plaira a été représenté pour la première fois ne peut, dit F.-V. Hugo, être fixée qu'approximativement. Cette comédie n'est pas mentionnée dans le catalogue des pièces de Shakespeare connues en 1598, et, en outre, elle cite un vers du poème de Marlowe, Héro et Léandre, qui ne fut publié que dans le cours de la même année. Un extrait des registres du Stationer's Hall, antérieur à la fin de l'année 1600, et qui concerne cette pièce, prouve, d'autre part, qu'elle avait été livrée au public avant cette époque. On peut donc en fixer la date à l'année 1599. "
La capitale du duché de fantaisie où se passe l'action nous offre un tableau fidèle de cette civilisation imparfaite que Fourier oppose à l'harmonie. La force brutale y domine; tous les droits sont méconnus et le mérite est en disgrâce. L'iniquité gouverne l'Etat comme la famille; le duc régnant a usurpé la couronne sur son frère aîné, qu'il a banni, et la garde par la terreur. La contagion du fratricide s'étend de la cour à la ville. A l'instar de Frédéric, le duc régnant, Olivier est un tyran domestique. Jaloux de son cadet Orlando, il lui a confisqué sa part d'héritage, il l'a élevé dans l'ignorance, lui a donné une étable pour école, et, n'ayant pas réussi à le changer en manant il en a fait son valet. La généreuse nature d'Orlando a résisté à ce traitement dégradant; mais, si patient qu'il soit, l'adolescent devenu homme ne peut plus supporter l'abjection où son frère le relègue : il faut qu'Olivier lui restitue sa part d'héritage, et il ira chercher fortune ailleurs. Olivier feint de consentir à cette réclamation; mais secrètement il complote la mort de son frère. Il stipendie le fameux boxeur Charles, et celui-ci s'engage à assommer le jeune homme dans un pugilat qui doit avoir lieu au palais le lendemain. Electrisé par les beaux yeux de Rosalinde, nièce du duc, Orlando terrasse l'athlète et rentre vainqueur, emportant comme un trophée la chaîne que la jeune princesse a passée à son col; mais Adam, son vieux et fidèle serviteur, lui apprend que son frère doit venir la nuit incendier sa maison, et tous deux s'enfuient. Cependant la proscription qui oblige Orlando à s'exiler force également Rosalinde à s'expatrier; elle fuit la persécution de son oncle le duc Frédéric; mais, de même que son jeune soupirant, elle ne fuit pas seule, et Célia, la propre fille du duc, veut partager le malheur de sa cousine. Elles partent déguisées, l'une en paysanne, et l'autre en page. 

C'est alors qu'après un premier acte plein de mouvement, ou les caractères sont tracés de main de maître, le roman entre en pleine idylle, tombe en pleine fantaisie et se fond en molles rêveries, en chansons capricieuses; en aventures presque féeriques, en causeries sentimentales, moqueuses ou burlesques, en taquineries d'amour et en défis lyriques. La foret des Ardennes, où nous transporte le poète, n'a pas d'itinéraire connu;i ce n'est pas cette forêt historique que traverse la Meuse, c'est plutôt le bois sacré des Muses. Là, la guerre et la vanité humaines sont inconnues. On n'y voit ni palais ni forteresse; tout au plus, sur la lisière du bois, quelque humble toit de chaume. Le prince banni, le frère de Frédéric vit dans ces lieux agrestes où la destinée attire Orlando et Rosalinde. Si vaste est la forêt que les deux amants se cherchent longtemps avant de se retrouver. Enfin, à force de nommer sa maîtresse, l'amant finit par l'évoquer, mais il ne la reconnaît pas sous son costume de page. Rosalinde se plaît à garder l'incognito et met un adorable égoïsme à prolonger la douce mystification; elle est heureuse de surprendre les secrets d'Orlando sans lui révéler les siens; elle savoure avec délices ces confidences et ces épanchements, hommages involontaires qui lui sont rendus. Il faut lire ces scènes exquises qui échappent à l'analyse par leur grâce ineffable. Un jour Orlando, si exact dans ses rendez-vous avec le page inconnu, est en retard de deux heures. Enfin un messager arrive et annonce qu'Orlando a été blessé en luttant avec une lionne qui guettait un homme endormi. Cet homme est Olivier, qui, banni à
son tour, a trouvé un refuge dans la forêt, où son frère Orlando s'est vengé de lui en le sauvant. Mais, en foulant le sol du bois sacré, Olivier a ressenti un trouble subit; le repentir l'a saisi, et le fratricide s'est jeté, rempli de remords, aux pieds de son frère attendri; bientôt l'amour achève de guérir cette âme convalescente, et Célia épouse Olivier le jour même où Rosalinde donne sa main à Orlando. Enfin on apprend la conversion du méchant duce Frédéric, qui se retire à son tour dans la forêt pour y embrasser la vie contemplative des ermites, et la pièce finit par une fête pastorale. 

Les deux personnages les plus importants de la pièce sont l'optimiste et le pessimiste : Pierre de la Touche et Jacques, Caractères épisodiques qui représentent le dualisme éternel de la critique humaine; l'un, clown et bouffon, voit tout en rose; l'autre, frère d'Olivier et d'Orlando, partageant l'ermitage de Roland des bois, voit tout en noir. C'est un Alceste , mais un Alceste qui plaint les hommes au lieu de les haïr, et qui les censure plutôt par sollicitude que par luminosité; mais c'est un caractère encore moins vacillant que celui du Misanthrope, qu'un sourire de Célimène ramènerait presque à l'optimisme.

"Jacques, dit Taine, n'a pas l'esprit d'un moraliste réformateur; c'est une âme malade et fatiguée de vivre. L'imagination passionnée mène vite au dégoût. Pareille à l'opium, elle exalte et elle brise. Comparez Jacques à AIceste. C'est le contraste d un misanthrope par raisonnement et d'un misanthrope par imagination. "
Derrière le masque transparent de ce mélancolique personnage, on voit la pâle figure de Shakespeare, triste parce qu'il est tendre et qu'il sent trop vivement toutes les impressions qui laissent les autres hommes indifférents.

Comme il vous plaira a donné lieu à de nombreuses imitations. La seule qui mérite d'être mentionnée est une charmante comédie en trois actes et en prose, de George Sand. (PL).

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Dictionnaire Le monde des textes
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