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Motteville

Françoise Bertaut, dame de Motteville est née en Normandie vers 1621 (?), et est morte à Paris le 29 décembre 1689. Fille de Pierre Bertaut, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, elle fut placée, dès l'âge de sept ans, auprès d'Anne d'Autriche, à laquelle était déjà attachée sa mère, d'origine espagnole. En 1631, elles furent éloignées par Richelieu et se retirèrent en Normandie où la jeune fille épousa, en 1639, M. de Motteville, premier président de la Chambre des comptes de Normandie, qui avait quatre-vingts ans et la laissa veuve en 1641. 

Elle revint en 1643, avec le titre de femme de chambre, auprès de la reine mère pour ne plus la quitter. Elle vécut dans son intimité jusqu'à la mort de la reine, à laquelle elle inspirait une confiance absolue et méritée. Après sa mort, elle se retira de la cour et s'occupa de rédiger des Mémoires pour bien faire connaître sa maîtresse. Ils furent d'abord publiés sans nom d'auteur : Mémoires pour servir à l'histoire d'Anne d'Autriche, épouse de Louis XIII, depuis 1615 jusqu'en 1666 (Amsterdam, 1723, 5 volumes). Ces mémoires sont l'oeuvre d'une personne sincère et honnête et tracent un tableau fidèle de la vie de la cour sous la régente.
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La seconde Journée des barricades

« Quand les Parisiens eurent perdu de vue Broussel, les voilà tous comme des forcenés, criant par les rues qu'ils sont perdus, qu'ils veulent qu'on leur rende leur protecteur, et qu'ils mourront tous de bon coeur pour sa querelle. Ils s'assemblent, ils tendent toutes les chaînes des rues, et, en peu d'heures, ils mirent des barricades dans tous les quartiers de la ville. La reine, avertie de ce désordre, envoie feu maréchal de La Meilleraye par les rues pour apaiser le peuple et lui parler de son devoir. Le coadjuteur de Paris, qui, par une ambition démesurée, avait des inclinations bien éloignées de vouloir travailler à remédier à ce mal, y fut envoyé aussi, mais voulant cacher cette pente qu'il avait à souhaiter quelque nouveauté, il sortit à pied avec son camail et son rochet, et, se mêlant parmi la foule, prêche le peuple, leur crie la paix, et leur remontre l'obéissance qu'ils doivent au roi, avec toutes les marques d'une affection à son service tout à fait désintéressée. Peut-être même qu'il agissait de bonne foi en cette rencontre; car, comme son désir était seulement d'avoir part aux grandes affaires par quelque voie que ce pût être, si, par celle-ci, il eût pu entrer dans les bonnes grâces de la reine et se rendre nécessaire à l'État, son ambition était satisfaite; il n'en aurait pas pris une autre. Le peuple, à toutes les paroles qu'il leur dit, répondit avec respect pour sa personne, mais avec audace et emportement contre ce qu'ils devaient au nom du roi, demandant toujours leur protecteur, avec protestation de ne s'apaiser jamais qu'on ne le leur rende; et, sans trop considérer ce qu'ils devaient au grand maître, le maréchal de La Meilleraye, ils lui jetèrent des pierres, le chargèrent de mille injures, et, en le menaçant, firent des imprécations horribles contre la reine et son ministre. On passa toute cette journée dans l'espérance que ce tumulte pourrait s'apaiser, mais avec beaucoup de crainte qu'il ne s'augmentât. On tint conseil au Palais-Royal à l'ordinaire, et nous y demeurâmes paisiblement, riant et causant, selon notre coutume, de mille fariboles, car, outre qu'en telles occasions personne ne veut dire ce qu'il pense et ne veut paraître avoir peur, nul aussi ne veut être le premier à pronostiquer le mal. Plusieurs personnes, en effet, vinrent trouver la reine, qui, légèrement et sur de fausses apparences, lui dirent que ce n'était rien et que toutes choses s'apaisaient. Les rois se flattent aisément; notre régente était de même, qui, étant née avec un courage intrépide, se moquait des émotions populaires et ne pouvait croire qu'elles pussent causer de mal considérable. Sur le soir le coadjuteur revint trouver la reine de la part du peuple, forcé de prendre cette commission, pour lui demander encore une fois leur prisonnier, réslus, à ce qu'ils disaient, si on le leur refusait, à le ravoir par force. Comme le coeur de la reine n'était pas susceptible de faiblesse, qu'il paraissait en elle un courage qui aurait pu faire honte aux plus vaillants, et que, d'ailleurs, le cardinal ne trouvait pas son avantage à être toujours battu, elle se moqua de cette harangue, et le coadjuteur s'en retourna sans réponse. Un de ses amis, et un peu des miens, qui, peut-être aussi bien que lui, n'était pas dans son âme au désespoir des mauvaises aventures de la cour, me dit à l'oreille que tout était perdu, et qu'on ne s'amusât point à croire que ce n'était rien, que tout était à craindre de l'insolence du peuple, que déjà les rues étaient pleines de voix qui criaient contre la reine, et qu'il ne croyait pas que cela se pût apaiser aisément.

La nuit qui survint là-dessus les sépara tous et confirma la reine dans sa créance que l'aventure du jour n'était nullement à craindre. Elle tourna la chose en raillerie et me demanda au sortir du conseil, comme elle vint se déshabiller, si je n'avais pas eu grand peur. Cette princesse me faisait une continuelle guerre de ma poltronnerie : si bien qu'elle me fit l'honneur de me dire gaiement qu'à midi, peu après son retour du Te Deum quand on lui était venu dire le bruit que le peuple commençait à faire, elle avait aussitôt pensé à moi et à la frayeur que j'aurais au moment où j'entends cette nouvelle si terrible, et ces grands mots de chaînes tendues et de barricades. Elle avait bien deviné : car j'avais pensé mourir d'étonnement quand on me vint dire que Paris était en armes, ne croyant pas que jamais dans ce Paris, le séjour du délice et des douceurs, on pût voir la guerre ou des barricades autre part que dans l'histoire d'Henri III. Enfin cette plaisanterie dura tout le soir, et, comme j'étais la moins vaillante de la compagnie, toute la honte de cette journée tomba sur moi. »
 

(F. de Motteville, Mémoires).
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Dictionnaire biographique
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