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Francesco
Maurolico (Franciscus Maurolycus
) est un
mathématicien,
né en 1494 à Messine, et mort en 1575, a édité, traduit en latin et
commenté plusieurs ouvrages d'Archimède,
d'Euclide, d'Apollonius,
de Théodose, de Ménélaüs et a composé
des traités originaux sur la Cosmographie,
l'Optique, la Mécanique et la Gnomonique. Son oeuvre, immense
et multiforme, souvent publiée tardivement ou diffusée sous forme manuscrite,
constitue un pont essentiel entre la science antique et les développements
de l'époque moderne. En restaurant et en commentant avec une rigueur nouvelle
les textes fondateurs, il offre aux générations futures les outils et
les méthodes nécessaires pour bâtir la science nouvelle. En explorant
l'optique, la mécanique et la théorie des nombres avec originalité,
il ouvre des voies nouvelles. Ainsi, Maurolico se profile comme une figure
majeure de la Renaissance scientifique, un érudit universel dont l'héritage,
bien que parfois moins célèbre que celui de ses successeurs, reste fondamental
pour comprendre la transition vers la science classique.
Issu d'une famille
grecque originaire de Constantinople
et dont le père exerce la médecine, il grandit dans une cité portuaire
dynamique, carrefour d'échanges et de cultures, baignée par l'humanisme
renaissant qui redécouvre les trésors intellectuels de l'Antiquité.
Cette atmosphère nourrit très tôt son appétit insatiable pour la connaissance,
touchant aussi bien les lettres classiques que les disciplines scientifiques,
avec une prédilection marquée pour les mathématiques et l'astronomie.
Sa formation initiale,
probablement locale, lui confère une maîtrise impressionnante du grec
et du latin, instruments essentiels pour accéder aux sources antiques.
Ordonné prêtre, puis nommé abbé, il ne se cantonne pas aux fonctions
ecclésiastiques ; sa véritable vocation réside dans l'étude, l'enseignement
et la production scientifique. Il met ses vastes connaissances au service
de plusieurs mécènes et protecteurs influents, dont le Cardinal Pompeo
Colonna et surtout Juan de Vega, Vice-roi de Sicile,
qui reconnaissent en lui un esprit brillant et polyvalent. Ces soutiens
lui permettent de consacrer une grande partie de sa vie à ses recherches
et à la rédaction de ses nombreux ouvrages.
Maurolico s'impose
rapidement comme l'une des figures majeures de la science de son temps,
non seulement en Italie mais à travers l'Europe. Sa contribution principale
réside dans son travail colossal de restauration, d'exégèse et de commentaire
des grands textes mathématiques et astronomiques grecs. Il ne se contente
pas de les traduire; il les annote, les corrige, les complète, souvent
en s'appuyant sur plusieurs manuscrits pour établir des versions qu'il
juge plus fidèles et plus claires. C'est ainsi qu'il aborde l'oeuvre d'Euclide,
dont il offre une édition des Éléments avec ses propres démonstrations,
celle d'Archimède, dont il redonne vie à des traités majeurs comme Sur
la sphère et le cylindre, ou encore les Coniques d'Apollonius,
les travaux de Pappus, de Théodose, d'Autolycus. Pour lui, la géométrie
ancienne n'est pas une relique poussiéreuse, mais un fondement vivant,
nécessaire à toute science véritable, un langage universel d'une pureté
inégalée.
Au-delà de ce travail
philologique et de commentaire, Maurolico est un mathématicien original.
Il explore et développe des domaines variés, de la géométrie
euclidienne à la trigonométrie, en passant
par la théorie des nombres. On lui attribue souvent l'une des plus anciennes
utilisations explicites du principe d'induction mathématique dans sa démonstration
de la somme des premiers nombres impairs, un outil fondamental pour l'avenir
des mathématiques qu'il semble saisir
par intuition de sa puissance.
Son oeuvre majeure
en optique, les Photismi de lumine et umbra (publiés posthumément
mais largement diffusés de son vivant), marque un tournant. Il y analyse
avec une rigueur géométrique la propagation de la lumière, la formation
des images par les lentilles et les miroirs, les phénomènes de la vision,
l'explication scientifique de l'arc-en-ciel. Dans cet ouvrage, il affirme,
par exemple, que la lumière se propage en ligne droite, un postulat dont
il dérive des lois complexes. Il y montre une capacité remarquable Ã
lier la théorie géométrique à l'observation physique, considérant
que "les choses visibles ne sont pas moins sujettes à la loi des nombres
et des figures que les choses intelligibles". Il jette ainsi les bases
d'une optique mathématique qui influencera Galilée
et Kepler.
Mais l'esprit de
Maurolico ne s'arrête pas aux mathématiques pures. Il est également
un astronome respecté. Il commente l'Almageste de Ptolémée,
s'intéresse aux mouvements planétaires et participe activement aux discussions
sur la réforme du calendrier, un enjeu majeur de son temps qui aboutira
au calendrier grégorien. Sa Cosmographia traite de géographie
et d'astronomie, témoignant de son intérêt
pour la structure de l'univers et la description du monde terrestre. Il
aborde aussi l'histoire et la philologie, rédigeant des chroniques et
des commentaires sur des textes classiques.
Sa méthode est celle
de la démonstration rigoureuse, inspirée des Anciens. Pour lui, une affirmation
n'a de valeur que si elle est solidement étayée par la preuve. Il n'hésite
pas à pointer les erreurs qu'il rencontre dans les textes disponibles
ou dans les connaissances de son temps, ce qui renforce sa détermination
à "remettre de l'ordre" et à "restaurer la vérité" là où il perçoit
confusion ou imprécision. Cette attitude critique, parfois teintée d'une
certaine fierté pour l'originalité et la justesse de ses propres travaux,
transparaît dans ses écrits. Il documente méticuleusement ses travaux,
souvent dans des préfaces ou des scholies, conscient de l'ampleur de sa
tâche et de l'importance de ses découvertes ou redécouvertes. Il travaille
sans relâche, comme si le temps lui manquait pour achever l'immense corpus
de connaissances qu'il souhaite transmettre. Atteint par la peste qui ravage
Messine, Francesco Maurolico s'éteint en 1575. |
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