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Edgar Morin

Edgar Morin (Edgar Nahoum) est un sociologue et philosophe né le 8 juillet 1921 à Paris. On lui doit des travaux fondateurs sur la complexité et la pensée complexe. 

Issu d'une  famille juive sépharade originaire de Salonique, Morin passe une partie de son enfance à Montauban où il se réfugie pendant la Seconde Guerre mondiale. Il commence ensuite ses études à Paris et montre très tôt un intérêt pour la lecture et les sciences humaines. Il rejoint la Résistance en 1942, adoptant alors le pseudonyme de Morin. Il devient un membre actif du mouvement et participe à des actions contre l'occupant et collaborant avec des intellectuels résistants. Après la guerre, il publie L'An zéro de l'Allemagne (1946), une analyse de la dénazification et de la reconstruction allemande.

Morin s'engage brièvement au Parti communiste français, qu'il quitte en 1951 en raison de désaccords idéologiques. Durant cette période, il commence à publier des travaux sociologiques, notamment L'Homme et la mort (1951), où il étudie les attitudes humaines face à la mort. Dans les années qui suivent, il se consacre à des recherches sociologiques diversifiées. Il aborde des sujets allant de la culture de masse à l'anthropologie. Il publie en 1956 Le Cinéma ou l'homme imaginaire, une analyse de l'impact du cinéma sur la société et l'imaginaire collectif. En 1957, il est nommé directeur de recherche au CNRS.

Dans les années 1960, Edgar Morin participe à la création de la revue Arguments, qui devient un lieu de réflexion important pour les intellectuels de gauche non alignés. Il mène également des études de terrain, notamment sur la communauté ouvrière de Plozevet en Bretagne, qu'il publie sous le titre La Métamorphose de Plozevet (1967).

En 1965, Edgar Morin commence à développer sa pensée sur la complexité, qui deviendra centrale dans son oeuvre. Son approche interdisciplinaire le conduit à écrire Introduction à une politique de l'homme (1965), où il plaide pour une nouvelle manière de penser les phénomènes sociaux et politiques. Dans les années 1970, il continue à approfondir ses idées sur la complexité. Il publie Le Paradigme perdu : la nature humaine en 1973. Il y  propose une vision intégrée de l'humain, mêlant biologie, sociologie et anthropologie.

Durant cette période, Morin est également actif dans les débats intellectuels du moment, participant à des colloques et des conférences internationales. En 1977, il publie La Méthode, une oeuvre en plusieurs volumes qui constitue l'aboutissement de ses réflexions sur la complexité. Ce projet ambitieux se déroule sur plusieurs décennies :  La Méthode 1 : la nature de la nature (1977); La Méthode 2 : la vie de la vie (1980) et La Méthode 3 : la onnaissance de la connaissance (1986). Ces ouvrages analysent les fondements de la complexité dans la nature, la vie et la connaissance et proposent une approche transdisciplinaire pour comprendre les phénomènes complexes.

En 1978, Edgar Morin participe à la création du Centre d'études transdisciplinaires de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS). Il collabore avec divers intellectuels pour promouvoir une pensée critique et interdisciplinaire. Durant les années 1990, Morin poursuit la publication des volumes de La Méthode : La Méthode 4 : Les idées (1991) et La Méthode 5 : L'humanité de l'humanité (2001). Le dernier volume, La Méthode 6 : Éthique, paraîtra en 2004. Ces ouvrages approfondissent ses analyses sur la pensée humaine et les sociétés, consolidant son statut de penseur majeur de la complexité.

Morin est devenu à cette époque une figure intellectuelle de renommée internationale. Il participe à des conférences et colloques à travers le monde, influençant des chercheurs et des penseurs de diverses disciplines. Son travail est traduit en plusieurs langues. Dans les années suivantes, il continue de publier et d'intervenir dans les débats contemporains. 

En 1999, il publie Les Sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur à la demande de l'Unesco, où il identifie les savoirs fondamentaux pour une éducation adaptée aux défis du XXIe siècle. Ce travail influence largement les politiques éducatives et les réformes pédagogiques. Malgré son âge avancé, Edgar Morin reste actif. En 2020, il publie avec avec Sabah Abouessalam, Changeons de voie : les leçons du coronavirus,  une analyse la crise du covid-19 qui propose des réflexions sur les transformations nécessaires pour un avenir meilleur.

En 2021, Edgar Morin fêté ses 100 ans. Cet événement est marqué par de nombreuses célébrations et hommages, soulignant son influence durable sur la pensée contemporaine. Des colloques, des documentaires et des publications spéciales sont organisés pour honorer sa contribution à la sociologie, à la philosophie et à la pensée complexe.

Aspects de la pensée complexe.
Edgar Morin a proposé de combiner des éléments de différentes sciences pour appréhender les phénomènes complexes. Cette approche interdisciplinaire de la complexité  - la pensée complexe -  lui permet de répondre aux limitations de la pensée réductionniste et linéaire. Selon lui, la pensée complexe reconnaît l'interdépendance et l'interconnexion des éléments au sein d'un système, permettant ainsi une compréhension plus holistique des phénomènes.

La Méthode.
Les différents aspects de la complexité sont exposés dans la série de livres intitulée La Méthode. Edgar Morin, dans cette oeuvre ambitieuse, propose une approche transdisciplinaire pour comprendre la complexité de la nature, de la vie, de la connaissance, des idées, de l'humanité et de l'éthique. Il y critique les limitations des approches réductionnistes et linéaires, et plaide pour une pensée complexe capable de saisir les interconnexions et les interactions dynamiques des phénomènes. Son oeuvre est une invitation à repenser notre manière de comprendre le monde et d'agir en son sein, en intégrant la complexité et l'incertitude inhérentes à la réalité.

• La Nature de la nature (1977). - Ce premier volume étudie les fondements de la nature. Morin aborde les concepts de l'ordre, du désordre et de l'organisation. Il examine les processus fondamentaux qui régissent la nature, tels que l'auto-organisation, l'entropie et la complexité. Il critique la vision réductionniste de la science traditionnelle qui tend à isoler les phénomènes pour les comprendre. Il propose une approche holistique où les éléments sont vus comme des parties intégrantes d'un système global. Cette perspective éclaire la dynamique de l'interaction entre l'ordre et le désordre, et leur rôle dans la complexité croissante des systèmes naturels.

• La Vie de la vie (1980). - Le second volume traite des systèmes vivants. Morin examine les propriétés de la vie, telles que la reproduction, l'auto-régulation et l'évolution. Il développe des concepts comme la boucle récursive et la rétroaction, essentiels à la compréhension des organismes vivants. Il met montre la complexité inhérente à la vie, où chaque organisme est à la fois une partie d'un tout plus grand et un tout en lui-même. Il critique les explications réductionnistes de la biologie et propose une vision où les relations et les interactions jouent un rôle central.

• La Connaissance de la connaissance (1986). - Dans ce volume, Morin analyse la nature de la connaissance elle-même. Il démonte les processus cognitifs et la manière dont les êtres humains construisent leur compréhension du monde. Il  aborde la question de la subjectivité et de l'objectivité dans la connaissance. Morin propose une épistémologie complexe, où la connaissance est vue comme un processus interactif et évolutif. Il critique la dichotomie traditionnelle entre le sujet et l'objet, et suggère que la connaissance est toujours une co-construction entre l'observateur et l'observé.

• Les Idées : leur habitat, leur vie, leurs moeurs, leur organisation (1991). - Ce volume se concentre sur les idées et les systèmes de pensée. Morin aborde la manière dont les idées naissent, se développent et s'organisent. Il examine les interactions entre les idées et les contextes culturels et sociaux. Il traite les idées comme des organismes vivants, avec leur propre dynamique de naissance, de croissance et de mort. Il met en évidence l'importance du contexte et de l'environnement dans le développement des idées, soulignant la complexité des interactions entre les idées et les réalités sociales.

• L'Humanité de l'humanité (2001). - Dans ce cinquième volume, Morin s'intéresse à la condition humaine et à la complexité de l'existence humaine. Il aborde des thèmes comme la culture, la société, et l'identité humaine. Morin propose une vision intégrative de l'humanité qui transcende les divisions traditionnelles. Il souligne la complexité de la nature humaine, faite d'interactions entre les dimensions biologique, psychologique, sociale et culturelle. Il appelle à une reconnaissance de cette complexité pour mieux comprendre les défis contemporains et favoriser une coexistence harmonieuse.

• Éthique (2004). - Le dernier volume traite de l'éthique dans un monde complexe. Morin propose une éthique de la complexité qui prend en compte les interrelations et les interdépendances. Il étudie les implications morales des actions humaines dans un monde où tout est connecté. Il critique les approches éthiques simplistes et propose une éthique contextuelle et dynamique. Il insiste sur la nécessité de responsabilité et de prudence dans un monde où les actions ont des répercussions multiples et souvent imprévisibles.

Le paradigme de la complexité et la reliance.
Morin introduit un paradigme de la complexité qui rejette les visions simplificatrices et dualistes de la réalité. Il insiste sur le fait que les phénomènes sont à la fois ordonnés et désordonnés, prévisibles et imprévisibles, et que les opposés peuvent être complémentaires.

Il utilise le concept de reliance pour décrire la capacité de relier différents éléments, disciplines et savoirs. Pour lui, comprendre un phénomène complexe nécessite de lier les connaissances issues de différentes disciplines, de l'anthropologie à la biologie, en passant par la sociologie et la philosophie.

La pensée systémique.
Il soutient que pour comprendre la complexité, il est crucial d'adopter une pensée systémique, qui considère les systèmes comme des ensembles intégrés de parties interconnectées.

Le principe dialogique de Morin énonce que les systèmes complexes sont constitués de composants antagonistes mais complémentaires, par exemple, l'ordre et le désordre. Cette coexistence permet la dynamique et l'évolution des systèmes.

Morin adopte le concept d'auto-organisation pour expliquer comment les systèmes complexes peuvent se structurer et se développer de manière autonome. Il utilise ce concept pour expliquer des processus dans la nature, la société et la connaissance.

L'éducation à la complexité.
Morin plaide pour une réforme de l'éducation afin d'enseigner la complexité. Il propose une approche éducative qui développe la capacité de penser de manière complexe, reliant les connaissances et favorisant une compréhension globale des phénomènes.

Il met l'accent sur l'importance de l'interdisciplinarité et de la transdisciplinarité dans la recherche et l'éducation. Pour lui, la complexité des phénomènes exige une collaboration entre différentes disciplines et une intégration des savoirs.

Écologie de l'action.
Morin introduit le concept d'écologie de l'action pour souligner que toute action humaine a des conséquences multiples, souvent imprévisibles, qui s'étendent dans le temps et l'espace. Cela nécessite une réflexion éthique et responsable sur les choix et les actes.

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Dictionnaire biographique
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