L'Ecole fantaisiste

Au théâtre, la Fantaisie ferme ou tarit les sources traditionnelles de l'inspiration : ce n'est plus la passion morale, la connaissance des humains et des choses qui préside aux conceptions dramatiques; l'invention se réduit souvent à une seule chose, l'effet. Le romancier fantaisiste, au lieu de nous peindre la nature humaine, en donne plutôt des aspects, pittoresques, inattendus, qui saisissent les yeux; ce sont des types étranges, de beaux brigands, des gueux magnifiques, des mendiants libres penseurs, des artistes méconnus, toutes sortes de déclassés de la société, à qui l'on donne enfin la parole, mais ici encore moins pour les entendre, que pour étonner le lecteur; il faut du bizarre, de l'exceptionnel, de l'extraordinaire pour réveiller les appétits blasés.

La Fantaisie s'est hardiment aventurée dans le domaine de la morale et de l'histoire, tantôt secouant la pudeur des bonnes gens par des provocations, tantôt s'essayant à peindre les humains et les événements aux seules couleurs de l'anecdote. L'école fantaisiste se piquait surtout d'une grande originalité dans l'art d'écrire : son style est luxuriant et touffu, sa phraséologie miroitante; la métaphore fait saillie sur l'idée, et il faut faire image à tout prix.

Leurs intentions ne sont pas toujours claires. Ils se voudraient les héritiers des beaux-esprits du XVIII^e siècle; leurs intentions sont salutaires autant pour la littératures que pour les moeurs, dont ils ameraient briser les carcans, mais au final leurs oeuvres ont souvent quelque chose de factice. (P).