Baudelaire 1857 | Je veux te raconter, ô molle enchanteresse, Les diverses beautés qui parent ta jeunesse; Je veux te peindre ta beauté Où l'enfance s'allie à la maturité. Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large, Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large, Chargé de toile, et va roulant Suivant un rythme doux, et paresseux, et lent. Sur ton cou large et rond, sur tes épaules grasses, Ta tête se pavane avec d'étranges grâces; D'un air placide et triomphant Tu passes ton chemin, majestueuse enfant. Je veux te raconter, ô molle enchanteresse, Les diverses beautés qui parent ta jeunesse; Je veux te peindre ta beauté Où l'enfance s'allie à la maturité. Ta gorge qui s'avance et qui pousse la moire, Ta gorge triomphante est une belle armoire Dont les panneaux bombés et clairs Comme les boucliers accrochent des éclairs; Boucliers provoquants, armés de pointes roses! Armoire à doux secrets, pleine de bonnes choses, De vins, de parfums, de liqueurs Qui feraient délirer les cerveaux et les coeurs! Quand tu vas balayant l'air de ta jupe large, Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large, Chargé de toile, et va roulant Suivant un rythme doux, et paresseux, et lent. Tes nobles jambes sons les volants qu'elles chassent, Tourmentent les désirs obscurs et les agacent Comme deux sorcières qui font Tourner un philtre noir dans un vase profond. Tes bras qui se joueraient des précoces hercules Sont des boas luisants les solides émules, Faits pour serrer obstinément, Comme pour l'imprimer dans ton coeur, ton amant. Sur ton cou large et rond, sur tes épaules grasses, Ta tête se pavane avec d'étranches grâces; D'un air placide et triomphant Tu passes ton chemin, majestueuse enfant. | |