| Désert (histoire du protestantisme). - En 1685, Louis XIV révoquait l'édit de Nantes par un nouvel édit, qui défendait aux protestants tout exercice de leur culte, condamnait les pasteurs aux galères, s'ils n'abjuraient pas, et ordonnait d'élever tous les enfants dans la religion catholique. L'émigration recommença en masse, bien qu'on employât tous les moyens pour empêcher les « religionnaires » de sortir du royaume de France. Deux cents pasteurs avaient dû s'expatrier avant 1685; après la révocation, plusieurs abjurèrent, les autres prirent le chemin de l'exil, au péril de leur vie. Les troupeaux fidèles à l'Evangile, privés de temples, sans conducteurs et persécutés de toutes parts, ne perdirent pas courage. Résolus à célébrer leur culte à tout prix, les protestants se réunirent la nuit dans des bois, dans des cavernes, dans des endroits cachés et sauvages; de là le nom d'Assemblées ou Eglises du Désert. Des laïques courageux, des prédicants remplaçaient les pasteurs, improvisant des exhortations, récitant des fragments de sermons, lisant la Bible aux fidèles réunis pour les écouter, relevant les courages abattus, entretenant partout la foi et l'espérance. Beaucoup furent saisis et emprisonnés, d'autres souffrirent le martyre pour la cause de leur foi. II faut citer parmi ces derniers : Vivens, Rey, Guion, Bonnemère et surtout l'avocat CI. Brousson, qui fut consacré pasteur dans les Cévennes, et fut exécuté. à Montpellier en 1698, Brousson s'était dévoué corps et âme à la défense des Eglises du Désert : écrivant aux pasteurs réfugiés à l'étranger pour les ramener auprès de leurs troupeaux, s'adressant au clergé catholique pour tâcher de l'éclairer et de l'adoucir; essayant d'attendrir les ministres, d'écrire au roi pour lui démontrer la légitimité du protestantisme; insistant auprès des négociateurs pour faire insérer au traité de Ryswyk une clause concernant la liberté des cultes en France; prêchant en temps et hors de temps la douceur et l'apaisement au milieu de dangers et de périls incessants. Mais, à côté de ces apôtres de la patience, et constamment maintenus par eux, il y avait les fanatiques et les révoltés, toujours prêts à la lutte armée et à la résistance active. Les assemblées du Désert, si utiles pour entretenir la foi des fidèles, exaltaient aussi leur imagination religieuse; toujours périlleuses, entourées de mystères, de fatigues et d'angoisses, elles surexcitaient chez plusieurs le sentiment religieux, au point de produire des désordres. Des femmes, des enfants tombaient en extase; des « prophètes » préchaient l'insurrection, agitant les esprits et soufflant la révolte. Celle-ci éclata dans les Cévennes en 1702, et reçut le nom de guerre des Camisards. Deux « prophètes », Roland et Cavalier, se mirent à la tête des révoltés et taillèrent en pièces les troupes royales envoyées contre eux. La lutte fut acharnée jusqu'en 1704; de 1705 à 1740, il n'y eut plus que de petits soulèvements aussitôt réprimés. Or il était grand temps que ces massacres prissent fin et qu'un peu de calme rentrât dans les Eglises du Désert. il tallait rétablir l'ordre partout rompu et transformer le fanatisme religieux en une piété fervente, mais éclairée. La tâche était difficile, l'oeuvre pénible. Un homme la comprit et s'en chargea : ce fut Antoine Court. Le synode, tenu à son instigation dans le Désert près de Nîmes (21 août 1715), du vivant même de Louis XIV, décida de s'en tenir à la Bible comme seule règle de foi, et d'interdire la prédication des femmes et de toute autre personne non autorisée. Chaque Eglise fut obligée d'élire un consistoire et fournir un modeste traitement à ses prédicants. Dès lors, des synodes se tinrent tous les ans au Désert. On y consacra des pasteurs réguliers : Royer, P. Corteiz, P. Durand, Antoine Court lui-même (1718). En 1726, malgré un redoublement de la persécution, eut lieu un synode fort nombreux. Mais Antoine Court, dont la tête avait été mise à prix, toujours poursuivi, toujours inquiet pour sa famille, dut se réfugier en Suisse où il fonda le séminaire de Lausanne. En 1742 un jeune pasteur, Paul Rabaut, formé à cette école, entrait en France et allait continuer l'oeuvre de restauration des Eglises réformées, commencées par Antoine Court. Appelé comme pasteur à Nîmes, il eut encore à soutenir le courage et la foi des fidèles pendant deux persécutions; mais ce fut à lui qu'échut la joie et l'honneur de consacrer en 1792 dans cette ville le premier temple protestant autorisé en France depuis la révocation de l'édit de Nantes. (G. Bonet-Maury). |