En panne Le vent, depuis trois jours, manque aux voiles oisives Du navire assoupi sur une mer qui dort. Tel, qui croyait partir et voguer loin des rives, S'arrête à quatre pas de la côte et du port. Las de compter en vain les heures fugitives, Le capitaine va de bâbord à tribord, Et, rogue, impatient, fécond en invectives, Demande au vent muet s'il est tout à fait mort. Nous, penchés tristement sur le noir bastingage, Le coeur mal détaché des tendres liaisons, Nous songeons aux amis laissés à ce rivage. Ils nous rêvent déjà sous d'autres horizons, Et ne se doutent pas que, si près de la plage, Nous regardons encor les toits de leurs maisons! Fraternité Ils dînent sur le sable et sont assis en troupe; Chacun d'eux est un bon et brave matelot. Ils sont venus chercher l'ombre d'une chaloupe Qui vieillit au soleil, couchée au bord du flot. Une odeur de poisson s'exhale de leur soupe; De pain bis et de lard, chacun reçoit son lot; Le vin est de la côte, et, s'ils n'ont pas de coupe, Ils ont une bouteille et boivent au goulot. Braves gens, compagnons à la parole vive, Salut ! - Si vous voulez m'accepter pour convive, Nous dînerons ensemble au rivage écumant. Quand on a fait son oeuvre, on a l'âme un peu lasse Vous avez travaillé, j'ai chanté seulement, Je demande à m'asseoir à la dernière place. (J. Autran, extraits des Poèmes de la Mer). |