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Jeu-parti

Le Jeu-parti est un genre de composition poétique emprunté aux troubadours par les trouvères, et nommé quelquefois parture (Tenson). 

Une des inventions les plus originales des troubadours, imités par les trouvères du nord, était la tençon (ou tenson), où deux poètes composent chacun une strophe en soutenant des opinions contradictoires, ou en s'adressant mutuellement des reproches souvent fort vifs. Quelquefois ces débats ont lieu non entre deux troubadours, mais entre le poète et un personnage fictif, d'ordinaire Amour, conçu comme une divinité (très souvent comme une divinité féminine, une dame). 

Les pièces de ce genre en langue d'oïl sont très rares, mais on y trouve en grande abondance des jeux partis (en provençal jocs partitz, plus souvent partimens), ainsi appelés parce que celui qui ouvre le débat propose à son confrère une alternative, dont celui-ci choisit et défend un des termes, le premier soutenant l'opinion contraire; les deux contestants remettent souvent la décision à un ou plusieurs arbitres nommés dans l'envoi. C'est à peu près toujours l'amour qui fournit le thème de ces débats, dout l'ensemble constitue une sorte de manuel de jurisprudence halante, et dont les envois, interprétés avec exagération, ont donné lieu à la légende des « cours d'amour », qui naturellement n'ont jamais été tenues. (G. P.).

Les principaux trouvères dont on connaît des jeux-partis sont : 

• Maistre Bichart et Gautier de Dargies;

• Guillaume le Viniers et Frère; 

• Andrieu; 

• Maistre Adam de Givenci,

•  Thibaut de Champagne, etc.

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Un jeu-parti de Thibaut de Champagne

« -Dame, merci! une riens vous demant :
Dites moi voir, si Dieus vous beneïe,
Quant vous morrez et je (mais c'iert avant;
Car après vos ne vivroie je mie),
Que devenra Amors, cèle esbahie?
Que tant avés sens, valour, et j'aim tant,
Que je croi bien qu'après nous iert faillie.

- Par Dieu! Thiebaut, selon mon escient,
Amors n'iert ja pour nule mort perie.
Ne je ne sai se vous m'alez gabant,
Que trop maigres n'estes vos encor mie.
Quant nous morrons (Diex nous doint bone vie!)
Bien croi qu'Amors dommage i avra grant; 
Mais tos jors iert valors cl'Anmor joïe.

-Dame, certes ne devés pas cuidier,
Mais bien savoir que trop vous ai amée.
De la joie m'en aim plus et tieng chier,
Et por ce ai ma graisse recovrée;
Qu'ainc Diex ne fist si très bèle riens née
Coin vous, mais ce me fait trop esmaier,
Quant nous morrons, qu'Amors sera finée.

- Taisiés, Thiebaut! Nus ne doit commencier
Raison, qui soit de tous droiz desevrée.
Vous le dites pour moi amoloier
Encontre vous, que tant avez guillée.
Je ne di pas certes que je vous hée;
Mais se d'Amors me convenoit jugier,
Ele en seroit servie et honourée.

- Dame, Diex doint que vos jugiez a droit,
Et conoissiés les maus qui me font plaindre!
Que je sai bien, quels li jugemenz soit,
Se je en muir, qu'Amors convendra faindre,
Se vous, dame, ne le faites remaindre
Dedans son leu, arrière ou èle estoit :
Qu'a vostre sens ne porroit nus ataindre.

- Thiebaut, s'Amors vous fait pour moi destraindre,
Ne vous grief pas; que, s'amer m'estovoit,
J'ai bien un cuer qui ne se sauroit faindre. » 
 

(Thibaut de Champagne).
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Dictionnaire Le monde des textes
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