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Mythologiques
de Claude Lévi-Strauss
La série Mythologiques de Claude Lévi-Strauss est une oeuvre monumentale en quatre volumes, publiée entre 1964 et 1971. Dans cette série, Lévi-Strauss entreprend une analyse structuralliste exhaustive des mythes des peuples autochtones des Amériques. 

L'ouvrage a révolutionné l'anthropologie en introduisant des méthodes structurales pour l'analyse des mythes. Lévi-Strauss a montré que les mythes ne sont pas des récits arbitraires mais des constructions logiques qui reflètent des structures mentales profondes. Cette approche a eu un impact sur de nombreuses disciplines (linguistique, psychologie, littérature et études culturelles diverses). Elle a aussi inspiré des recherches dans des domaines aussi divers que la sémiotique et la théorie littéraire.

En montrant que toutes les cultures partagent des structures mentales similaires, Lévi-Strauss a contribué à déconstruire les préjugés ethnocentriques. Il a insisté sur le fait que les sociétés dites "primitives" possèdent des systèmes de pensée aussi complexes et sophistiqués que ceux des sociétés modernes. Certains critiques ont cependant reproché à Lévi-Strauss - ce qu'ils reprochent au structuralisme en général - une certaine rigidité dans son analyse des structures, arguant qu'il pourrait négliger les aspects dynamiques et changeants des cultures. Ils ont affirmé que l'accent mis sur les structures peut parfois sous-estimer l'importance de l'histoire et du contexte spécifique. D'autres critiques ont soulignéque l'approche structuraliste de Lévi-Strauss est trop abstraite, éloignant l'analyse des réalités vécues des peuples étudiés. Pour eux,  la focalisation sur les structures peut parfois ignorer les expériences subjectives et les pratiques quotidiennes des individus.

Volume 1 : Le cru et le cuit (1964)

Ce premier volume est une oeuvre pionnière qui a transformé notre compréhension des mythes et des structures de pensée humaine. Lévi-Strauss propose que certaines structures de pensée sont invariantes à travers les cultures. En décomposant les mythes en unités de base, il montre que ces structures sont présentes dans des récits de cultures très différentes, suggérant une universalité de la pensée humaine. L'analyse de l'opposition entre le cru et le cuit permet à Lévi-Strauss d'explorer comment les sociétés humaines médiatisent et transforment leur environnement. Cette médiation est essentielle pour comprendre comment les cultures se définissent et se différencient. En démontrant l'universalité des structures sous-jacentes aux récits mythologiques, Lévi-Strauss a mis au jour des déterminants profonds de la culture et de la cognition humaine.

Inspiré par la linguistique structurale de Ferdinand de Saussure, Lévi-Strauss applique une méthode structurale pour analyser les mythes. Il décompose les récits mythologiques en unités fondamentales, qu'il appelle mythèmes, et montre comment ces unités sont combinées selon des règles spécifiques pour former des récits cohérents. Il apparaît ainsi que les mythes, bien que variés dans leur forme et leur contenu, obéissent à des structures profondes et universelles. L'anthropologue analyse comment ces structures révèlent des modes de pensée communs à toute l'humanité.

Lévi-Strauss commence par analyser les mythes en termes d'oppositions binaires, une méthode qu'il emprunte à la linguistique structurale. Ainsi, le titre de l'ouvrage fait-il référence à une opposition fondamentale dans de nombreux mythes : celle entre le cru et le cuit. Cette dichotomie symbolise la transformation de la nature par la culture. Le cru représente l'état naturel, tandis que le cuit représente l'état culturel, transformé par l'intervention humaine.

La cuisine est vue comme une médiation entre la nature et la culture. Les pratiques culinaires, les techniques de cuisson et les aliments eux-mêmes deviennent des symboles de la transformation de la nature par la culture. Lévi-Strauss examine les techniques culinaires et les pratiques alimentaires pour montrer comment elles reflètent et renforcent les structures culturelles.

Pour Lévi-Strauss les mythes servent à résoudre des contradictions fondamentales dans la pensée humaine. En particulier, ils médiatisent les tensions entre nature et culture, vie et mort, cru et cuit. Ils sont des systèmes de pensée qui aident les sociétés à comprendre et à organiser leur monde.

Lévi-Strauss commence son analyse par les mythes des Bororo du Brésil, puis étend son étude à d'autres cultures sud-américaines. Il montre comment des récits apparemment différents partagent des structures similaires, révélant des patterns communs de pensée.

Les mythes se présentent donc comme des éléments d'un réseau complexe. Chaque mythe est lié à d'autres par des variations thématiques et structurelles. En traçant ces relations, l'anthropologue démontre que les mythes fonctionnent non pas de manière isolée, mais en interaction constante avec d'autres récits.

Volume 2 : Du miel aux cendres (1966)

Ce volume poursuit l'analyse des mythes en se concentrant sur les substances naturelles et leur transformation. L'opposition entre le miel et les cendres symbolise une autre forme de transformation, cette fois entre des états naturels et des états culturels. L'ouvrage renforce les fondations de l'anthropologie structurale et confirme l'importance des méthodes comparatives et structurales dans l'étude des mythes.

Lévi-Strauss met cette fois l'accent sur les oppositions symboliques entre le miel et les cendres. Il développe davantage son approche structurale en comparant des mythes provenant de diverses cultures sud-américaines. La méthode comparative lui sert pour montrer, une nouvelle fois, comment des récits mythologiques, bien que géographiquement et culturellement distincts, partagent des structures profondes communes. Lévi-Strauss analyse les variations et les transformations de ces mythes pour révéler des patterns universels de la pensée humaine.

Le miel et les cendres sont deux éléments naturels qui représentent des oppositions symboliques complexes. Le miel, associé à la douceur et à la nature, est comparé aux cendres, symboles de destruction et de transformation par le feu. Ces oppositions éclairent des notions telles que la pureté, la corruption, la vie et la mort.

Comme dans Le cru et le cuit, Lévi-Strauss se concentre sur les processus de transformation. Le passage du miel (un produit naturel) aux cendres (résultat de la combustion) symbolise des transformations culturelles et naturelles. 

Lévi-Strauss revient aussi sur son analyse des pratiques culinaires, cette fois en analysant comment le miel et les cendres sont utilisés dans les cuisines traditionnelles.

Lévi-Strauss montre comment les mythes fonctionnent en réseaux, où chaque mythe est lié à d'autres par des thèmes et des motifs communs. Il trace ces liens à travers de vastes régions géographiques et divers groupes culturels, démontrant une cohérence et une continuité sous-jacentes.

En examinant les variations des mythes, l'anthropologue identifie des invariants structurels. Ces invariants sont des éléments récurrents qui se manifestent sous différentes formes et qui expriment des structures profondes de la pensée humaine. Les variations, quant à elles, montrent comment ces structures sont adaptées à des contextes culturels spécifiques.

Volume 3 : L'origine des manières de table (1968)

Dans L'origine des manières de table, Lévi-Strauss élargit son analyse en comparant encore les mythes de différentes cultures amérindiennes. L'une des contributions majeures de l'ouvrage est de montrer comment les pratiques alimentaires et les manières de table, bien que variées dans leur forme, partagent des structures profondes communes à travers les cultures. 

Lévi-Strauss vise à démontrer que les pratiques alimentaires et les manières de table, tout comme les mythes, obéissent à des structures profondes et universelles. Il explore comment ces pratiques révèlent des modes de pensée communs à l'humanité.

L'auteur continue d'appliquer une méthode structurale pour analyser les pratiques alimentaires et les récits mythologiques associés. Il décompose ces pratiques en unités fondamentales et examine comment elles sont combinées selon des règles spécifiques pour former des systèmes cohérents de signification.

Lévi-Strauss examine comment les pratiques alimentaires et les manières de table sont plus que de simples actes de consommation. Elles sont des expressions culturelles riches de significations symboliques et sociales. Les manières de table sont des rituels qui reflètent et renforcent les structures sociales et culturelles.

Comme dans les volumes précédents, Lévi-Strauss utilise dans son analyse l'opposition entre le cru et le cuit. Les pratiques culinaires sont vues comme des médiations entre la nature brute (le cru) et la culture transformée (le cuit).

Les aliments eux-mêmes sont chargés de significations symboliques. Lévi-Strauss montre comment les aliments sont utilisés pour exprimer des concepts culturels complexes, comme la pureté, la corruption, l'appartenance et l'altérité.

Les pratiques alimentaires et les récits mythologiques associés fonctionnent ici encore en réseaux. Lévi-Strauss continue d'identifier des invariants structurels, cette fois dans les pratiques alimentaires, et parallèles aux réseaux formés par  les récits mythologiques.

Volume 4 : L'homme nu (1971)

Ce dernier volume revient sur les thèmes abordés dans les précédents et les intègre dans une réflexion plus large sur la nature humaine. Lévi-Strauss examine les limites et les possibilités de la pensée humaine, en utilisant les mythes comme une fenêtre sur l'esprit humain. Il conclut en réaffirmant l'universalité des structures mentales humaines tout en respectant la diversité des expressions culturelles. 

Dans L'Homme nu, Lévi-Strauss poursuit son analyse des mythes amérindiens, en mettant l'accent ici sur des thèmes comme le sacrifice, la mort et la transformation. Il montre comment ces thèmes sont des expressions de préoccupations humaines universelles, transcendant les particularités culturelles. Mais surtout, il examine la relation entre la nature humaine et la culture, en s'interrogeant sur la manière dont les sociétés humaines transforment et médiatisent leur relation avec le monde naturel. Il montre comment les mythes et les pratiques culturelles sont des expressions de cette médiation. Il s'intéresse aussi aux implications psychanalytiques de l'analyse des mythes. Il étudie la manière dont les mythes révèlent des désirs et des peurs humaines profondément enfouis dans l'inconscient collectif. Les mythes servent de véhicules pour exprimer et négocier ces tensions psychiques.

L'ouvrage aborde également des questions philosophiques plus larges sur la condition humaine, telles que la mort, la solitude et la quête de sens. Lévi-Strauss montre comment les mythes fournissent des réponses symboliques à ces questions universelles, en offrant des cadres narratifs pour comprendre et donner un sens à l'existence humaine.

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