| Les Romains de la décadence est un tableau de Thomas Couture (1847), connu aussi sous le nom de l'Orgie romaine (musée d'Orsay). Dans une vaste salle d'une architecture grandiose, soutenue par des colonnes d'ordre corinthien, une troupe de jeunes débauchés se livre à une de ces orgies qui ont marqué la décadence de Rome. Le moment choisi par le peintre est celui de la fin du festin. Le peintre a dressé sur leurs piédestaux, autour des lits, de graves statues de vieux Romains qui assistent en effigie aux débauches de leurs arrière-neveux. -.- Les Romains de la décadence par Thomas Couture (1847). L'Orgie romaine eut une vogue immense, supérieure même à son mérite, qui est pourtant réel. L'éminent critique Thoré en donna une description dont le ton élogieux est d'autant plus remarquable que l'écrivain si compétent n'était pas prodigue de son encens : « Au milieu de la scène, dit-il, sur un lit recouvert de splendides draperies en désordre, une femme, vêtue de blanc, est couchée avec nonchalance, comme une nymphe rêveuse au bord de la mer sans horizon; mais son beau visage exprime une lassitude infinie et l'hébétement de sens épuisés. Ses membres, abandonnés mollement sur les coussins de pourpre, se dessinent en reliefs voluptueux. Un homme, assis près d'elle, la soutient, et tend sa coupe ciselée à une autre femme demi-nue qui y verse les âcres épices de l'Orient. Celle-ci, soulevée et vue de profil en pleine lumière, resplendit de fraîcheur et de beauté; sa main gauche repose sur les épaules ambrées d'un jeune garçon, étendu comme un nageur dans ce fleuve de délices. Pour pendant à ce groupe, Vitellius, accoudé en triomphateur, contemple l'orgie, sans s'apercevoir qu'une fille, couronnée de pampres, se serre contre lui. Le torse de cette femme, vue presque de dos, se modèle admirablement dans une demi-teinte transparente et légère qui recouvre à peine le grain de la toile. Derrière ces trois groupes principaux, bondit ou s'affaisse une foule de voluptueux et de bacchantes, | émouvés par Vénus et par le grand dieu que la mythologie païenne aurait dû marier avec elle. C'est une promiscuité insensée avec tous les degrés de la débauche antique, adroitement dissimulés dans l'ensemble... Mais comment décrire tous les épisodes de cette bacchanale? A droite, un jeune garçon qui, grimpé sur un piédestal et s'accrochant au bras inflexible de la statue de Brutus, offre au vieux Romain la coupe chancelante, et quelques têtes de femmes qui le regardent en souriant; à gauche une jeune fille, les bras crispés au-dessus de la tête, souvenir de la magnifique figure de l'Envie dans le Gouvernement de la reine par Rubens; et les vaincus de l'orgie, emportés par des esclaves, et les faibles qui s'endorment sur les vases renversés, et les physionomies qui éclatent ou qui s'assombrissent, et les couronnes de feuillages et de roses qui s'entremêlent aux chevelures dénouées ou qui serpentent sur des poitrines inondées de soleil, et l'éclat des étoffes et des bijoux, et la tournure variée des personnages, et l'abondance de la couleur... Le tableau de M. Couture est aussi remarquable par l'ordonnance et la pensée que par la splendeur de l'exécution. » | La postéritité n'a pas suivi ce jugement enthousiaste. L'art de la peinture a pris une tout autre direction que celle où se trouvait Couture lorsqu'il peignit ce tableau, et l'appréciation se ressentit vite de l'évolution accomplie. Couture, célèbre du jour au lendemain, ne retrouva jamais pareil succès. Détails de l'Orgie romaine. | |