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Les
Tortues
Chéloniens, Testudinés |
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Les Tortues
se caractérisent par un ensemble de particularités qui les
fait reconnaître de prime abord, et les différencie nettement
tout autant des autres Reptiles que de l'ensemble
des Vertébrés. Le cuirasse rigide
servant à protéger les parties molles du corps porte le nom
de carapace et se divise en deux parties, la supérieure ou bouclier
et l'inférieure ou plastron. Cette carapace le plus généralement
est recouverte de plaques écailleuses; ces plaques sont à
peu près disposées de la même façon chez toutes
les formes, mais leurs rapports entre elles diffèrent considérablement
suivant les groupes et constituent d'excellents caractères pour
la différenciation.
Les Tortues forment un ordre de la classe
des Sauropsides qui, outre les oiseaux,
regroupe les divers ordres de Reptiles : Serpents,
Lézards,
Crocodiliens,
Dinosaures,
etc. Formant avec quelques Reptiles fossiles
la sous-classe des Anapsides (c'est-à-dire avec un crâne sans
fosse temporale), elles appartiennent cependant à une lignée
aux caractères très archaïques, et distincte des ordres
que l'on vient de citer et qui sont tous rangés dans la sous-classe
des Diapsides.
La vie privée des tortues. Source : Photos8.com. Le nom de Testudo (du latin testa = têt, écaille, carapace), employé par Linné pour désigner le premier genre de son ordre des Reptiles, a été adopté par tous les zoologistes; seulement AI. Brongniart, voulant préciser davantage, a emprunté à Aristote le mot chelôné = tortue, dont il a fait le nom de Chéloniens, donné par lui au premier ordre des Reptiles. Aujourd'hui les deux noms Tortues et Chéloniens ou Testudinés sont devenus synonymes. Les deux premiers termes étaient déjà adoptés indifféremment par Cuvier, Duméril et Bibron, etc. Anatomie et physiologie.
Nous donnons la nomenclature de la carapace
ainsi que la disposition typique. La région supérieure ou
bouclier comprend : une écaille ou plaque nuchale n; le plus ordinairement
cinq plaques vertébrales v ; quatre, très rarement cinq plaques
costales c; vingt-trois à vingt-cinq plaques marginales m; et une
plaque suscaudale. Le plastron ou partie inférieure se divise
en plaques gulaires au nombre généralement de deux g; les
humérales h; les pectorales p; les abdominales a; les fémorales
f; les axillaires x; et les anales o.
Carapace ( bouclier à gauche) et plastron de Tortue. Tous les os de la tête, chez les Tortues, sont intimement unis les uns aux autres et complètement immobiles. Cette tête est remarquable par la brièveté de la face, elle présente en arrière une crête occipitale très développée. Les os de la mâchoire inférieure sont confondus en un os unique. Les dents font complètement défaut; en revanche les bords des mâchoires sont recouverts de lames cornées tranchantes et parfois dentelées. La colonne vertébrale peut être divisée en trois parties, les parties cervicale et caudale, mobiles et la partie intermédiaire entre les deux précédentes soudée à la carapace et complètement immobile, la disposition des vertèbres cervicales surtout varie suivant les groupes. Le système nerveux cérébro-spinal des Tortues est peu important. Leur crâne est si petit, dit Sauvage, que chez des animaux pesant jusqu'à 14 kg., le poids du cerveau s'élève à peine à 4 g; chez ces animaux, l'activité psychique est tout à fait rudimentaire, tandis que les fonctions de la vie végétative sont largement développées. Il n'existe chez les Tortues ni voile
du palais ni épiglotte; l'oesophage,
plus ou moins long, est hérissé à sa partie interne,
notamment chez les Tortues de mer, de longues pointes cartilagineuses,
dirigées vers l'estomac; l'intestin
très long présente de nombreuses circonvolutions, le foie
est volumineux, la vessie urinaire très
développée. Ce sont de tous les Reptiles
proprement dits ceux dont la division du travail physiologique et la localisation
des différentes fonctions est portée à son minimum.
Aussi leur vitalité est-elle excessive. On en a vu décapités
se mouvoir pendant plusieurs semaines.
Oesophage de Tortue de mer. Les Tortues sont ovipares; elles pondent des oeufs revêtus d'une coque dure dans la majorité des cas, qu'elles déposent d'ordinaire dans les trous, ou qu'elles enfouissent dans le sable. Ces oeufs ressemblent assez à ceux des oiseaux, ils sont constamment blancs ou jaunâtres. Ils se distinguent en outre de ceux des oiseaux en ce que l'albumen ne se coagule pas; leur forme est sphérique chez les types terrestres et marins, ovoïdes chez ceux des fleuves et des marais. Nourriture et
habitat.
Matamata (Chelys fimbriata). Le genre de vie de ces animaux varie beaucoup et coïncide avec des différences dans leur conformation, suivant qu'elles sont marines, fluviales, paludines ou terrestres. Selon leur mode de vie on peut ainsi distinguer quatre types de Tortues, qui autrefois servaient aussi à définir les subdivisions (entre parenthèses) de ce groupe d'animaux : Tortues marines (Thalassites). -
Ni la tête ni les membres ne peuvent rentrer dans la carapace;
les pattes ont la forme de rames natatoires, les
antérieures beaucoup plus longues que les postérieures. Elles
ne quittent les eaux marines qu'à l'époque de la ponte
pour venir déposer leurs oeufs à terre,
où elles les enfouissent dans des trous qu'elles creusent sur le
rivage. Elles retournent ensuite à la mer, ou se rendent également
les jeunes aussitôt après l'éclosion. Une Tortue pond
jusqu'à 100 oeufs blancs sphériques ayant, dans les grandes
espèces, de 6 à 8 centimètres de diamètre;
c'est le Soleil qui se charge de l'incubation
(15 à 20 jours). Les Tortues marines vivent en bandes dans les mers
des pays chauds (Antilles, Cuba,
golfe
du Mexique, océan Indien). Elles
se nourrissent de végétaux marins,
de crustacés, de mollusques.
On en trouve de fort grandes espèces. Ainsi la Tortue franche de
l'océan Atlantique atteint 2,30
m de long, 1,30 m de large, et un poids de 500 kilos; exceptionnellement
on en trouve de plus grandes; le Caret de l'Océan Indien est moins
grand.
Chelonia imbricata. Tortues fluviales (Potamides). -
La carapace et le plastron sont incomplètement ossifiés
et recouverts d'une peau dépourvue de lames, cornées (Tortues
molles); la tête et le cou ne sont pas rétractiles. Les pattes
portent des doigts libres et mobiles, mais unis
par une membrane natatoire. Ces Tortues habitent les grands fleuves de
l'Afrique, de l'Inde et
de l'Amérique; vivent de mollusques,
de reptiles et de poissons.
Ce sont de véritables carnassiers; peuvent atteindre 1 mètre
de longueur; chair délicate et estimée.
Chelodina Maximiliani. Tortues paludines (Elodites). -
Les Pattes sont terminées par cinq doigts libres, mais plus ou moins
palmés; la carapace et le plastron sont entièrement ossifiés
et recouverts de plaques cornées. La tête et les membres peuvent
se cacher sous la carapace. Ce sont des tortues de petite taille; animaux
carnassiers, gloutons, sauvages; leur écaille n'est pas assez belle
pour être utilisée. L'Europe possède
plusieurs tortues de marais. Ainsi la cistule
est répandue dans les marais, et les étangs de Grèce,
d'Italie, d'Espagne, de Portugal, du midi de la France; elle se nourrit
de vers, de petits poissons, d'insectes,
de mollusques; sa carapace est très
foncée; longueur 25 à 30 centimètres.
Tortue géante terrestre. Tortues terrestres (Chersites). - La carapace est très bombée; elle est complètement ossifiée, ainsi que le plastron; la tête et les membres sont rétractiles; ceux-ci ont la forme de moignons. Ces Tortues se nourrissent de végétaux. Parfois de taille moyenne, mais ordinairement petites; elles vivent dans les bois et dans les lieux couverts d'une herbe abondante, surtout dans les régions chaudes. Creusent dans la terre des trous peu profonds où elles s'engourdissent pendant l'hiver. La plus grande espèce est la tortue éléphantine (Testudo elephantina) des îles du canal de Mozambique, qui atteint jusqu'à 1,30 de longueur. L'Europe renferme plusieurs tortues terrestres.
La tortue grecque (Grèce, Italie, Espagne, département des
Pyrénées-Orientales) a 25 à 30 centimètres
de longueur. La Tortue mauresque, à peu près de même
taille, est commune en Algérie. Aujourd'hui protégée,
on la trouve quelque fois dans les jardins, où elle contribue peut-être
à détruire les limaces et les insectes, mais en réalité
elle semble avoir surtout une grande préférence pour les
végétaux, et elle dévore en particulier les salades.
Une tortue des Galapagos. Source : The World Factbook. Paléontologie. Les Tortues ne sont pas connues dans les couches paléozoïques : les débris du vieux grès rouge d'Ecosse et du dévonien de Livonie, décrits sous le nom de Trionyx, doivent être rapportés à des Poissons 'Placodermes. Les traces de pas (Chelidnus) que l'on a décrites comme se rapportant à des Tortues ne présentent pas plus de certitude. C'est seulement au Trias supérieur (keuper) que l'on trouve des restes incontestables de ce type représentés par une Tortue d'eau douce (Pleurodires) constituant le genre Proganochelys. Au Rhétien se montrent des Tortues marines de la famille des Dermochelidae (Psephoderma). Ces Reptiles sont beaucoup plus nombreux au Jurassique supérieur (Plesiochelys, Craspedochelys). A côté de Pleurodires marines, on y trouve de vraies Cryptodires (Thalassemydae), et un type marin très remarquable des Chelydridae (Platychelys), présentant réunis les caractères des Cryptodires et des Pleurodires. Plusieurs de ces Tortues jurassiques ont des dimensions considérables (Eurysternum, Parachelys, Idiochelys, etc.). Il en est de même des Tortues de la période crétacée (Palaeochelys, Rhinochelys, Euclastes, etc.). Les vraies Tortues marines sont représentées en Europe par Chelone Hofmanni et Profosphargis. Le Crétacé supérieur de l'Amérique du Nord est encore plus riche en représentants de cet ordre : les Tortues marines sont représentées par Protostega, Lytoloma, Euclastes, etc.; les Tortues de fleuves et de marais par des types se rattachant aux Dermatemydae qui habitent encore actuellement les régions les plus chaudes d'Amérique (Adocus, Polythorax, Compsemys, Bothremys, etc.), et par le genre Trionyx encore vivant dans l'Amérique septentrionale. Les Tortues tertiaires diffèrent
peu de celles de la période précédente : le genre
Trionyx est surtout abondant à l'époque éocène,
sur les deux continents. Les Chelonidae sont plus rares, et les Tortues
molles sont représentées par Psephophorus. Les Chetonemydae
abondent dans l'argile de Londres et de la Belgique (Euclastes, Puppigerus),
et sont représentées en Amérique par Dermatemys, Baëna,
Notomorpha, etc. Les vraies Emydidae (Emys, Hybemys) se montrent à
la même époque sur les deux continents, et les Chelydridae
ont, en Europe, Aphodilemys, Pseudotrionzyx, en Amérique, Anostira.
Le genre vivant (de l'Amérique du Sud),
Podocnemys, se trouve dans l'Eocène d'Angleterre et de l'Inde, ce
qui indique à ce moment une plus vaste extension des Pleurodires.
En même temps se montre, dans l'Amérique du Nord, le plus
ancien représentant connu des Testudinata terrestres (Hadrianus).
Tortues éléphantines. A l'Oligocène, les Trionycidae sont très abondantes dans toute l'Europe, et l'on rencontre avec elles des Emydidae (Emys , Cistudo, etc.). Le genre Testudo se trouve dans le gypse marneux d'Aix. Au Miocène, en Europe, à côté des Trionyx fluviatiles et des tortues de marais (Emys, Cistudo, Chelydra, etc.), on trouve des Tortues terrestres plus nombreuses et souvent de grande taille, et des Tortues marines (Chelone, Psephophorus, Dermochelys), mais les Pleurodires, les Chelonemydae et les Dermatemydae, si communes à l'Eocène, ont complètement disparu, au moins en Europe. Le Pliocène de l'Inde (Siwaliks) est très riche en Tortues fossiles (Trionyx, Emys, Testudo, etc.). Près de ce dernier genre se place une gigantesque Tortue terrestre (Colossochelys), type complètement éteint; les autres espèces se rattachent aux genres encore vivants. Les Tortues du Pliocène du sud de l'Europe et de l'Amérique du Nord présentent également beaucoup d'affinité avec celles de la faune actuelle. Enfin, le genre australien Meiolania, bien que relativement moderne, est un type très aberrant et qui paraît devoir prendre place parmi les Chersidae, et les Pleurodires. La phylogénie des Chéloniens est assez difficile à établir. Le fait que les deux plus anciennes Tortues que l'on connaisse (Proganochelys et Psephoderma) appartiennent aux Pleurodires et aux Dermochelydae, c.-à-d. aux types les plus élevés en organisation, est des plus embarrassants et porterait à supposer que, dès cette époque, les principaux groupes des Chéloniens étaient déjà caractérisés. La comparaison avec les autres ordres de la classe des Reptiles ne donne de résultat que pour les Anomodontia. Il est certain que le crâne des Dicynodon, Oudenodon, Ptychognathus présente avec celui des Tortues des rapports morphologiques incontestables, et il est permis de suposer que ces deux ordres ont eu des ancêtres communs. Quant à l'ordre des Chéloniens considéré dans son ensemble, il présente une assez grande homogénéité pour qu'on puisse suivre, à peu de choses près, les modifications morphologiques, conséquences d'un genre de vie différent, qui ont amené les naturalistes à les diviser en groupes et en familles. Les formes à moeurs amphibies ont précédé celles à habitudes terrestres. (Rocher / E. Trouessart). |
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