| Aristote et les anciens rhéteurs entendaient par la topique (en grec topoï) l'art de trouver les arguments sur toute espèce de questions; c'est ce que dans la rhétorique on appelle les lieux communs. La topique grammaticale, distincte de la topique oratoire, traite de la place qu'il faut assigner aux mots et aux phrases. Cette matière occupait beaucoup les écrivains didactiques. Les ouvrages sur le sujet prenaient le nom de Topiques. Outre le traité ainsi intitulé de Cicéron et dont il sera question ici, on connaît également des Topiques (huit livres) que l'on doit à Aristote (L'Organon). Le traité traité oratoire de Cicéron a été composé l'an 709 de Rome. Trébatius Testa, jurisconsulte très éclairé et très versé dans l'interprétation des lois, était intimement lié avec Cicéron, qui, pendant la guerre des Gaules, l'avait recommandé à César. Ne comprenant pas suffisamment les règles d'Aristote, il pria Cicéron de les lui expliquer. La réponse de Cicéron fut le livre des Topiques, qu'il lui envoya de Rhégium, au bout de sept jours, avec une lettre dans laquelle il lui expliquait comment il l'avait composé. Privé de toute espèce de livres, même du traité d'Aristote, au milieu des embarras et de la fatigue d'un voyage par mer, au milieu des inquiétudes que lui inspiraient les menaces d'Antoine, prêt à recueillir par la violence l'héritage sanglant de César, Cicéron avait dû rédiger de mémoire toute la suite des préceptes aristotéliques, si nombreux, si subtils et si compliqués. L'abrégé, écrit à la hâte par l'orateur romain, ne présente guère qu'une analyse souvent superficielle des divisions et des subdivisions de la doctrine aristotélique. Il prouve du moins que Cicéron, dans les derniers temps de sa vie, était revenu à ces méthodes régulières, dont les rhéteurs grecs s'étaient servis pour instruire la jeunesse; il les avait abandonnées, dans sa maturité, pour écrire sur l'art oratoire avec autant de liberté que de génie; mais, parvenu à un âge avancé, ces méthodes lui parurent sans doute plus convenables à l'enseignement des principes élémentaires. Il fallait qu'il eût son Aristote bien présent à l'esprit pour le résumer si facilement avec si peu de ressources. Au lieu donc d'y relever quelques erreurs, quelques parties incomplètes, on doit admirer l'ordre et la précision qui règnent dans son ouvrage. Les détails d'un traité de ce genre sont trop multipliés pour qu'il soit possible de les faire connaître. Cicéron, après une courte préface, établit d'abord la grande division des lieux intrinsèques ou pris dans la sujet même et des lieux extrinsèques ou accessoires. Ensuite il développe avec plus d'étendue les premiers, c'est-à-dire la définition, les deux sortes de divisions, l'étymologie et les affinités, dont il donne les neuf espèces. Puis il explique les lieux extrinsèques, qu'il appelle en général témoignages. A la suite de ces règles, il nous apprend que les lieux des arguments peuvent varier suivant les questions ou sujets à traiter; il divise alors les sujets en thèses générales et en hypothèses ou thèses particulières; les premières se subdivisent en questions de théorie et questions de pratique, qui ont aussi leurs subdivisions, et les secondes en rois genres, judiciaire, délibératif, démonstratif. Il termine en enseignant les lieux convenables à chaque sujet. "Si vous lisez attentivement et plus d'une fois mes Topiques, écrivait Cicéron à Trébatius, je suis persuadé que de vous-même vous parviendrez à les entendre. Je me charge de vous y exercer, si nous nous rejoignons heureusement à Rome et si la république subsiste encore. " Il serait à désirer qu'il pût nous rendre le même service; car certains passages sont pour nous d'autant plus obscurs que, s'adressant à un jurisconsulte, l'auteur prend la plupart de ses exemples dans la jurisprudence romaine et y fait de nombreuses allusions. Le style des Topiques est moins fleuri que celui des autres ouvrages de Cicéron, bien qu'on y reconnaisse toujours la touche du maître. Boèce a commenté en sept livres les Topiques de Cicéron. (PL). | |