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La Princesse de Clèves
de Mme de La Fayette
La Princesse de Clèves est un roman de Mme de La Fayette, imprimé, sans nom d'auteur, en 1678 (Barbin, 4 parties).

Mme de La Fayette est la première qui, en France, ait traité avec succès le genre de roman fondé sur le développement de la passion, et, à cet égard, la Princesse de Clèves est un chef-d'oeuvre où, au sentiment de Laharpe, l'amour combattu par le devoir a été peint avec une grande délicatesse. Les noms de ce roman sont historiques, mais l'intrigue est toute d'imagination. En voici l'analyse :

Le prince de Clèves, second fils du duc de Nevers, se faisait remarquer par sa bonne mine et par son courage. Naturellement galant, il était l'objet des voeux des plus belles femmes de la cour. Mlle de Chartres parut alors et réunit tous les suffrages. Le prince de Clèves en devint amoureux et l'épousa. Il possédait donc la plus belle femme de la cour, mais il n'était pas entièrement satisfait; il ne trouvait dans son épouse que de la douceur et de la reconnaissance, et ces sentiments ne paraissaient pas répondre au violent amour qu'il avait pour elle. 

Le sort lui réservait un rival dangereux dans le duc de Nemours. Sa vue fit sur Mme de Clèves une impression si vive et si prompte, qu'elle en perdit le repos et la joie. Comme son devoir condamnait cette passion, elle prit le parti de fuir le péril, de peur d'y succomber, et obtint de son mari qu'il la menât à la campagne. L'état de son âme ne put cependant échapper au prince de Clèves, qui parvint à lui arracher l'aveu de sa passion, mais sans pouvoir jamais lui faire nommer celui qu'elle aimait. 
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Mademoiselle de Chartres

« Il parut alors une beauté à la cour qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame de Chartres, et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune et l'avait laissée sous la conduite de Mme de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l'éducation de sa fille; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté; elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable... Elle lui faisait voir quelle tranquillité suivait la vie d'une honnête femme, et combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance...

Cette héritière était alors un des grands partis qu'il y eût en France, et, quoiqu'elle fût dans une extrême jeunesse, l'on avait déjà proposé plusieurs mariages. Mme de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille : la voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la cour. Lorsqu'elle arriva, le vidame alla au-devant d'elle; il fut surpris de la grande beauté de Mlle de Chartres, et il en fut surpris avec raison. La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat que l'on n'a jamais vu qu'à elle; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa personne étaient pleins de grâces et de charmes... »
 

(Mme de La Fayette, extrait de la Princesse de Clèves).

C'est cette situation pénible entre deux époux que Mme de La Fayette a su analyser avec une merveilleuse délicatesse. Le prince de Clèves, qui aimait passionnément sa femme, mais dont la jalousie était sans cesse désarmée par le respect que lui inspirait sa vertu, finit par tomber dans une tristesse qui le conduisit au tombeau. Les dernières paroles qu'il adressa en mourant à la princesse furent celles-ci :

"Ce me sera toujours un soulagement d'emporter la pensée que vous êtes digne de l'estime que j'ai eue pour vous. Je vous prie que je puisse encore avoir la consolation de croire que ma mémoire vous sera chère et que, sil eût dépendu de vous, vous eussiez ou pour moi les sentiments que vous avez pour un autre."
La princesse de Clèves, pénétrée de la plus vive douleur, se retira dans une maison religieuse, où elle passa le peu de temps qu'elle vécut après ce triste événement. 

Ce roman renferme en outre deux épisodes fort remarquables, dont l'un regarde la duchesse de Valentinois, autrement dite Diane de Poitiers, maîtresse de Henri II, et l'autre Anne de Boleyn, maîtresse, puis femme du roi d'Angleterre Henri VIII.

Jamais, dit Labarpe (Cours de littérature), l'amour combattu par le devoir n'a été peint avec plus de délicatesse; il n'a été donné qu'à une autre femme de peindre, un siècle après, avec un succès égal, l'amour luttant contre les obstacles et la vertu. Le
Comte de Comminges, de Mme de Tenein, peut être regardé comme le pendant de la Princesse de Clèves."
La Princesse de Clèves fut vivement discutée à son apparition la scène de l'aveu surtout souleva de vives controverses Bussy alla jusqu'à la déclarer extravagante. De nos jours, nous y voyons, au contraire, l'originale beauté de ce roman, si délicat, si tendre, si naturel, d'une fière et triste moralité. Ce récit, où Mme de La Fayette a mis quelque chose du mystère de sa vie, dépasse de beaucoup les autres romans du XVIIe siècle : par la forme si classique et si pure, il est une vraie tragédie en prose. 
"Dans la Princesse de Clèves, dit  Demogeot, l'auteur raconte son coeur, sinon sa vie; et la vérité des sentiments donne un charme puissant à toutes ses peintures. Comme les lettres de son amie, cette histoire est encore une image de la cour de Louis XIV. La duchesse de Valentinois est Mme de Montespan; Marie Stuart cache la duchesse d'Orléans; le prince de Clèves n'est autre que M. de La Fayette; La Rochefoucauld s'y montre sous le duc de Nemours... Mme de La Fayette a conservé fidèlement une vérité plus précieuse que celle du costume, l'éternelle véraité du sentiment et de la passion. "
Telle est encore l'opinion de Géruzez :
"Dans la Princesse de Clèves, la fiction et la vérité se lient si étroitement et si heureusement, que la fiction prête de l'intérêt à la vérité et que la vérité donne de la vraisem blance à la fiction. Evidemment, l'auteur est l'héroïne de ses propres récits; on voit seulement qu'elle a transporté dans le passé, mais sur un théâtre analogue, les événements de sa vie; en effet, pour peu qu'on y réfléchisse, on retrouve facilement la cour de Louis XIV dans celle de Henri Il; c'est la même grâce et la même corruption polie [...]. Comme oeuvre littéraire, la Princesse de Clèves était plus qu'une nouveauté, c'était presque une révolution. Le roman cessait par là d'être le mensonge de l'histoire et de la passion; il entrait enfin dans la vérité, il humanisait dans ses peintures et dans ses proportions, L'histoire n'est plus qu'un cadre où la passion se développe; les événements réels qui se mêlent à la fiction ne sont pas altérés dans leur essence ni dénaturés dans leurs principes. Dans ce charmant ouvrage, qui reste un modèle, l'action commence aux dernières années du règne de Henri Il et se prolonge sous celui de François II. L'intrigue se lie habilement aux principaux faits historiques, sans nuire à leur enchaînement. C'est déjà le procédé de Walter Scott."
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Dictionnaire Le monde des textes
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