| Palimpseste. - On désigne sous ce nom les documents écrits sous l'écriture desquels on aperçoit des vestiges d'une écriture plus ancienne effacée pour faire place à l'écriture nouvelle. Il y a des inscriptions palimpsestes, entre les caractères desquelles on perçoit les vestiges de plus anciens caractères martelés; il y a des monnaies palimpsestes, refrappées en surcharge : beaucoup de monnaies de Sicile ont été refrappées dans les diverses colonies de la Grande-Grèce (L'Italie antique). Mais le terme palimpseste s'est surtout appliqué aux manuscrits. Dès l'Antiquité, on effaçait l'écriture de papyrus pour les récrire. A Trébatius qui lui avait écrit sur un papyrus gratté, Cicéron répondait : « J'espère que vous ne grattez pas mes lettres pour récrire les vôtres par-dessus ». Le procédé pour récrire les papyrus consistait, soit à se servir de vieux papyrus écrits en les doublant de nouvelles couches de papyrus pour confectionner ainsi de nouvelles feuilles, soit à effacer l'écriture pour les récrire de nouveau. Il existe aux Archives nationales plusieurs documents palimpsestes sur papyrus; ce sont, en général, de faux diplômes fabriqués à une époque où le papyrus était devenu rare, et pour lesquels on a utilisé d'anciens titres que l'on considérait comme dépourvus de valeur. Mais la plupart des palimpsestes sont sur parchemin. Cette matière ayant toujours été rare et chère, les copistes se sont souvent servis d'anciens manuscrits pour en refaire de nouveaux. L'ancienne écriture était poncée et lavée, les feuilles souvent recoupées pour changer le format du volume. Un grand nombre de copies des oeuvres de l'Antiquité grecque et latine ont été ainsi détruites. On ne saurait dire toutefois avec Michelet qu'il y eut là une Saint-Barthélemy préméditée des chefs-d'oeuvre de l'Antiquité au profit de la littérature ecclésiastique, car on trouve des palimpsestes on des textes classiques ont été récrits sur des textes ecclésiastiques; un synode de 691 dut même interdire de gratter les textes de la Bible et des Pères. Il faut ajouter de plus, que la plupart des manuscrits que l'on sacrifiait ainsi étaient déjà endommagés, et que ces textes, qui seraient aujourd'hui si précieux, étaient considérés comme pouvant être mis au rebut. II n'est pas douteux toutefois que nous ne devions à cette funeste coutume la perte de beaucoup de bonnes copies et d'un certain nombre d'oeuvres. Naturellement on a fait effort, depuis la Renaissance, pour utiliser les manuscrits ainsi récrits, et y retrouver le texte primitif. Le déchiffrement des palimpsestes a souvent donné de bons résultats et a fourni une bonne contribution à la philologie classique. Malheureusement, nombre d'érudits se sont imprudemment et maladroitement servis de réactifs chimiques pour faire revivre l'ancienne écriture, et ils ont certainement détruit ainsi plus de manuscrits que les copistes du Moyen âge. Tantôt ils ont employé l'acide gallique qui colore le parchemin en brun jaune, ou même, lorsqu'ont l'emploie solution trop concentrée, en brun foncé ou même en noir. Un grand nombre de palimpsestes italiens, notamment de Vérone, de Milan et de la Bibliothèque Vaticane, sont ainsi barbouillés de brun et de noir, au point d'être devenus illisibles. En France, on a plus souvent traité les palimpsestes, et non moins malencontreusement par la teinture de Gioberti qui en a coloré les feuillets en bleu plus ou moins foncé. Le malheur est surtout que l'action corrosive de ces acides continue à agir et achève de détruire peu à peu les manuscrits sur lesquels on les a appliqués. La situation s'est améliorée quand on a commencé à utiliser le sulfhydrate d'ammoniaque. Il a le très grand avantage de ne laisser aucune trace et le seul inconvénient de ne revivifier les écritures que pour un temps. Les principaux textes que les palimpsestes nous ont conservés sont des fragments de la Bible d'Ulphilas (Le Manuscrit d'Argent), à la bibliothèque de Wolfenbüttel; la République de Cicéron et des fragments de ses discours ainsi que des morceaux de Tite-Live, à la Vaticane; les Institutes de Gaius, à Vérone; des fragments d'Euripide et Granius Licinianus, au British museum; un très ancien texte de Plaute, à Milan; des fragments de Tite-Live, à Vérone; un Strabon, à Grotta-Ferrata, etc. | |