| Dans l'histoire de la littérature française, on a donné le nom de moralités à des poèmes composés généralement par des prêtres ou des moines pendant le XIIe et le XIIIe siècle, dans un but religieux et moral, pour les opposer aux fabliaux, que l'on jugeait trop enclins à l'incrédulité ou au libertinage. Tels sont les Moralités des philosophes par Atars de Cambrai, les Enseignements d'Aristote par Pierre de Vernon, le Débat du corps et de l'âme (Ancien Théâtre-Français, Paris, t. III), le Dialogue de Pierre de la Broche, qui dispute à la Fortune par devant Reson (Théâtre-Français au moyen âge par Monmerqué et Francisque Michel,1830). Dans ces compositions, le dialogue se mêla de bonne heure au récit, et, lorsqu'au XIVe siècle le goût de l'allégorie devint général, on eut naturellement l'idée de transformer en personnages de théâtre les passions, les vertus et les vices. Les moralités devinrent alors des oeuvres scéniques, conservant ce trait de leur ancien caractère, qu'elles étaient fort courtes (1000 à 1200 vers), et simples par le sujet comme par le nombre des acteurs. La représentation des mystères étant le privilège exclusif des Confrères de la Passion, les clercs de la Basoche se mirent à jouer les moralités. Ces pièces exprimèrent d'abord des idées religieuses à l'aide de personnages abstraits et allégoriques, et eurent pour fonds commun le tableau des épreuves de l'âme et de son acheminement vers le salut ou vers sa perte; puis, tout en conservant l'usage de la leçon morale, on alla prendre des personnages réels dans les paraboles de l'Evangile, et l'on représenta, par exemple, la parabole de l'Enfant prodigue, ou l'histoire du Mauvais Riche. En faisant un pas de plus, on emprunta des noms et des sujets à l'Ancien et au Nouveau Testament, et la moralité se rapprocha du mystère. Enfin, on prit dans da vie réelle l'action qu'on avait jusque-là demandée surtout à la tradition religieuse; la moralité fut de plus en plus humaine et familière, et l'élément comique s'y mêla souvent à la pensée sérieuse. Au milieu de ces transformations, les pièces reçurent des développements plus considérables et exigèrent un plus grand nombre d'acteurs. Les moralités restèrent en faveur jusqu'au temps de François Ier; alors la censure mit un juste frein à leurs hardiesses satiriques, et la Renaissance acheva de les faire tomber. (B.). | |