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La Métaphysique
est un ouvrage d'Aristote, dont le titre vient
de ce que, dans un classement ancien des oeuvres du maître, il classé
sous le titre de Ta meta ta physika, ce qui vient après ou ce qui
est au-dessus de la Physique .
C'est un monument de la pensée, dont l'importance en philosophie
n'est comparable qu'à celle des poèmes d'Homère
ou d'Eschyle dans la littérature.
Cet ouvrage est-il authentique? C'est une
grosse question qui, posée au Moyen âge par Pic
de La Mirandole, n'a été résolue qu'au XIXe
siècle, par les travaux successifs de Schneider, de Brandis, de Star et
de F. Ravaisson. Aujourd'hui, grâce à ces
éminents critiques, on peut suivre, l'histoire en main, la Métaphysique
d'Aristote dans ses pérégrinations chez les Grecs
et chez les Arabes, d'où elle nous
vint au Moyen âge. Il n'est plus possible
maintenant de contester l'authenticité de cet ouvrage, mais la question
d'intégrité est plus difficile à vider.
On écrirait des volumes entiers sur l'histoire
de cette Métaphysique. On sait que le texte nous est arrivé entouré
d'obscurités impénétrables. Il est probable qu'il y a des lacunes nombreuses
dans la Métaphysique, et l'on ne sait trop dans quel ordre ranger
les différents livres qui la composent. La question est difficile à résoudre.
Toutefois, en se fondant sur l'ordre logique, Ravaisson a donné des douze
livres principaux une classification naturelle, qui n'a que peu évolué
depuis (V. plus bas)..
Dans ce texte, Aristote commence par exposer,
en les critiquant, les diverses doctrines philosophiques de Thalès
jusqu'Ã Platon. Il montre qu'elles ont eu le
tort de considérer comme les seules causes des
êtres celles qui rentrent sous la raison de la matière.
Or la matière sans doute est nécessaire, mais inconcevable en tant que
séparée de toute forme. La forme constitue l'essence
des êtres de ce monde. La forme par rapport Ã
la matière est un bien, une perfection; elle est le terme et la cause
de son mouvement. Au sommet de l'échelle des êtres, par delà le monde
sensible, il y a la forme sans matière, l'acte
pur,
Dieu. C'est cet acte parfait qui est le principe
du mouvement universel par lequel tout l'univers aspire vers une réalité
plus haute. Cette, cause première, cet acte pur,
c'est la pensée occupée d'elle-même et d'elle
seule qui ne connaît pas le monde, mais
qui meut tous les êtres de la nature par le désir
qu'elle suscite en eux. Ce premier moteur est
lui-même immobile. S'il était en mouvement, ce serait pour réaliser
ses puissances, pour passer à une perfection plus haute sous l'attraction
d'un bien supérieur.
Il ne faut pas s'étonner qu'un semblable
monument ait traversé les âges en excitant une admiration universelle.
Il faut encore moins s'étonner qu'il ait fallu des siècles pour embrasser
et pour recueillir dans son ensemble la pensée d'Aristote. Nous ne saurions
entreprendre d'en apprécier en quelques mots les caractères et la portée.
Cette grande ébauche de philosophie première repose sur l'empirisme particulier
d'Aristote,
empirisme profond et savant qui
n'exclut pas l'idée de l'absolu, mais qui ne l'admet qu'après l'avoir
contrôlée et analysée. Le monde est conçu comme une immense échelle
d'êtres aspirant au mieux, comme dit Aristote, par une lente et instinctive
évolution qui les fait remonter de progrès en progrès vers l'être absolu,
vers l'acte pur, vers la perfection. Cette théorie,
on le voit, s'accorde admirablement avec toutes les autres parties de la
pensée du Stagirite.
Résumé de la Métaphysique
Dans cette page, nous avons retenu l'ordre
et la composition adoptés par J. Tricot dans sa traduction de la Métaphysique
(Librairie philosophique J. Vrin, 1974). Cette édition distingue à la
suite du Livre A une treizième composante, le Petit-premier livre
des scholiastes grecs ou Livre .,
puis une quatorzième composante, le Livre
qui est un lexique et est placé à la suite du Livre B.
"K répète,
dans sa première partie B, Gamma, E, et, dans sa seconde partie, constitue
une compilation de la Physique. [...] Lambda est le livre central;
il est essentiellement dogmatique et c'est le seul qui traite
ex professo
de l'Etre. [...] A, B, Gamma, Z, H, Thêta, I, M, N forment ainsi un travail
à peu près continu, dépendent étroitement de B, où les problèmes
traités sont posés, et préparent Lambda". (J. Tricot).
Livre A.
Tous les hommes, dit Aristote au début
de la Métaphysique, ont un désir naturel de connaître. Les animaux
ont la sensation, l'homme seul a l'art et le
raisonnement.
La mémoire lui donne l'expérience, l'expérience
lui donne la science. Cette science ou sagesse, supérieure à l'utilité,
a pour objet des principes, des causes. Selon
opinion générale, le sage est celui qui suit le comment et le pourquoi
des choses. Le comment et le pourquoi sont donc les objets que recherche
la science. Elle veut connaître :
1° l'essence,
ce que chaque chose est selon l'être;
2° la matière,
le sujet;
3° la cause du mouvement;
4° la fin, le bien, qui est l'opposé
de la cause du mouvement.
La plupart des premiers philosophes ont considéré
comme les seules causes des êtres celles qui rentrent sous la raison de
la matière. Et, à ce propos, Aristote fait un rapide historique
de la philosophie, depuis Thalès jusqu'Ã
Platon,
faisant voir en chemin comment les causes formelle, motrice et finale s'ajoutent
successivement à la cause matérielle, qu'avaient seule entrevue les premiers
philosophes, et il établit que, si ses devanciers ont parlé des quatre
principes, ils en ont parlé d'une manière obscure et en quelque sorte
enfantine. Il suit de là que l'oeuvre est à refaire. Aristote l'entreprend
dans les livres suivants.
Livre
Aristote examine
les idées que l'on se fait habituellement du sage ou philosophe et définit
la philosophie en lui assignant comme but
particulier la connaissance des généralités;
elle est la science des principes premiers et universels; ce n'est pas
une science pratique, d'une utilité, immédiate; elle est la dernière
qui paraisse entre toutes les autres; elle cherche à savoir uniquement
pour connaître la vérité.
Reste que le vrai
est difficile à découvrir : le progrès s'obtient
par le concours des efforts réunis; la splendeur
même des phénomènes éblouit notre esprit; reconnaissance due à tous
ceux qui cultivent la science; chacun a son utilité particulière; la
philosophie est la science spéculative de la vérité ; elle est la plus
vraie de toutes les sciences, parce que c'est par elle que les autres peuvent
être vraies.
Le philosophe de
Stagire pointe ensuite la nécessité absolue d'un premier principe en
toutes choses; il affirme l'impossibilité d'une série infinie sous le
rapport de la matière, du mouvement, du but final et de l'essence; puis
il souligne le double sens de l'idée de génération; simple succession
dans le temps et les conséquences fâcheuses de la doctrine qui admet
la série infinie des causes.
Enfin sont abordés
la méthode à suivre en philosophie et dles
divers modes d'exposition; on ne doit pas confondre la science et la méthode
qu'on y applique; méthode propre à l'étude de la nature.
Livre B.
Avant d'entrer dans une recherche scientifique,
il faut discuter tous les problèmes qu'elle pourra présenter. Celui qui
entreprend l'étude des premiers principes peut et doit, au préalable,
se poser dix-sept questions :
1° Est-ce à une seule science
ou à plusieurs qu'appartient la considération de toutes les causes?
2° Est-ce une même science qui considère
toutes les essences?
3° La science des essences est-elle aussi
celle des accidents?
4° Existe-t-il, outre les êtres qui tombent
sous les sens, d'autres êtres encore, comme ce que Platon appelle les
idées
et les êtres intermédiaires, objets des sciences mathématiques?
5° Peut-on admettre des êtres intermédiaires
entre les objets sensibles et les idées de ces objets?
6° Faut-il considérer les genres comme
des éléments et des principes?
7° Les principes
seront-ils les premiers genres ou les plus rapprochés des individus?
8° Le principe est essentiellement indépendant
et séparé, et les genres sont plus indépendants
des individus que des espèces, puisqu'ils
s'affirment d'un plus grand nombre.
9° Existe-t-il, outre les individus,
des genres et des espèces?
10° S'il faut une matière
non engendrée, l'essence est nécessaire Ã
plus forte raison.
11° Les principes sont-ils seulement semblables,
ou bien chacun d'eux est-il un en nombre?
12° Les principes des choses périssables
et ceux des choses impérissables sont-ils les mêmes?
13° Si l'on reconnaît la différence
des principes, assignera-t-on aux choses périssables des principes périssables
eux-mêmes?
14° L'être et
l'un sont-ils les essences des êtres, et sont-ils identiques, ou ne sont-ce
que des accidents?
15° Si l'être et l'un sont identiques,
il n'y aura rien autre chose, et il faudra dire avec Parménide
: tout est un, et l'un est l'être.
16° Les nombres, les solides, les surfaces
et les points sont-ils ou ne sont-ils pas des essences?
17° Pourquoi suppose-t-on, outre les réalités
sensibles et les choses mathématiques, des essences telles que les idées?
Le problème fondamental est donc celui de
la nature de l'essence, et toutes ces questions viennent aboutir à celle-ci
: Est-ce dans l'individualité ou dans la généralité qu'il faut chercher
le principe de l'être?
Livre
Il y a une science qui considère l'être
en tant qu'être et ses propriétés essentielles. Aucune des autres sciences
ne considère l'être en tant qu'être, mais seulement
une espèce de l'être et de ses accidents.
La science qui étudie l'être en soi est la plus haute des sciences. L'être,
il est vrai, se dit de plusieurs choses; mais c'est toujours relativement
à un même principe.
-
L'être en
tant qu'être
"L'être se prend
en plusieurs acceptions, mais c'est toujours relativement à un terme unique,
à une seule nature déterminée. Ce n'est pas une simple homonymie, mais
de même que tout ce qui est sain se rapporte à la santé, telle chose
parce qu'elle la conserve, telle autre parce qu'elle la produit, telle
autre parce qu'elle est le signe de la santé, telle autre enfin parce
qu'elle est capable de la recevoir; de même encore que le médical a trait
à la médecine, et se dit, ou de ce qui possède l'art de la médecine,
ou de ce qui y est naturellement propre, ou enfin de ce qui est l'oeuvre
de la médecine, et nous pouvons prendre encore d'autres exemples semblables
: de même aussi, l'être se prend en de multiples acceptions, mais, en
chaque acception, toute
dénomination se
fait par rapport à un principe unique. Telles choses, en effet, sont dites
des êtres parce qu'elles sont des substances, telles autres parce qu'elles
sont des déterminations de la substance, telles autres parce qu'elles
sont un acheminement vers la substance, ou, au contraire, des corruptions
de la substance, ou parce qu'elles sont des privations, ou des qualités
de la substance, ou bien parc qu'elles sont des causes efficientes ou génératrices,
soit d'une substance, soit de ce qui est nommé relativement à une substance,
ou enfin parce qu'elles sont des négations de quelqu'une des qualités
d'une substance, ou des négations de la substance même; c'est pourquoi
nous disons que même le non-être est : il est non-être. Et de même
donc que de tout ce qui est sain, il n'y a qu'une seule science, ainsi
en est-il aussi pour les autres cas. Non seulement, en effet, l'étude
des choses ayant communauté de notion relève d'une seule science, mais
encore l'étude des choses simplement relatives à une seule et même nature,
car même ces choses-là ont, en quelque manière, communauté de notion.
Il est donc évident qu'il appartient aussi à une seule science d'étudier
tous les êtres en tant qu'êtres. Or, la science a toujours pour objet
propre ce qui est premier, ce dont toutes les autres choses dépendent,
et en raison de quoi elles sont désignées. Si donc c'est la substance,
c'est des substances que le philosophe devra appréhender les principes
et les causes.
Mais, pour chaque
genre, de même qu'il n'y a qu'une seule sensation, ainsi il n'y a qu'une
seule science, comme, par exemple, une science unique, la grammaire, étudie
tous les sons articulés. C'est pourquoi une science génériquement une
traitera de toutes les espèces de l'être en tant qu'être, et ses divisions
spécifiques, des différentes espèces de l'être".
(Aristote,
Métaphysique.,
Gamma, 2, 1003 a 33 - b 22;
trad.
J Tricot, cet extrait et les suivants).
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La science de l'être et de ses propriétés
essentielles est aussi la science de ce que les mathématiciens nomment
axiomes;
car les axiomes se rapportent à l'être même; ils en dominent les espèces.
Le plus ferme principe de la science est celui-ci : Une chose ne peut pas
dire à la fois et ne pas être dans le même sujet et sous le même rapport.
De ce principe dérivent immédiatement deux conséquences importantes
:
1° les contraires ne peuvent
coexister dans un même sujet;
2° il n'y a pas de milieu entre les deux
contradictoires, car dire vrai, c'est dire que ce qui est est, et que ce
qui n'est pas n'est pas.
Livre .
Ce livre propose un simple lexique qui
pourrait aussi être placé en tête à titre d'introduction. Les notions
définies sont les suivantes : principe; cause; élément; nature; nécessaire;
Un; être, substance (ousia), même, autre, différent, semblable;
opposés, contraires, altérité
spécifique; antérieur et postérieur; puissance, impuissance; quantité;
qualité; le relatif; parfait; limite; en quoi, par quoi, pourquoi; disposition;
état, manière d'être; affection; privation; avoir; provenir de; partie;
tout, tronqué; genre; faux; accident.
Livre
E.
Ce que nous cherchons, ce sont les principes
des êtres en tant qu'êtres. Il est nécessaire de distinguer :
1° l'être en soi et l'être
par accident;
2° le vrai, auquel le faux s'oppose comme
le non-être;
3° l'être selon les catégories
: essence, qualité, quantité, lieu, relation,
etc.;
4° l'être en acte
et l'être en puissance. Il faut écarter l'accident, dont aucune science
ne s'occupe; puis le vrai et le faux, qui ne se trouvent que dans les propositions,
et ne sont pas par conséquent dans les choses, mais seulement dans la
pensée.
Livre Z.
L'être se dit de toutes les catégories;
mais avant tout, l'être c'est l'essence. L'essence est ce qui constitue
les individus, l'essence est le primitif dans l'ordre logique de la connaissance.
On donne au terme d'essence les quatre sens suivants :
1° la quiddité;
2° l'universel;
3° le genre, le principe de la génération,
du devenir;
4° le sujet.
Le sujet est ce dont on affirme tout et que
l'on n'affirme de rien; la quiddité, c'est tout ce qui est par soi-même,
elle est l'objjet propre de la définition.
Mais comment l'objet de la définition peut-il être un, puisqu'on y distingue
la genre et la différence?
"La définition,
dit Aristote, se compose essentiellement du genre et de la différence;
on obtient celle-ci en descendant, de différence en différence, jusqu'Ã
la dernière que l'on puisse apercevoir. Toutes les autres se joignent
au plus haut genre d'où l'on était parti; la dernière seule reste différence
et exprime l'essence de l'objet. Soit donc que le genre ne soit pas distinct
de ses espèces, soit qu'il joue ici le rôle de matière, c'est sur la
dernière différence que porte la définition , puisqu'elle cherche Ã
saisir l'essence de l'objet. "
Il est impossible qu'aucun universel soit
véritablement une essence, car l'essence particulière
de chaque objet lui est propre, et ne se trouve par conséquent dans aucun
autre; au contraire, l'universel est commun à plusieurs choses. Ainsi,
ni l'un ni l'être ne sont les essences des êtres, pas plus que l'élément
en général et le principe en général. L'essence n'est pas ce qui est
commun à plusieurs choses; ce n'est donc pas dans le général que nous
pouvons trouver cette essence qui est séparée des êtres sensibles.
Livre H.
Tous les objets sensibles ont de la matière,
sujet immuable de toutes les qualités et de
tous les changements. Or, la matière, c'est ce qui n'est rien de réel
en acte, mais seulement en puissance. La forme est quelque chose d'analogue
au nombre : le nombre contient des unités, comme la forme, dans la définition,
contient le genre et les différences; qu'on ajoute ou qu'on retranche
une unité, une différence, le nombre et la forme
périssent, car leur unité n'est pas une unité
de collection, ni une unité semblable à celle du point; c'est une unité
d'acte et de nature. voilà pourquoi la forme n'est susceptible ni de plus
ni de moins. Quant à la matière, chaque chose a sa matière propre. Ainsi,
le devenir ne consiste pas dans le passage d'un
contraire à un contraire, mais dans les alternatives de telle ou telle
opposition déterminée, relative à la nature de la matière prochaine.
Pour les choses physiques éternelles, c'est-à -dire peur les choses célestes,
elles n'ont pas de matière, ou du moins leur matière est inaltérable
et seulement mobile.
Livre .
Ce livre est consacré à l'explication
des idées de puissance et d'acte, sujet déjà traité dans la Physique .
L'acte n'est pas la même chose que la puissance.
Une chose est possible si elle peut passer Ã
l'acte dont elle renferme la possibilité en elle-même. Quant à l'acte,
c'est la réalisation, c'est la fin du mouvement et aussi le mouvement
lui-même.
"L'acte
ne se définit pas, dit Ravaisson, interprète fidèle de la pensée d'Aristote;
on ne peut tout définir, mais ou peut le concevoir par induction, en recueillant
des analogies. Ainsi, la faculté de voir diffère de la vision; la moitié
diffère du tout où elle est contenue en puissance; l'infini n'est pas,
et nous le concevons comme possible, quoiqu'il ne doive jamais se réaliser,
par exemple dans la divisibilité à l'infini. "
L'acte précède la puissance :
1° dans l'ordre logique, car
on ne conçoit la matière que par l'acte;
2° dans le temps,
d'une manière absolue, car si dans le même individu
la puissance est antérieure à l'acte, il faut toujours remonter à un
individu de même espèce, autre par conséquent selon le nombre et identique
selon la forme, qui préexiste en acte, et amène par le mouvement la puissance
à l'acte;
3° selon l'essence, car les choses ont
dans le devenir l'ordre inverse qu'elles ont dans l'être. Mais il y a
une raison plus haute encore pour l'antériorité de l'acte : les choses
éternelles sont antérieures par essence à celles qui commencent et finissent;
or, rien de ce qui admet de la puissance n'est éternel, parce que le possible
contient les opposés, et par conséquent de l'être et du non-être.-
Il convient
de distinguer la puissance de l'acte...
"Parlons de l'acte,
définissons ce qu'est l'acte, et quelle sorte de chose il est. Cette analyse
nous mettra en mesure de montrer en même temps avec clarté que puissant
ne s'entend pas seulement de ce qui a la propriété naturelle de mouvoir
une autre chose, ou d'être mû par une autre chose, soit mouvement proprement
dit, soit mouvement de telle sorte, mais qu'il présente encore un autre
sens, sens qui est l'objet véritable de la recherche au cours de laquelle
nous avons discuté aussi ces précédentes significations. - L'acte, donc,
est le fait pour une chose d'exister en réalité et non de la façon dont
nous disons qu'elle existe en puissance, quand nous disons, par exemple,
qu'Hermès est en puissance dans le bois, ou la demi-ligne dans la ligne
entière parce qu'elle en pourrait être tirée; ou quand nous appelons
savant en puissance celui qui même ne spécule pas, s'il a la faculté
de spéculer : eh bien! l'autre façon d'exister est l'existence en acte.
La notion d'acte que nous proposons peut être élucidée par l'induction,
à l'aide d'exemples particuliers, sans qu'on doive chercher à tout définir,
mais en se contentant d'apercevoir l'analogie : l'acte sera alors comme
l'être qui bâtit est à l'être qui a la faculté de bâtir, l'être
éveillé à l'être qui dort, l'être qui voit à celui qui a les yeux
fermés mais possède la vue, ce qui a été séparé de la matière Ã
la matière, ce qui est élaboré à ce qui n'est pas élaboré. Donnons
le nom d'acte au premier membre de ces diverses relations, l'autre membre,
c'est la puissance. Mais toutes les choses ne sont pas dites en acte de
la même manière, mais seulement par analogie, comme quand nous disons
: de même que telle chose est dans telle chose, ou relativement à cette
chose, telle autre chose est dans telle autre chose, ou relativement Ã
cette autre chose. En effet, l'acte est pris, tantôt comme le mouvement
relativement à la puissance, tantôt comme la substance relativement Ã
quelque matière". (Métaphysique, Thêta, 6, 1048
a 25 - b 9).
... et aussi l'acte
du mouvement
"L'infini, le vide,
et toutes les choses de ce genre, sont dites en puissance et en acte, mais
d'une autre manière que pour beaucoup d'autres êtres, tels que le voyant,
le marchant et le visible. Dans ces derniers cas, en effet, ces prédicats
peuvent, à certains moments, être aussi affirmés comme vrais, [en puissance
ou en acte], d'une façon absolue, car le visible, c'est tantôt ce qui
est vu, tantôt ce qui peut être vu. Par contre, l'infini n'est pas en
puissance en un sens tel qu'il doive ultérieurement exister en acte Ã
titre de réalité séparée; mais il est en puissance pour la connaissance
seulement : car c'est le fait que le processus de division ne fait jamais
défaut qui explique que cet acte n'existe pour l'infini qu'en puissance,
et qu'il n'existe pas à titre de réalité séparée.
Puisque aucune des
actions qui ont un terme n'est elle-même une fin, mais que toutes ont
rapport à une fin; qu'ainsi le fait de maigrir ou l'amaigrissement, et
les différentes parties du corps elles-mêmes quand on les rend maigres,
sont en mouvement de cette façon-là , c'est-à -dire que ces actes ne sont
pas ce en vue de quoi le mouvement s'effectue : il en résulte que, dans
tous ces cas, nous ne sommes pas en présence d'une action, ou, du moins,
d'une action achevée, car ce n'est pas une fin : seul le mouvement dans
lequel la fin est immanente est l'action. Par exemple, en même temps,
on voit et on a vu, on conçoit et on a conçu, on pense et on a pensé,
alors qu'on ne peut pas apprendre et avoir appris, ni guérir et avoir
été guéri. Mais on peut à la fois bien vivre et avoir bien vécu, goûter
le bonheur et avoir goûté le bonheur. Sans cela, ne faudrait-il pas qu'il
y eût arrêt à un moment donné, comme cela se produit pour l'amaigrissement?
Mais, en réalité, il n'y a pas de points d'arrêt : on vit et on a vécu.
Ces différents processus doivent être appelés, les uns, mouvements,
les autres, actes; car tout mouvement est imparfait, comme l'amaigrissement,
l'étude, la marche, la construction : ce sont là des mouvements, et certes
incomplets. On ne peut pas, en effet, en même temps, marcher et avoir
marché, bâtir et avoir bâti, devenir et être devenu, recevoir un mouvement
et l'avoir reçu; et mouvoir et avoir mû sont aussi des choses différentes.
Au contraire, on a vu et on voit en même temps, c'est une même chose,
et on pense et on a pensé. Un tel processus, je l'appelle un acte, et
l'autre, un mouvement." (Métaphysique, Thêta, 6,
1048 b 9-35). |
Livre I.
Qu'est-ce que l'un? D'abord c'est l'indivisible;
mais le caractère propre de l'un, c'est d'être la première mesure dans
chaque genre et, avant tout, la mesure de la quantité. Quant à la nature
même de l'un, on peut demander si c'est une essence réelle, comme l'ont
dit les Pythagoriciens et après eux Platon,
ou bien si ce n'est qu'un catégorème. Mais nous avons démontré qu'aucun
universel n'est une essence; l'un ne peut donc être qu'en un sujet.
L'un est-il le contraire du multiple, et l'égal le contraire du grand
et du petit? L'égal n'est le contraire ni du grand ni du petit pris séparément,
et il ne peut l'être de tous deux, car il est impossible qu'une même
chose ait deux contraires. De plus, l'égal paraît être un milieu entre
le grand et le petit. Or, le contraire n'est pas un milieu, mais un extrême,
une limite. L'égal n'est donc que la négation primitive du grand et du
petit; il est donc intermédiaire entre ces deux extrêmes.
Livre K.
Ce livre reproduit, avec quelques différences
de détail, des idées déjà exprimées par Aristote.
Recueillons seulement cette pensée, qui sera développés dans les trois
derniers livres, les plus importants de la Métaphysique :
" il semble
évident que la philosophie première est la science de l'universel, et
par conséquent de l'être et de l'unité. Mais l'être véritable n'est
pas l'universel; c'est quelque chose d'actuel et qui existe en soi. S'il
n'y avait pas un être éternel, séparé, immuable, comment y aurait-il
de l'ordre dans l'univers? "
Livre .
L'objet de notre spéculation, c'est l'essence;
il s'agit de savoir si l'essence est le particulier, ou si elle est l'universel.
Il y a trois sortes d'être : l'être sensible et corruptible; l'être
sensible et éternel; l'être éternel immobile; les deux premiers sont
l'objet de la physique; le troisième est l'objet
de la métaphysique. Il existe nécessairement
un être immobile. En effet, le mouvement est éternel comme le temps.
Or, pour le mouvement, il ne suffit pas d'un mobile, il faut un principe
moteur. L'essence de ce principe sera donc l'acte même, et par conséquent
il sera sans matière. Ce n'est donc pas la nuit, le chaos, la confusion
primitive, le non-être qui est le premier principe. Il faut que l'acte
soit éternel.
Or, il y a quelque chose qui se meut d'un
mouvement éternel et continu, c'est-à -dire circulaire; c'est le premier
ciel, qui est par conséquent éternel. Il y a donc aussi un éternel moteur;
il meut le monde sans se mouvoir, comme meut l'objet du désir et de la
volonté,
ce qui est la même chose dans le primitif et le suprême. Car l'objet
du désir et de la volonté, c'est ce que l'on
croit beau et bon; la pensée est donc le principe de ce mouvement; c'est
l'intelligible qui meut l'intelligence;
tout l'ordre du désirable est l'intelligence en soi, où se place au premier
rang l'essence, et avant toute autre encore l'essence simple et actuelle.
Le mobile pourrait être autrement qu'il
n'est, sinon selon l'essence, au moins selon le lieu. Mais le moteur immobile,
cause du premier de tous les mouvements et de tous les changements, ne
peut, puisqu'il est tout en acte, être autre qu'il n'est; il est nécessaire.
Cet être n'a pas de grandeur; il est simple et indivisible. En effet,
puisqu'il meut dans un temps infini, et qu'une
puissance infinie ne peut appartenir à un être fini, il ne pourrait avoir
une grandeur finie; et, d'un autre côté, une grandeur infinie est impossible.
Mais cet être est-il unique? S'il y avait plusieurs cieux, il pourrait
exister plusieurs moteurs; mais comme Il n'y a qu'un ciel, il n'y a qu'un
seul moteur. Si l'on ne reconnaît pas d'autres êtres que l'être physique
et perceptible par les sens, on remontera sans cesse à l'infini, sans
jamais atteindre à un premier principe.
Ce n'est pas dans les idées qu'on trouvera
le principe du mouvement, ni dans les nombres; ce n'est pas non plus dans
les contraires; car les contraires, c'est le possible, et comment le possible
passerait-il à l'acte? Comment rendra-t-on raison
de l'unité du nombre, de l'union de la forme et de la matière, de celle
de l'âme et du corps? Il
faut donc remonter avec nous au premier principe, au premier moteur. Que
si l'on pose comme primitif le nombre mathématique, on n'obtient encore
que des principes indépendants les uns des autres. Or, la cité du monde
ne veut pas d'anarchie; il n'est pas bon, comme
dit Homère, qu'il y ait plus d'un chef.
-
Les trois
espèces de substances
" C'est sur la substance
que porte notre spéculation, puisque les principes et les causes que nous
cherchons sont ceux des substances. Et, en effet, si l'univers est comme
un tout, la substance en est la partie première; et s'il n'est un que
par l'unité de consécution, même ainsi la substance tient encore le
premier rang; ce n'est qu'après que vient la qualité, puis la quantité.
En même temps, ces dernières catégories ne sont même pas des êtres
proprement dits, mais des qualités et des mouvements, ou, alors, même
le non-blanc et le non-droit seraient des êtres : du moins leur conférons-nous
à eux aussi l'existence quand nous disons, par exemple : le non-blanc
est. J'ajoute qu'aucune de ces catégories autres que la substance n'est
séparée. Les anciens philosophes attestent, enfin, par leur propre exemple,
la primauté de la substance, car c'était de la substance qu'ils cherchaient
les principes, les éléments et les causes. Les modernes élèvent plutôt
à la dignité de substance les universels, car ce sont des universels
que ces genres, dont ils font de préférence des principes et des substances,
en raison de leur méthode de recherche dialectique; mais pour les anciens
philosophes, les substances sont les choses individuelles, par exemple
le feu et la terre, et non pas ce qui leur est commun, Ã savoir le corps.
Il y a trois espèces
de substances. L'une est sensible, et elle se divise en substance éternelle
et en substance corruptible. Cette dernière est admise par tout le monde
et englobe, par exemple, les plantes et les animaux. De cette substance
sensible, il est nécessaire d'appréhender les éléments, qu'ils soient
un ou multiples. L'autre substance est immobile; elle a, suivant certains
philosophes, une réalité entièrement séparée; les uns la divisent
en deux groupes, d'autres confondent dans une nature unique les idées
et les choses mathématiques, d'autres enfin ne reconnaissent de ces deux
substances que les choses mathématiques. Les deux substances sensibles
sont l'objet de la physique, car elles impliquent le mouvement; mais la
substance immobile est l'objet d'une science différente, puisqu'elle n'a
aucun principe commun avec les autres espèces de substances".
(Métaphysique, Lambda,I, 1069 a 15 - b 2).
Conditions de
l'exercice du premier moteur
"Puisqu'il y a, avons-nous
dit, trois sortes de substances, dont deux sont les substances physiques,
et une, la substance immobile, nous avons à parler de cette dernière,
et à montrer qu'il doit nécessairement exister quelque substance éternelle
immobile.
Les substances, en
effet, sont les premières de toutes les choses qui existent, et si elles
étaient toutes corruptibles, toutes les choses seraient également corruptibles.
Or il est impossible que le mouvement ait commencé ou qu'il finisse, car
il est, disons-nous, éternel. Et il en est de même pour le temps, car
il ne pourrait y avoir ni l'avant, ni l'après, si le temps n'existait
pas. Le mouvement est, par suite, continu, lui aussi, de la même façon
que le temps, puisque le temps est lui-même, ou identique au mouvement,
ou une détermination du mouvement; et il n'y a de mouvement continu que
le mouvement local, et le seul mouvement local continu est le mouvement
circulaire.
Mais, existât-il
une cause motrice ou efficiente, si cette cause ne passe pas à l'acte
il n'y aura pas de mouvement, puisqu'il peut se faire que ce qui a la puissance
ne passe pas à l'acte. Il n'est d'aucune utilité d'admettre une telle
cause, même si nous supposons des substances éternelles, à l'exemple
des partisans des Idées, à moins qu'elles ne renferment un principe capable
d'opérer le changement. Donc, ni cette substance ne suffit, ni une substance
autre que les Idées, car si cette substance ne meut pas actuellement,
il n'y aura pas de mouvement. Bien plus : le mouvement ne se produira pas,
lors même que la cause dût mouvoir actuellement, si la substance de cette
cause est une puissance, car alors le mouvement ne sera pas éternel, ce
qui est en puissance pouvant ne pas être. Il faut donc qu'il existe un
principe tel que sa substance même soit acte. Autre conséquence : les
substances en question doivent être immatérielles, car il faut qu'elles
soient éternelles, si du moins il y a quelque autre chose d'éternel ;
donc elles doivent être en acte." (Métaphysique,
Lambda, 6, 1071 b 3-22).
Le premier moteur,
un principe dont l'être est le bien
"Puisqu'il est possible
qu'il en soit comme on vient de le dire, et que, si on n'adopte pas notre
explication, le monde devra venir de la nuit, de la Confusion universelle
et du non-être, ces difficultés peuvent être considérées comme résolues.
Il existe donc quelque chose, toujours mû d'un mouvement sans arrêt,
mouvement qui est le mouvement circulaire. Et cela est d'ailleurs évident,
non seulement par le raisonnement, mais en fait. Par conséquent, le premier
ciel doit être éternel. Il y a, par suite, aussi quelque chose qui le
meut; et puisque ce qui est à la fois mobile et moteur n'est qu'un terme
intermédiaire, on doit supposer un extrême qui soit moteur sans être
mobile, être éternel, substance et acte pur.
Or, c'est de cette
façon que meuvent le désirable et l'intelligible : ils meuvent sans être
mus. Ces deux notions, prises à leur suprême degré, sont identiques.
En effet, l'objet de l'appétit est le bien apparent, et l'objet premier
de la volonté raisonnable est le bien réel. Nous désirons une chose
parce qu'elle nous semble bonne, plutôt qu'elle ne nous semble bonne parce
que
nous la désirons : le principe, c'est la pensée. Or l'intellect est mû
par l'intelligible, et la série positive des opposés est intelligible
par soi. Dans cette série positive, la substance est première, et, dans
la substance, ce qui est simple et en acte est premier. (L'un et le simple
ne sont d'ailleurs pas identiques : l'un signifie une mesure de quelque
chose, le simple signifie un certain état de la chose elle-même.) Mais
le bien en soi et le désirable en soi appartiennent aussi l'un et l'autre
à la même série, et ce qui est premier dans cette série est toujours
le meilleur ou analogue au meilleur.
Que la cause finale
puisse résider parmi les êtres immobiles, c'est ce que montre la distinction
de ses significations. La cause finale, en effet, est l'être pour qui
elle est une fin, et c'est aussi le but lui-même; en ce dernier sens,
la fin peut exister parmi les êtres immobiles, mais non au premier sens.
Et la cause finale meut comme objet de l'amour, et toutes les autres choses
meuvent du fait qu'elles sont ellesmêmes mues. Ceci dit, si une chose
est mue, elle est susceptible d'être autrement qu'elle n'est. Par conséquent,
si son acte est la première espèce du mouvement de translation, c'est
seulement de la façon qu'elle est sujette au changement qu'elle peut être
autrement, à savoir selon le lieu, même si elle ne le peut selon la substance.
Mais puisqu'il y a un être qui meut, tout en étant lui-même immobile,
existant en acte, cet être ne peut être, en aucune façon, autrement
qu'il n'est : la translation est, en effet, le premier des changements,
et la première translation est la translation circulaire; or ce mouvement
circulaire, c'est le premier moteur qui le produit. Le premier moteur est
donc un être nécessaire, et, en tant que nécessaire, son être est le
bien, et c'est de cette façon qu'il est principe. Car le nécessaire présente
tous les sens suivants : il y a la nécessité qui résulte de la contrainte,
en ce qu'elle force notre inclination naturelle; puis, c'est ce sans quoi
le bien est impossible; enfin, c'est ce qui n'est pas susceptible d'être
autrement, mais qui existe seulement d'une seule manière.
(Métaphysique, Lambda, 7, 1072 a 18 - b 13). |
Livre M.
Nous avons parlé de l'être qui tombe
sous les sens; mais il s'agit pour nous de déterminer
s'il y a, hors des choses sensibles, une essence éternelle et immobile,
et, au cas où il y en aurait une, d'en déterminer la nature. Et d'abord
l'essence éternelle estelle elle l'idée et la grandeur mathématique?
Le mathématicien est fondé à prétendre qu'il considère des êtres,
car il y a l'être en puissance comme il y a l'être en acte, Mais ce n'est
pas là l'essence éternelle de l'être. Quant à la théorie des idées,
il fallait se borner, comme Socrate, à reconnaître
l'existence des universaux, sans lesquels il n'y a pas de science; mais
il ne fallait pas les séparer du particulier. Si on les sépare et qu'on
les compose d'éléments, ces éléments, ces principes des idées seront
particuliers ou généraux : particuliers, ils seront limités an nombre;
il n'y en aura qu'un de chaque nom, et, par conséquent, il n'y aura pas
non plus de pluralité dans leurs produits. Bien plus, il n'y aura rien
autre chose que les éléments eux-mêmes. Si, au contraire, ces principes
sont des universaux, il en résultera que le non-être sera antérieur
à l'être, car les principes sont antérieurs aux produits; or, l'universel
n'est pas le véritable être. Telle est, en résumé, la polémique d'Aristote
contre le système platonicien des idées,
polémique qu Aristote reprend dans presque tous ses ouvrages, comme s'il
n'était jamais sûr d'avoir terrassé son adversaire.
Livre N.
Les Pythagoriciens ont voulu expliquer
le monde en faisant reposer dans le nombre l'essence des êtres. Mais l'hypothèse
d'une génération des nombres est contradictoire-:
on ne peut parler de génération et de devenir pour l'éternel. Ainsi,
on veut faire venir le pair de l'égalisation du grand et du petit; mais
si le grand et le petit ont toujours été égaux dans le pair, ils n'y
ont jamais été inégaux, et le pair n'est pas engendré, n'est pas devenu.
Mais les nombres ne seraient-ils
pas des principes à titre de limites, ou à cause des rapports numériques
qui constituent dans chaque être la proportion des éléments? Outre qu'on
ne peut pas expliquer ainsi les différences des
qualités primitives, les nombres ne peuvent être la cause formelle, c'est-à -dire
l'essence, car ce ne sont pas les nombres qui formant les proportions,
mais les rapports des nombres. Le nombre n'est donc que la matière, et
la forme est le rapport. Ajoutons que, comme les nombres sont communs Ã
tout, il arrivera souvent que plusieurs choses différentes tomberont sous
le même nombre; où sera donc, dans cette théorie des nombres, le principe
de la distinction? On pourrait pousser plus loin l'argumentation; mais
en voilà assez pour faire voir que les grandeurs mathématiques ne sont
pas séparées des choses sensibles, et qu'elles ne sont pas les principes.
(PL
/ NLI). |
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