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Littérature |
L'intervention des êtres surnaturels dans les oeuvres littéraires constitue ce qu'on appelle en littérature le merveilleux. C'est surtout dans un poème épique ou dramatique qu'il trouve son emploi, soit que le poète l'emprunte aux croyances religieuses, à la magie, soit que son imagination l'invente. Le merveilleux dans l'Antiquité. Le merveilleux dans Homère et chez les Grecs fait partie de la religion même et du symbolisme de la mythologie. Seulement; il convient de signaler entre Homère et ses imitateurs une différence radicale : les assemblées, les querelles des dieux, leurs apparitions sur la Terre, ne sont, pour ces derniers et pour leurs lecteurs qu'une machine épique; ils se permettent ces fictions au nom des droits qu'on est convenu de reconnaître à ce genre de poésie, et n'ont d'autre prétention que de relever ainsi, par l'emploi du surpaturel, les différents épisodes de leur oeuvre. Homère ignore quels privilèges lui donne ou lui refuse l'épopée : ce qu'il chante, il le croit; la foi naïve des âges antiques et la candeur du poète convertissent ses fictions en réalité, et c'est le mérite et la profonde originalité du merveilleux homérique que de n'être pas, pour ainsi dire, merveilleux. Mystérieux et terrible comme les légendes de la vieille religion grecque, le merveilleux d'Eschyle, plus propre peut-être à étonner l'imagination qu'à émouvoir, nous jette dans un monde étranger au nôtre et presque fantastique. Témoin cette pièce étrange du Prométhée dont la critique discute encore le sens aujourd'hui, ou encore la ronde infernale qu'autour d'Oreste parricide dansent et chantent les Furies, vengeresses de Clytemnestre. Sophocle, rapprochant l'Olympe de la Terre, et faisant de ses dieux des êtres qui ne demeurent plus, comme les personnages mythologiques de son devancier, en dehors de l'humanité, leur a donné un rôle plus moral et plus humain : tel est le double caractère de l'exposition de l'Ajax, où Athéna, après avoir frappé d'une folie soudaine le héros, prend plaisir à provoquer ses saillies insensées, ses menaces de mort contre Ulysse qui l'entend, et qui, sans songer au péril dont l'a sauvé la démence le son ennemi mortel, ne trouve plus que des paroles de pitié pour la faiblesse humaine. Euripide a gâté ce sont ses prédécesseurs avaient tiré de si dramatiques effets; son merveilleux, quelquefois plein de grâce et d'originalité pathétique, comme le dernier entretien d'Artémis avec Hippolyte, n'est plus, en général, qu'un merveilleux dégénéré; sorte d'expédient propre à tirer le poète d'embarras quand il a tout dit et qu'il ne sait comment quitter la scène. Chez les Romains, dans Virgile par exemple, le merveilleux n'a plus pour ses contemporains la même réalité : l'imagination des lecteurs ne s'y laissait plus prendre; Lucain se contenta de la magie. Le merveilleux au Moyen âge et à la Renaissance. Le merveilleux des Modernes. La querelle des Anciens et des Modernes au XVIIe siècle avait initié une longue et très vive discussion sur les mérites comparés du merveilleux chrétien et du merveilleux païen : Boileau prit en cette occasion, comme toujours, le parti des Anciens, et attaqua vivement le merveilleux de la religion chrétienne; il ne réussit pas cependant à faire revivre le merveilleux païen. La discussion se prolongera jusqu'au XIXesiècle. Boileau, qui ne connaissait pas le Satan de Milton, enseigna que la religion chrétienne ne devait ni ne pouvait être substituée, dans le poème épique, à la mythologie. Dans des vers classiques, il dit qu'il ne fallait jamais rien offrir d'incroyable au spectateur. Marmontel, le cardinal de Polignac et Fontanes, pour des raisons analogues, empruntées à la nature du christianisme, soutinrent la même thèse. Desmarets répondit à Boileau ce que Chateaubriand (qui, avec son imagination plus poétique que religieuse, tenta de mettre en jeu les mystères de la foi dans le Génie du Christianisme) répliqua plus tard à de Fontanes : que le christianisme est la religion qui se prête le plus à la poésie, et, pour le démontrer, l'un composa Clovis, et l'autre les Martyrs. On pourrait aussi dire que toute la tragédie grecque repose sur le merveilleux : Eschyle est avant tout un poète religieux; Sophocle en fait un emploi moins exclusif, mais aussi important; Euripide ne s'en sert plus que d'une manière accessoire. Les modernes ont usé du merveilleux dans la tragédie de la même manière qu'Euripide; ils le bornent à des apparitions, à des songes, comme l'apparition du père d'Hamlet, l'hallucination de Macbeth, le songe de Richard III dans Shakespeare. Celle, dans Faust, fait jouer au Diable, sous la figure de Méphistophélès, un rôle capital; mais c'est une forme philosophique et qui ne demande nulle croyance. Le merveilleux a ensuite joué pendant quelque temps un rôle limité : on pourrait citer comme modèle la petite nouvelle de Théophile Gautier intitulée Spirite. Les effets que l'on a cherché parfois à tirer du magnétisme ou du spiritisme, comme dans la pièce de Victorien Sardou qui porte ce nom, ont peu intéressé le public. Le merveilleux ne peut plus être goûté que par raffinement littéraire : les Contes de Perrault et les Mille et une Nuits auront toujours des lecteurs de tout âge. De nos jours le merveilleux est revenu en faveur en trouvant sa place dans des genres nouveaux : science-fiction, fantastique, heroic fantasy, etc. (A. H. / Ph. Berthelot).
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