| Les Mariages de Paris et les Mariages de province sont deux séries de nouvelles, par Edmond About (1850 -1868, 2 volumes). L'auteur aurait tout aussi bien fait de donner la seconde série sous le même titre que la première, car les moeurs de la province n'y sont pas plus étudiées que si la scène était placée à Paris. Quatre nouvelles sont surtout remarquables dans les Mariages de Paris : les Jumeaux de l'hôtel Corneille, Sans dot, le Buste et la Mère de la marquise. A la publication de ce premier recueil, Emile Montégut a caractérisé de la manière suivante ces petites oeuvres sans prétention et spirituellement écrites. « Les Mariages de Paris, dit le critique, composent un recueil agréable de nouvelles, assez récréatives sans doute, mais qui ont le grand tort de n'être que cela. Un optimisme imperturbable règne d'un bout à l'autre de ce livre, dans lequel on voit invariablement le vice puni et la vertu récompensée. L'optimisme a du bon, mais vraiment l'optimisme de M. About ressemble trop à un parti pris, et, en outre, il manque de naïveté et de candeur. Il est impossible que M. About, qui a l'esprit délié et retors, pense sur la société avec autant d'innocence qu'il veut nous le faire croire. Tout n'est point mal sans doute dans le monde, mais tout n'y est pas bien non plus; les honnêtes gens n'y sont pas absolument désarmés, mais les coquins n'y sont pas aussi aisé ment terrassés que nous le donne à penser M. About. Il y a de bonnes et charmantes âmes, mais il y a aussi quantité de sycophantes qui sont prêts à tout exécuter : Omnia serviliter pro numis. Cependant, les Mariages de Paris contiennent, comme tous les récits de M. About, des détails vrais et heureux. Sans dot, par exemple, est une anecdote tout à fait drolatique. Dans la Mère de la marquise, le caractère de cette bonne bourgeoise qui passe sa vie à convoiter l'honneur d'être reçue dans le noble faubourg y est dessiné avec une gaieté bienveillante qui appelle sur les lèvres, jusqu'à la fin du récit, un sourire à la fois moqueur et inoffensif. » Quatre nouvelles forment le recueil des Mariages de province. La Fille du chanoine est une assez curieuse étude de la haine que peut porter une jeune fille à un jeune homme qui, après lui avoir promis de l'épouser, la délaisse. L'Album du régiment nous montre les roueries d'une autre jeune fille, la fille du colonel, pour empêcher de se marier un officier qu'elle aime secrètement. Etienne a pour principal personnage un génie inconnu qui se voit voler son chef-d'oeuvre par le tuteur d'une Rosine et qui meurt de douleur. Mainfroi est la plus réussie de cette série de nouvelles. Un avocat plaide un procès de succession pour une comtesse et jure de perdre sa fortune et son nom s'il ne gagne la cause. Il va la gagner, en effet, lorsqu'il se trouve subitement alarme avocat général. L'équité alors parle plus haut; il examine en juge la cause qu'il avait plaidée comme avocat et il conclut contre les prétentions de la comtesse. Pour sauvegarder sa parole, il abandonne à la plaideuse toute sa fortune, 600 000 F. Mais la comtesse trouve que cela ne suffit, pas; puisqu'il a engagé sa fortune et son nom, elle réclame le nom aussi, de sorte que Mainfroi l'épouse, enchanté du reste, car il l'adore. Toutes les nouvelles contenues dans les deux recueils, sont très agréables, grâce à l'esprit de l'auteur et à son remarquable don de conter. Toutes ont beaucoup de légèreté, de grâce, d'élégance. Il y en a même quelques-unes qui esquissent des figures prises sur le vif. Mais, en général, Edmond About; se laisse aller, là comme ailleurs, à sa facilité naturelle. Il ne fait guère que se jouer. C'est un badinage parfois charmant, mais ce n'est qu'un badinage. Edmond About prête son esprit indifféremment à chacun de ses personnages. Cet esprit continuel, après nous avoir charmé, nous fatigue bientôt par son papillotement. (PL). | |