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Les Lusiades,
sont un poème épique portugais, dont Luiz
de Camoëns est l'auteur. Le sujet est la découverte de l'Inde par
Vasco de Gama. Le poème s'ouvre par une peinture
de la flotte portugaise, naviguant le long des côtes d'Éthiopie.
Les dieux
s'assemblent dans l'Olympe
: car le succès de l'entreprise portugaise va décider du sort du monde
oriental. Jupiter
déclare que les Portugais réussiront : les ordres du Destin leur promettent
un nouvel empire. Bacchus
combat la résolution du maître des dieux, mais il a contre lui Vénus
et Mars,
qui exhortent Jupiter à assurer l'exécution des décrets de la destinée.
Mercure
est envoyé pour servir de guide aux Portugais vers l'île de Mozambique,
peuplée de Musulmans.
Prenant les traits d'un vieillard, Bacchus
soulève le fanatisme de ces peuples. Une
bataille s'engage : les païens sont battus, et la flotte victorieuse continue
sa route sous la direction d'un pilote maure, qui conseille aux Portugais
d'aborder à Quiloa. Tout y est préparé pour leur ruine; mais, par la
protection de Vénus, ils évitent le piège, déjouent de nouveaux complots
qui les attendent à Mombasa, et arrivent
enfin à Mélinde (Malindi, L'histoire
de l'Afrique : Zanzibar et la côte
swahili), où ils sont reçus par le roi du pays avec toutes les marques
de l'hospitalité.
L'admiration excitée dans l'âme du chef
arabe par le courage audacieux de ses hôtes prépare ingénieusement le
lecteur au long épisode qui suit. L'histoire du Portugal que Gama raconte
au roi de Mélinde n'est pas seulement nécessaire pour donner à ce nouvel
allié une haute idée de la valeur des Portugais; elle se lie naturellement
à l'entreprise même de Gama, et en expose le motif. Dans ce récit, qui
occupe les deux tiers du poème, se trouve le célèbre et touchant épisode
d'Inès de Castro. On rencontre là aussi
le morceau regardé par quelques-uns comme le plus beau des Lusiades,
l'apparition du géant Adamastor, au moment où Gama s'apprête à doubler
le cap de Bonne Espérance (La
découverte de l'Afrique).
Plein d'admiration pour la nation portugaise,
le roi de Mélinde donne à Gama un pilote fidèle, qui dirige ses vaisseaux
à travers l'Océan Indien. Pendant la nuit, pour charmer les loisirs du
voyage, les Portugais se racontent les gestes des anciens preux. Un jeune
guerrier, Velloso, rappelle l'histoire de ces 12 Portugais qui allèrent
venger dans Londres l'injure faite à la beauté : par sa teinte chevaleresque,
ce récit est l'un des plus caractéristiques du temps et de l'ouvrage.
Mais de funestes présages font prévoir une tempête; l'orage éclate
: il est décrit avec une vigueur digne de Virgile.
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Le Génie
des tempêtes
« Le soleil avait
cinq fois éclairé l'univers depuis que nous avions quitté la terre des
barbares. La nuit promenait en silence son char étoilé; nos vaisseaux
fendaient paisiblement les ondes. Assis sur la proue, nos guerriers veillaient,
lorsqu'un sombre nuage, qui obscurcit les airs, se montre au-dessus de
nos têtes et jette l'effroi dans nos coeurs.
La mer ténébreuse
faisait entendre au loin un bruit semblable à celui des flots qui se brisent
contre des rochers.
« Dieu
puissant! m'écriai-je, de quel malheur sommes-nous menacés? Quel prodige
effrayant vont nous offrir ce climat et cette mer? C'est ici plus qu'une
tempête. »
Je finissais à peine
: un spectre immense, épouvantable, s'élève devant nous. Son attitude
est menaçante, son air farouche, son teint pâle, sa barbe épaisse et
fangeuse; sa chevelure est chargée de terre et de gravier; ses lèvres
sont; noires, ses dents livides; sous de noirs sourcils ses yeux roulent
étincelants.
Sa taille égalait
en hauteur ce prodigieux colosse, autrefois l'orgueil de Rhodes et l'étonnement
de l'univers. Il parle : sa voix formidable semble sortir des gouffres
de la mer. A son aspect, à ses terribles accents, nos cheveux se hérissent,
un frisson d'horreur nous saisit et nous glace.
« Ô peuple,
s'écria-t-il, le plus audacieux de tous les peuples! il n'est donc plus
de barrière qui vous arrête? Indomptables guerriers, navigateurs infatigables,
vous osez pénétrer dans ces vastes mers dont je suis l'éternel gardien,
dans ces mers sacrées qu'une nef étrangère ne profana jamais!
Vous arrachez Ã
la nature des secrets que ni la science ni le génie n'avaient pu encore
lui ravir... Eh bien, mortels téméraires, apprenez les fléaux qui vous
attendent sur cette plage orageuse et sur les terres lointaines que vous
soumettrez par la guerre.
Malheur au navire
assez hardi pour s'élancer sur vos traces! Je déchaînerai contre lui
les vents et les tempêtes. Malheur à la flotte qui, la première après
la vôtre, viendra braver mon pouvoir! A peine aura-t- elle paru sur mes
ondes, qu'elle sera frappée, dispersée, abîmée dans les flots...
Avec elle périra
le navigateur impie qui, dans sa course vagabonde, aperçut mon inviolable
demeure et vous révéla mon existence; et ce châtiment ne sera que le
prélude des malheurs que l'avenir vous prépare. Si j'ai su lire au livre
des destins, chaque année ramènera pour vous de nouveaux désastres;
la mort sera le moindre de vos maux.
Il continuait ses
horribles prédictions. « Qui es-tu, monstre, lui dis-je en m'élançant
vers lui; quel démon vient de nous parler par ta bouche? »
L'affreux géant jette
sur moi un regard sinistre. Ses lèvres hideuses se séparent avec effort
et laissent échapper un cri terrible. Il me répond enfin d'une voix sourde
et courroucée :
«
Je suis le Génie des tempêtes; j'anime ce vaste promontoire que les Ptolémée,
les Strabon, les Pline et les Pomponius, qu'aucun des savants n'a connu.
Je termine ici la terre africaine, à cette cime qui regarde le pôle antarctique,
et qui, jusqu'à ce jour voilée aux yeux des mortels, s'indigne en ce
moment de votre audace...
De ma chair
desséchée, de mes os convertis en rochers, les dieux, les inflexibles
dieux ont formé la vaste promontoire qui avance au milieu de ces vastes
ondes; et pour accroître mes tourments, pour insulter à ma douleur, Thétis
vient chaque jour me presser de son humide ceinture. »
A ces mots, il laissa
tomber un torrent de larmes et disparut. Avec lui s'évanouit la nuée
ténébreuse, et la mer sembla pousser un long gémissement. Je levai les
mains vers le ciel, j'invoquai les choeurs sacrés des anges, qui nous
avaient servi de guides jusqu'à ces bords éloignés, et je priai Dieu
de détourner les malheurs dont le cruel Adamastor avait menacé notre
avenir. » (Camoens, Lusiades, ch. V). |
Protégé par Vénus, Gama échappe aux
fureurs des flots, et arrive enfin aux bords désirés de l'Inde, dans
l'empire de Calicut. Après avoir fait alliance
avec le zamorin, qui essaye vainement de le retenir Gama met à la voile
pour revenir en Europe. C'est alors que, pour récompenser le courage des
héros portugais, Vénus s'apprête à les recevoir dans une île délicieuse
qui s'élève tout à coup du sein des mers. Bien de plus gracieux que
ce charmant épisode. Thétis, prenant Gama par la main, le conduit au
sommet d'une montagne dans un palais d'or et de cristal,
où l'avenir de sa patrie lui est révélé. De là , les Portugais rentrent
à Lisbonne, et le poème est fini.
Les Lusiades sont en 10 chants,
et en stances de 8 vers de onze syllabes, dont les 6 premiers sont à rimes
croisées. Le poème fut imprimé à Lisbonne, en 1572. Son titre signifie
les enfants de Lusus, qui passait pour le père des Lusitaniens,
anciens habitants du Portugal.
Tout en blâmant Camoëns d'avoir introduit
aussi artifiellement les divinités mythologiques, on ne peut nier qu'il
n'y ait de grandes beautés dans les Lusiades. Voltaire,
qui ne savait pas le portugais, a fait de ce poème beaucoup de critiques
très mauvaises. Ce qu'on pourrait reprocher au poète, c'est qu'il se
montre trop souvent historien; qu'il n'attache pas assez par l'action principale,
et manque quelquefois de goût; mais en même temps, il ne faut pas oublier
qu'il fut le premier épique moderne. (E. B.). |
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