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L'Histoire véritable par Lucien de Samosate |
![]() | L'Histoire véritable est un ouvrage de Lucien (IIe s. de notre ère) composé de deux livres et raconte un voyage sur la Lune et en d'autres lieux fantastiques. C'est une très amusante parodie des récits bizarres de certains poètes, voyageurs, historiens ou géographes. Pour montrer l'absurdité de ces contes, Lucien imagine à son tour une série de voyages, d'aventures burlesques, merveilleuses. Dans cette satire, il déploie une verve intarissable. Son Histoire véritable, d'ailleurs, au lieu de corriger ses lecteurs, les a mis en goût. Elle est devenue le modèle de tous les voyages extraordinaires, et a inspiré Rabelais et Swift. Le voyage de Lucien au globe de la Lune C'est après avoir passé les colonnes d'Hercule et être entrés dans la mer Atlantique Un certain jour, leur vaisseau fut enlevé par une trombe jusqu'à la hauteur de trois mille stades (cent lieues), et de ce jour il commença à voguer dans le ciel. Pendant sept jours et sept nuits ils errèrent dans l'espace; mais le huitième ils abordèrent en une grande île ronde et luisante, suspendue en l'air et néanmoins habitée. De cette île, quand on regardait en bas, on voyait une terre couverte de fleuves, de mers, de forêts et de montagnes, ce qui fit juger à nos touristes que c'était notre terre, d'autant plus qu'on y voyait des villes qui ressemblaient à de grandes fourmilières. A peine étaient-ils entrés dans le pays, pour le reconnaître, qu'ils furent pris par des hippogryphes, hommes montés sur des griffons ailés à trois têtes et dont les ailes étaient plus longues et plus larges que l'armature d'un vaisseau à voiles. Selon la coutume du pays, on amena les étrangers au roi. Ce lendemain, de grand matin, toutes les troupes étaient rassemblées. L'armée de la Lune était nombreuse; l'infanterie seule s'élevait à soixante millions. Il y avait quatre-vingt mille hippogriffes, vingt mille lacanoptères, grands oiseaux couverts d'herbes, sur lesquels étaient montés des scorodomaques; il y avait trente mille psyllotoxotes, montés sur de grandes puces grosses comme douze éléphants... Lucien nous paraît fort plaisanter ici la nomenclature d'Homère sous les remparts de Troie (
Voilà certes un tableau rabelaisien; pour le dire en passant, le joyeux curé de Meudon nous paraît avoir fort souvent invité à sa table le bon vieux Lucien de Samosate. Mais revenons à la Lune. Le combat entre les deux cent millions d'êtres se passa sur une toile d'araignée tissée de la Lune au Soleil, et se résolut à l'avantage des habitants des deux astres. Ils firent un traité de paix comme quoi ils se reconnaissaient alliés et laisseraient en repos les habitants des autres astres, lequel fut scellé par une redevance de dix mille muids de rosée qu'Endymion paierait à Phaéton. Dans la Lune il n'y a pas de femmes... Les jeunes gens conçoivent par le gras de la jambe... l'enfant est mort en entrant au monde, mais en l'exposant à l'air il commence à respirer... d'autres naissent dans les champs, comme les plantes, par suite d'une certaine opération à ce destinée... Lorsqu'un homme devient vieux, il ne meurt pas, mais il s'en va en fumée... Les Lunaires ne mangent pas, ils avalent seulement la vapeur (on retrouvera la même idée chez Cyrano de Bergerac) de grenouilles qu'ils font rôtir... Leur breuvage est de l'air pressé dans un verre... Ils n'ont pas de besoins naturels... Au lieu de fontaines, ils ont des arbrisseaux chargés de grains de grêle (lorsqu'il grêle sur la terre, c'est que le vent les secoue)... leur ventre leur sert de poche, ils y mettent tout ce qu'ils veulent, car ils'ouvre et se referme comme une gibecière... Ils s'ôtent et s'appliquent leurs yeux comme des lunettes, et plusieurs ayant perdu les leurs empruntaient ceux de leurs voisins... Les oreilles sont des feuilles de platane... Les riches portent des habits de verre, les autres de cuivre, car l'un et l'autre se filent, et le dernier, quand il est mouillé, se carde comme de la laine... etc. Les voyageurs quittèrent la Lune et firent voile, à travers les vastes plaines de l'air, du côté des constellations; un régiment d'hippogryphes les escorta l'espace d'environ cinq cents stades. Ils s'arrêtèrent fort peu de temps à l'étoile du jour, et la laissant à gauche, entrèrent dans le zodiaque et le suivirent jusqu'au Taureau Après avoir demeuré là toute la nuit, ils en partirent le lendemain et se dirigèrent alors, pour leur retour, vers les bornes de la Terre Là se termine le voyage céleste. Lucien et ses compagnons arrivèrent près de l'embouchure d'une immense baleine, dans laquelle leur vaisseau fut entraîné par le courant. Ils restèrent là près de deux ans, qu'ils employèrent à visiter le pays : les Taricanes, qui ont le visage d'écrevisse et le reste d'anguille, les Tritonomendettes et plusieurs autres peuples y résident. A leur sortie du monstre, les explorateurs continuèrent leur voyage, passèrent quelques mois aux enfers, où ils renouvelèrent connaissance avec les anciens Grecs, Pythagore et autres métempsycosistes; puis ils entrèrent dans l'île des Songes par le havre du Sommeil, voguèrent à l'île d'Ogygie, chez Calypso, puis chez l'épouse d'Ulysse, où ils rencontrèrent les Minotaures, et enfin aux Antipodes, où ils virent des forêts de pins et de cyprès flottant sur l'eau sans racines, - îles mobiles par-dessus lesquelles ils hissèrent et firent passer leur vaisseau. Lucien se proposait de décrire en deux livres suivants les merveilles qu'il avait vues dans la suite et la fin de son voyage; mais son projet resta irréalisé. L'un de ses traducteurs, Perrot d'Ablancourt, écrivit cette suite. On voit dans les deux derniers livres la république des animaux, au centre de laquelle se trouve un temple rond, couvert d'un dôme de plumes d'azur, parmi lesquelles des vers luisants et d'autres insectes lumineux représentent les étoiles. On y voit encore l'île des Pyrandriens, hommes de flammes, dont les feux follets et les comètes peuvent nous donner une idée; celle des Aparctiens, hommes de glace, transparents comme le cristal; celle des Poétiens, qui engendrent dans le creux de la tête et accouchent par le bout des doigts; celle des Magiciens, où de jeunes beautés nues dansaient la sarabande avec des boucs lascifs, etc. (C. Flammarion). |
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