| Les Fleurs du mal, poésies, par Charles Baudelaire (1857). - C'est le seul recueil poétique de l'auteur, mais il suffit pour marquer sa place comme celle d'un artiste qui se fit laborieusement une originalité contournée, inquiète, perverse. Cette originalité de Baudelaire est surtout dans le mélange de catholicisme avec ce que la sensualité peut avoir de plus subtil; elle est dans ses raffinements morbides et dans ses préciosités macabres. Poète difficultueux, infécond, à la fois brutal et quintessencié, ses Fleurs du mal, si souvent gâtées par la recherche, la prétention, les entortillements de la pensée et les artifices pénibles de la forme, n'en renferment pas moins des pièces admirables, d'une beauté singulière, mystérieuse, « troublante ». Victor Hugo écrivait à Baudelaire : « Vous avez créé un frisson nouveau. » Notre poésie moderne le regarde non sans raison comme un initiateur, d'abord parce qu'il fut le premier théoricien du « décadentisme », mais aussi parce qu'il possédait « le don de correspondance », c'est-à-dire parce qu'il savait découvrir, en vertu d'une intuition secrète, des analogies inattendues entre les objets les plus éloignés en apparence. Si la solide carrure et la concision symétrique de sa forme en font un parnassien, il y a aussi dans les Fleurs du mal certains vers tout à fait modernes, dont la vibration musicale dépasse le sens et « suggère » ce qui ne saurait s'exprimer. (NLI). | |