| Le Décaméron (du grec déca, dix, et êméra, jour) est un recueil de contes de Boccace. L'événement auquel cet auteur eut l'art de rattacher son ouvrage est la peste qui désola Florence en 1348 (Les pestes au Moyen âge). Boccace suppose qu'au moment où le fléau sévit, sept jeunes filles, se rencontrant dans l'église de Ste-Marie-Nouvelle, conviennent de se réfugier dans une maison de campagne voisine de la ville, et trois jeunes gens, leurs parents ou leurs amis, les y accompagnent. Là, on reste dix jours à faire bonne chère, chanter, danser, jouer des instruments, et raconter des Nouvelles tristes ou gaies, satiriques ou touchantes, et même libres. On choisit pour chaque journée un roi ou une reine, qui règle l'emploi du temps et le rang dans lequel parleront les dix membres de la société. Chacun payant son tribut tous les jours, le Décaméron se trouve naturellement divisé en 10 journées, dont chacune contient 10 Nouvelles. Dans le nombre de ces récits, il en est trois qui prouvent que Boccace avait eu entre les mains le Dolopathos, où il aura sans doute puisé l'idée de lier par un même intérêt ses cent nouvelles. II a imité également quelques-uns de nos anciens fabliaux. Boccace composa son Décaméron pour amuser la fille naturelle de Robert, roi de Sicile, la princesse Marie, qu'il avait connue à Naples, et qu'il a célébrée sous le nom de Fiammetta. Un des plus beaux morceaux du Décaméron, c'est la description de la peste de Florence, en tête de l'ouvrage. Parmi les Nouvelles, nous signalerons Ghismonde et Guiscard, sujet terrible, traité avec une simplicité énergique; Grisélidis, ce modèle unique de douceur, de patience et de résignation conjugale; Titus et Gisippe, récit peut-être plus intéressant encore, terminé par un sublime éloge de l'amitié. "Boccace est un grand maître dans l'art de fuir la satiété, dit le Bembo, ayant à faire cent prologues pour ses cent Nouvelles, il les varia si bien, qu'on a un plaisir infini à les entendre. Ayant à finir et à reprendre tant de fois la conversation entre dix personnes, ce n'était pas non plus peu de chose que d'éviter l'ennui." En effet, les réflexions morales ou galantes qui précèdent chaque nouvelle, les descriptions du matin qui commencent, chaque journée, les jolies ballades qui les terminent toutes, tels sont les moyens qu'il a employés pour donner sans cesse à l'esprit des jouissances nouvelles. (E. B.).
| En bibliothèque - Les meilleures éditions anciennes du Décaméron sont celles de Mantoue, 1472, in-fol., et de Florence, 1527, in-4°. Atteint par les censures du concile de Trente, expurgé sous Pie V et Grégoire XIII, il fut réimprimé avec les retranchements à Florence, en 1572; c'est l'édition dite des députés. Une nouvelle édition, qui ne satisfit pas mieux les gens de lettres, parut en 1582. Le Décaméron fut traduit en français dès le XVe siècle par Laurent du Premier Fait : cette version fait partie de la collection de romans d'Ant. Vérard. Citons ensuite la traduction de l'abbé Sabatier de Castres, rééditée avec une Notice critique par P. Christian, Paris, 1842, in-12; celles de Rastoin-Brémond, Paris, 1835, 2 vol. in-8°, et d'A. Barbier, ibid., 1845, gr. in-8°. Le Décaméron a inspiré le tableau peint sous ce nom par Winterhalter. | | |