| Le Cratyle est un dialogue composé par Platon, qui traite de l'origine du langage et des rapports des signes avec la pensée. Les interlocuteurs sont Cratyle, disciple d'Héraclite, qui prétend que les noms sont tirés de la nature des choses ou ne sont pas des noms, absolument comme celui qui dit une fausseté ne dit rien; Hermogène, disciple de Socrate, qui ne veut voir dans dans les noms que des signes de convention, et Socrate, qui divise la question et les met d'accord en reconnaissant des noms de convention qui, d'après lui, sont l'effet du hasard et désignent les choses périssables, et des noms naturels qui s'appliquent aux choses éternelles. Ce dernier appuie son dire par des exemples nombreux qui remplissent une partie du dialogue. Les noms de convention, d'après lui, sont l'effet du hasard et désignent les choses périssables, tandis que les noms naturels s'appliquent aux choses éternelles. Pythagore et Epicure étaient de l'opinion de Cratyle, Démocrite et Aristote de celle d'Hermogène. Socrate emploie la méthode qu'il avait baptisée lui-même l'ironie maïeutique, et force ses adversaires à se ranger à son avis. Il entasse des étymologies plus ou moins justes que Proclus s'est donné la peine de réfuter sérieusement dans ses Scolies sur le Cratyle en disant d'abord : « Socrate a voulu enseigner la valeur propre des mots, et c'est par cette étude que doit commencer quiconque veut devenir dialecticien. » Ce dialogue renferme trop de subtilités et de longueurs. Protagoras et Héraclite y sont vertement blâmés d'avoir créé des noms d'après une doctrine qui supposait tout dans un mouvement continuel. « Comment, objecte Socrate, une chose qui change perpétuellement peut-elle être fixée? Si elle demeure un instant immobile dans le même état, il est clair qu'elle ne devient pas; si elle est toujours identique à elle-même, comment pourrait-elle changer? » Dans ce dialogue, l'un des plus longs de Platon, le caractère des personnages est bien tracé conformément à la tendance naturelle de leur esprit. Au début, la pensée semble vague, noyée dans les détails et, d'après Montaigne, « fait plaindre le temps que met à ces longues interlocutions vaines et préparatoires un homme qui avait tant de meilleures choses à dire. » Peu à peu elle se dégage claire, brillante et légèrement satirique. « Tout ce qui est variable, accidentel, particulier, concret, dit V. Cousin, y figure d'une manière plus ou moins plaisante et ironique, puis tout ce cortège de la contingence va se dissiper à la lumière des essences immuables; la variété des choses s'absorbe dans l'unité absolue. » Quelques commentateurs ont cru à tort que Platon avait eu dessein de faire un traité de grammaire philosophique et étymologique, et de faire valoir le système d'Héraclite, philosophe qui regardait le feu comme l'essence première de l'univers. Son but a été uniquement de renverser le système de Prodicus, sophiste et rhéteur contemporain de Socrate, qui faisait de la vérité intrinsèque des noms la clef de son système philosophique. Ce maître de philosophie révélait tout ou partie de son système à ses élèves, selon qu'ils le payaient plus ou moins; à ceux qui ne donnaient qu'une drachme il ne faisait connaître qu'un petit nombre de propositions, mais ceux qui en payaient cinquante étaient ses disciples favoris, et il les introduisait dans la partie la plus secrète du sanctuaire philosophique, et leur révélait tous les mystères de la vérité intrinsèque des noms, système dont Socrate se moque si agréablement dans ce dialogue, et qu'il détruit sans retour en s'armant de l'ironie qui lui était familière. Le style de ce dialogue est plein de finesse et d'élégance. Plus coupé que les autres écrits du philosophe poète, il convient mieux à une discussion dans laquelle Socrate, il est facile de s'en apercevoir, plaisante le plus souvent en proposant des étymologies qui font sonder le lecteur au fameux quatrain Alfana vient d'equus, etc. Le Cratyle est un parfait modèle d'atticisme et de cette raillerie douce et polie dont use parfois un esprit supérieur pour relever les erreurs de ses amis et leur rendre la vérité palpable. Platon excellait dans cette escrime philosophique et littéraire, et si l'on considère l'aridité de son sujet on est surpris des grâces dont il a paré le Cratyle. (PL / NLI). | |