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Un commentaire
(du latin, commentarius liber) est un genre de livre des anciens
Romains, où étaient exposés,
simplement et sans ornements de style ou de
pensée, des faits historiques ou autres, particulièrement
ceux où l'auteur avait pris lui-même une grande part. Le modèle
le plus parfait en ce genre sont les Commentaires de Jules
César sur la guerre des Gaules
et sur la guerre civile. Ils sont écrits à la 3e
personne, et jouissaient à Rome d'une haute estime grâce au
naturel et à l'élégante simplicité du style.
Sylla, Tibère,
Agrippine, etc., avaient aussi composé
des commentaires, qui sont perdus. Les 4 livres de Xénophon
intitulés Entretiens sur Socrate sont de véritables
commentaires sur la méthode d'enseignement du père de la
philosophie morale. L'Anabase
du même écrivain peut être aussi rangée parmi
les commentaires, avec lesquels enfin les mémoires des modernes
offrent beaucoup d'analogies; Montluc a même donné le nom
de Commentaires aux Mémoires
où il a retracé sa vie.
Les Anciens appelaient encore du nom de
commentaires ce que nous nommons papiers, notes, mémoires, sur des
matières judiciaires, politiques, administratives, etc. On
nomme aussi commentaire une étude de philologie ou de critique et
d'archéologie sous forme d'annotations au texte d'un auteur. Zénodote,
Aristarque, Didyme,
avaient composé sur Homère des commentaires
aujourd'hui perdus, mais qui ont eu chez les Anciens une grande réputation;
on en retrouve quelques traces dans les scolies du moyen âge qui
nous sont parvenues. Pindare aussi fut de bonne
heure commenté à cause des obscurités que présentaient
déjà ses poésies deux siècles après
leur publication. Parmi les commentateurs latins, deux surtout sont connus
des modernes : Donat, commentateur de Térence, et Servius,
de Virgile.
Au Moyen âge, le commentateur grec
le plus important est l'archevêque Eustache; l'Occident, depuis l'établissement
des Barbares, n'en offre aucun avant la Renaissance. A cette époque,
et pendant deux siècles, les commentaires furent tous consacrés
à l'interprétation des auteurs anciens. Les Estienne, Casaubon,
Saumaise, Burmann; les Heinsius, Gronove, etc., se distinguèrent
au XVIe et au XVIIe
siècle; au siècle suivant, Wittenbach, Bentley, Toup, Persan,
Heyne, Wolf, Ernesti, J. Oberlin, Hemsterhuys,
Brottier, Brunck, sont
au nombre des plus remarquables. Au XIXe
siècle, on cite Jacobs, Boeckh, Coray, Boissonade,
Haase, J. Burnouf, Orelli, etc.
Chez les modernes, on donne le nom de
commentaire à une étude où l'on suit pas à
pas un écrivain, soit pour expliquer sa pensée, soit pour
signaler, d'une manière didactique et philologique, ses beautés
ou ses défauts, soit pour expliquer des allusions à des choses
passées que tous les lecteurs ne peuvent connaître ou se rappeler
instantanément. Les meilleurs auteurs ont bientôt besoin de
commentaires de ce genre, vu le changement continuel des usages, les modifications
des langues, le tour d'esprit particulier aux individus ou à une
époque. Ces commentaires sont surtout presque indispensables avec
les écrivains de l'Antiquité grecque et latine. Les commentaires
sur les auteurs en langues modernes ne datent guère que de la fin
du XVIIe siècle. Ils eurent d'abord
des proportions et un ton assez médiocres, tels que ceux de P.
Coste sur Montaigne (1724), La
Fontaine, La Bruyère; celui de Brossette
sur Boileau (1713) dénote plus d'étude;
celui de Voltaire sur Corneille
(1784) est tout littéraire, et manque aussi un peu d'étude.
Laharpe a commenté Racine
d'une manière très estimable; Auger
a fait sur Molière un commentaire qui
ne s'élève guère au-dessus du médiocre, et
sur Racine Aimé Martin a recueilli les meilleures notes publiées
pendant le siècle précédent. Ch. Nodier et Walckenaër
ont fait sur La Fontaine d'assez bons commentaires. Hémardinquer,
professeur de l'Université, a publié sur La Bruyère
un commentaire littéraire et historique fort intéressant,
et le plus complet que l'on ait encore fait sur cet auteur. Deux autres
professeurs de l'Université, Geffroy et
Despois, ont aussi donné, l'un, le premier commentaire historique
et critique qui ait paru sur le Charles
XII de Voltaire, l'autre, un excellent commentaire littéraire
des Dialogues sur l'éloquence et de la Lettre à
l'Académie de Fénelon. Havet,
professeur au Collège de France, a consacré aux Pensées
de Pascal un commentaire considérable,
littéraire, critique, philologique et philosophique, qui jouit d'une
grande estime.
Lorsqu'un commentaire ne se compose que
de notes sur la constitution du texte même et de discussions sur
les variantes des divers manuscrits ou imprimés (comme cela a souvent
lieu pour les auteurs de l'antiquité grecque et latine), il est
dit commentaire critique; si les remarques portent sur les mots, les locutions,
les tours de phrases propres à un écrivain ou à son
époque, il est dit philologique et grammatical. sur les usages ou
les faits auxquels il est fait allusion, historique, sur la propriété
ou l'impropriété des termes, sur les beautés ou les
défauts du style littéraire. Quelle que soit la nature d'un
commentaire, il doit être précis, net, au besoin vif. Celui
de Voltaire sur Corneille
réunit ces trois qualités, et y joint toujours l'élégance;
celui de Brossette sur Boileau
est généralement diffus; ce défaut a été
poussé trop souvent à l'excès chez les Allemands,
dont les commentaires étouffent parfois le texte de l'auteur, le
font entièrement oublier, et jettent la confusion dans l'esprit
du lecteur au lieu de l'éclairer et de lui aplanir la route.
Certaines sciences possèdent aussi
leurs commentateurs : le Droit a son Cujas
et son Loysel, l'Art militaire son chevalier de Folard, etc. Les commentaires
sur les livres religieux constituent l'Exégèse et l'Herméneutique.
(B.). |
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