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Britannicus, de Racine

Britannicus est une tragédie de Racine en cinq actes et en vers, représentée pour la première fois, sur le théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, le 15 décembre 1669.

Rappelons en quelques mots l'horrible histoire de ce temps. Lorsque la mère de Claude rencontrait un idiot, elle avait coutume de dire :. "Il est moins stupide encore que mon fils ".  Tel était l'enfant destiné à gouverner un jour le peuple romain. Claude n'arriva pas au pouvoir avant l'âge de cinquante ans; mais l'âge n'avait guère corrigé la nature. Tiré par force de dessous une tapisserie où il s'était caché pendant qu'on assassinait Caligula, il se vit conduire au trône des Césars en croyant marcher au supplice. Les premières années du règne de Claude, par suite d'une réaction nécessaire après les horreurs de Caligula, furent marquées d'une certaine bénignité; mais le naturel ne tarda pas à reparaître. Claude tomba entre les mains de ses affranchis et de ses femmes, qui le poussèrent à des crimes dignes de son prédécesseur. Les imbéciles couronnés ne sont pas moins dangereux que les plus cruels tyrans. Claude ne fut pas heureux en femmes, et ce fut Messaline, dont Tacite et Juvénal ont cruellement immortalisé le nom, qui osa, à la face de Rome, lui vivant et régnant, épouser un de ses amants, Julius. Agrippine, à son tour, s'empara des volontés de Claude. L'empereur n'y gagna pas, ni Rome non plus. Après l'adoption du fils d'Agrippine, des champignons apprêtés par la fameuse empoisonneuse Locuste aidèrent Claude à passer de la table au tombeau. Sénèque fit, dit-on, l'oraison funèbre que prononça Néron en l'honneur de Claude, ce qui n'empêcha pas Sénèque d'écrire plus tard l'Apokolokyntose , ou métamorphose de Claude en citrouille. Mais lorsque le jeune Néron, fils jusque-là soumis, eut senti le diadème assuré sur son front, lorsque le manteau impérial fut attaché à ses épaules, l'affreux génie de ses prédécesseurs se révéla en lui; les griffes du tigre s'allongèrent, impatientes de sang. Malheur à ceux qui traversèrent ses intérêts ou ses caprices! Agrippine en fut la première victime. On le lui avait prédit; mais, poussée par son ambition, elle avait répondu, selon Tacite : Occidat, dum imperet,  Qu'il me tue, pourvu qu'il règne.

Racine a placé l'action de sa tragédie à Rome, dans le palais de Néron. Le jeune fils de Claude, âgé de quinze ans, dépossédé du trône par son père en faveur de Néron, aime une jeune fille de la famille d'Auguste, Junie, soeur de Silanus. Agrippine, de plus en plus délaissée par son fils, protège leurs amours. Néron déjoue le projet de sa mère, devient amoureux de Junie, lui commande de renoncer à la tendresse qu'elle éprouve pour Britannicus. Il fait arrêter ce dernier, garder Junie, l'affranchi Pallas et Agrippine elle-même. Cette dernière réussit cependant à revoir son fils, lui rappelle tous les crimes qu'elle a commis pour l'élever au trône et lui reproche son ingratitude; Néron feint de se réconcilier avec elle et de consentir au mariage des deux amants; mais, par les conseils de l'affranchi Narcisse, et en dépit des sollicitations de son précepteur Burrhus, il prépare la mort de son rival et l'invite à un festin; où il l'empoisonne.

"C'est, dit Voltaire, la pièce des connaisseurs. "
Racine, en effet, y réunit l'art de Tacite et celui de Virgile. Tout y porte l'empreinte de la maturité, tout est vigoureux, tout est fini. La conception de cette terrible jeunesse de Néron est vigoureuse, et l'exécution sans aucune tache.

C'est le treizième livre des Annales de Tacite qui a fourni à Racine le sujet de Britannicus; mais, bien que le poète ait, indépendamment des faits, emprunté quelques traits à l'historien, la création des caractères n'appartient qu'à lui seul. Celui d'Agrippine. surtout, est une des plus fortes créations de Racine; il domine toute la pièce; c'est le symbole vivant de l'ambition : 

Agrippine, dit Gérusez, est une des plus graves figures qui soient au théâtre : son ambition et ses vices tirent de l'énergie de la peinture je ne sais quoi de noble et de saisissant, qui attache. Burrhus représente la vertu dans une cour corrompue; Narcisse est le type du vice et de la bassesse; Racine en a fait le mauvais génie de Néron. Junie est une figure touchante, ou l'on reconnaît le peintre sensible et délicat d'Iphigénie, de Monime et d'Aricie. Il y aurait de nombreuses citations à faire de cette tragédie qui est toujours restée au répertoire; d'admirables vers s'y rencontrent à chaque scène. Britannicus est une des tragédies que Racine a le plus travaillées, comme il le dit lui-même dans sa seconde préface. Elle se termine admirablement par ce vers prophétique, qui, adressé à Agrippine, l'une des prochaines victimes du jeune tyran, est bien propre à faire rêver le spectateur, et à prolonger au delà de la représentation scénique les impressions qu'il vient d'y éprouver-

Plût aux dieux que ce fût le dernier de ses crimes!
. (PL).
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