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Apologue
(du grec apologos = conte, récit,
compte rendu) est un mot qui s'applique spécialement d'un "récit
inventé pour former les moeurs par des instructions déguisées
sous l'allégorie d'une action. " Les acteurs sont habituellement
des animaux; souvent aussi des êtres métaphysiques, tels que
les vertus et les vices; des êtres surnaturels, dieux,
génies, magiciens; des êtres inanimés,
plantes, végétaux, pierres, minéraux, etc. L'auteur
de l'apologue a le privilège de tout animer, de tout personnifier;
on ne lui demande que de conserver à chaque être, à
chaque objet, le caractère qui lui est ou qu'on doit lui supposer
propre. D'où il suit que la qualité principale, essentielle
du style de l'apologue, est le naturel. Le
ton général doit en être simple et familier, sans négligence
ni platitude; on aime à voir dans l'expression une finesse naïve,
de l'enjouement dans les peintures, de la grâce dans les descriptions,
qui doivent toujours être courtes et vives. Des réflexions
amenées naturellement et faites avec simplicité peuvent ajouter
au sens et à la solidité de l'apologue; et si elles se mêlent
à la peinture naïve du sentiment (Ex. : le monologue de la
Laitière, dans la fable de La Fontaine),
c'est le chef-d'oeuvre de l'art.
Deux autres genres de fiction se rapprochent de l'apologue, au point qu'il est parfois très difficile de distinguer les uns des autres : ce sont la fable et la parabole. Les mots fable et apologue sont d'ailleurs souvent pris comme synonymes. On peut toutefois dire-: 1°) que la fable forme par elle-même un tout littéraire et détaché, tandis que la parabole et l'apologue font le plus souvent partie d'un ensembles où ils ne figurent que par accident. C'est ainsi que l'Ancien Testament contient nombre d'apologues et les Evangiles nombre de paraboles.L'étroite parenté de l'apologue et de la fable fait qu'on ne peut faire l'histoire du première sans faire en même temps celle de la seconde. On se contentera donc ici de résumer ce que l'on dit, plus en détail, à la page sur la fable. Histoire
de l'apologue.
En Inde, l'apologue se répandit
dans le Tibet et la Chine
(cf. les Avadanas),
en Perse, en Arabie
(Calila et Dimna),
où Lokman ne fit que reproduire les récits de l'Indien Bidpay
ou Pilpay. Quand La Fontaine empruntait, entre autres richesses, ses Deux
Pigeons à l'Anwar-i-Suohili ou Livre des Lumières
des rois des Persans, il connaissait cette marche de l'apologue d'Orient
en Occident.
Ésope n'a rien écrit; il contait ses apologues selon les circonstances qui les faisaient naître. Les fables que nous avons sous son nom paraissent pour la plupart avoir été rédigées pendant le Bas-Empire, sans doute à différentes époques. Parmi celles dont la rédaction est antérieure, deux ou trois se trouvent dans Aristote; une vingtaine sont racontées ou indiquées dans plusieurs des Oeuvres morales de Plutarque; vers la fin de l'Hermotime, Lucien cite l'apologue du paysan s'amusant à compter les flots de la mer, se désespérant de s'être trompé, et recevant du renard une leçon de sagesse et de bon sens. Dans deux autres ouvrages, il fait allusion à deux autres fables. Aulu-Gelle et Macrobe nous en ont aussi conservé quelques-unes, mais en les présentant telles qu'on les racontait de leur temps, et non telles qu'Ésope les avait débitées. Tous ces apologues sont cités en prose. Platon raconte que Socrate dans sa prison s'amusait à tourner en vers quelques-uns de ces petits récits. Le seul recueil poétique de ce genre que l'antiquité grecque nous ait transmis est celui de Babrius, ingénieux versificateur dont l'époque est incertaine, car on flotte entre le IIe siècle av. J.- C. et le IIIe siècle de l'ère chrétienne. II nous reste un recueil de 40 fables en prose sous le nom du rhéteur Aphthonius (IIIe siècle ap. J.-C.). On ne peut plus citer après lui que la compilation indigeste des fables ésopiques, et les quatrains d'Ignatius Magister, évêque du IXe siècle, lesquels n'étaient qu'une réduction des fables versifiées de Babrius. Chez les Latins, on cite l'apologue les Membres et l'Estomac employé en 493 av. J.-C. par Ménénius Agrippa, pour ramener à Rome le peuple retiré sur le Mont Sacré. Cicéron a raconté le Vieillard et les trois jeunes Hommes, et Pline l'Ancien les Deux Rats, le Renard et l'Oeuf. Josèphe dit que Tibère fit la fable le Renard et le Hérisson. Nous possédons encore le précieux recueil de Phèdre, ancien esclave thrace; l'inimitable récit qui termine la satire 6e du IIe livre d'Horace, le Rat de ville et le Rat des champs, le chef-d'oeuvre de l'apologue dans l'Antiquité; enfin le livre d'Avianus au Ve siècle (42 fables), qui offre peu d'intérêt. Dans les Florides d'Apulée, on trouve l'apologue le Renard et le Corbeau, raconté avec esprit, mais avec peu de goût : l'écrivain a d'ailleurs changé les circonstances de la fable et n'a pas suivi la tradition ésopique. Au Moyen âge, Grégoire de Tours rapporte que Théodebald, roi d'Austrasie, aimait à parler en apologues. Le goût de l'apologue se fait sentir dans le Roman du Renart (1236); dans le même siècle, Marie de France fait un recueil de fables; on doit à Rutebeuf l'apologue intitulé l'Ane et le Chien; la fable le Renard et le Corbeau est naïvement et finement racontée dans la farce de l'Avocat Pathelin (XVe siècle); au XVIe, Guillaume Haudent et Guillaume Gueroult ont écrit des fables, parmi lesquelles il y a d'excellentes choses, dont La Fontaine a quelquefois profité, et des qualités de style remarquables; Corrozet et deux autres poètes ont mis en rimes françaises un choix de fables ésopiques; Marot et Régnier ont, à l'occasion, versifié, avec la grâce ou la vigueur qui les distinguent, quelques apologues. Au XVIIe siècle parut La Fontaine. Au siècle suivant et au XIXe siècle, il a eu des successeurs, dont plusieurs ne manquent pas d'originalité, mais qui tous sont demeurés bien loin de sa perfection. Les deux plus distingués sont Florian, dont quelques fables sont charmantes (fin du XVIIIe siècle), et Lamothe (1719), puis l'abbé Aubert, contemporain de Florian, Lebailly, Boisard, Aimé Naudet, Arnault, et Viennet. Fénelon a composé en prose pour le duc de Bourgogne, son élève, un petit nombre de fables, distinguées par l'élégance, le naturel, la grâce et la douceur du style. En Italie, on peut citer au XVIe siècle Verdizotti, longtemps peu connu; au XVIIIe, l'abbé Passeroni, Lorenzo Pignotti, et Bertola. En Allemagne, Gellert et Lessing ont un nom distingué dans l'apologue en prose; Hagedorn, Lichtwer, Gleim et Pfeffel, dans l'apologue en vers : tous appartiennent au XVIIIe siècle. Gay et Dodsley florissaient dans le même temps en Angleterre, et Thomas de Yriarte en Espagne. Au XIXe siècle, la Russie a eu son poète fabuliste, Kriloff. Les Italiens Astemio et Faerne (XVIe siècle), et le P. Desbillons, jésuite français du XVIIIe siècle, ont élégamment versifié plusieurs apologues en latin. (P.).
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