| Un acrostiche (du grec acros, sommet, extrémité, et stichos, vers) est une petite pièce qui se compose d'autant de vers qu'il entre de lettres dans le mot qui en fait le sujet, et dans laquelle les initiales de chaque vers, rangées verticalement, se suivent dans l'ordre des lettres de manière à reproduire le mot. Tout l'esprit s'y trouve au commencement des vers, comme dans les bouts-rimés il est à la fin. Voici un acrostiche sur Laure, amante de Pétrarque : Le ciel, qui la sauva de son propre penchant, A la beauté du corps unit celle de l'âme; Un seul de ses regards, par un pouvoir touchant, Rendait à la vertu le coeur de son amant. Elle embellit l'amour en épurant sa flamme. L'acrostiche double est celui où le même mot est reproduit au commencement et à la fin ou au milieu des vers. Tel est celui-ci, tiré d'un poète latin chrétien : Jure pari regnat, communis conditor aevI, Et cum patre pla regnat sublimis in arcE, Sidereo sanctis insidit numine regniS, Unde mare et terras solo videt omnia nutU, Suggerit humanis, et donat munera rebuS. On a poussé l'abus de l'esprit jusqu'à renfermer cinq acrostiches dans la même pièce, appelée alors pentacrostiche. L'acrostiche était connu des Anciens. Dans la Bible, les versets des Psaumes 33 et 118 commencent par les lettres successives de l'alphabet hébreu. On trouve, dans l'Anthologie grecque (I, 38), deux épigrammes, l'une en l'honneur de Dionysos, et l'autre en l'honneur d'Apollon; chacune est composée de 25 vers, dont le 1er annonce le sujet de la pièce; les lettres initiales des 24 autres sont les 24 lettres de l'alphabet rangées dans l'ordre alphabétique, et chaque vers renferme 4 épithètes qui commencent par la même lettre que le vers. Suivant Cicéron, Ennius avait fait des acrostiches. Eusèbe de Césarée (Vie de Constantin) cite des vers grecs composés, dit-il, par une Sibylle d'Erythres sur le jugement dernier, et dont les initiales forment les mots : ; Jésus-Christ, fils de Dieu, Sauveur. Saint Augustin, qui les reproduit dans sa Cité de Dieu, remarque en outre que les initiales des cinq mots grecs forment Ichthos (Poisson), nom mystique de Jésus, qui vécut au milieu des humains sans contracter de péché, comme le poisson vit dans la mer sans prendre le goût de l'eau salée. On attribue à Priscien des arguments des comédies de Plaute, où les initiales donnent le titre même de la pièce. Ausone et Alcuin se sont exercés dans l'acrostiche. Ermold-le-Noir, dans l'invocation en vers latins qui précède son Histoire de Louis le Débonnaire, commence et finit chacun de ses vers par les mêmes lettres, qui, lues de haut en bas, forment encore celui-ci : Ermoldus cecinit Hludoici Caesaris arma. Paschase Radbert écrivit un acrostiche sur le corps et le sang de Jésus. Raban Maur, abbé de Fulda au IXe siècle, composa en acrostiches latins un Traité des louanges de la Croix. On a une épître d'Abbon, moine de Saint-Germain-des-Prés, à l'empereur Othon, où l'acrostiche atteint les dernières limites de la difficulté. Le goût de l'acrostiche, que n'avaient guère les plus anciens poètes français, se retrouve à l'époque de la Renaissance. Au temps de la Régence et de Louis XV, les abbés et les marquis excellèrent à ces laborieuses niaiseries, et l'acrostiche fut alors un poème de cour et de ruelles. (B.). Le surnom de Cabal, donné à un ministère de Charles II, roi d'Angleterre, est un mot acrostiche : Clifford. Ashley. Buckingham. Arlington. Lauderdale. | |