| L'époque de Louis XIII voit éclore un style qui est l'esprit de la Renaissance modifié par l'influence flamande. Marie de Médicis est la cause déterminante de cette phase nouvelle du style français. C'est elle qui appelle Rubens en France en 1621. L'immense renommée du peintre d'Anvers, les faveurs, l'accueil magnifique qu'il reçoit à Paris, rendent encore plus forte son influence sur les arts décoratifs français. Cette santé vigoureuse, un peu massive et un peu lourde, passe de la peinture dans l'ameublement. Il semble qu'elle est tempérée par quelque chose d'attristé et de sombre, en rapport avec la figure ennuyée du roi Louis XIII et l'austérité de manières et de costume qui se répand en France, en même temps que le protestantisme (La Réforme). L'état de guerre continuel qui met aux prises les divers partis, de 1610 à 1630, a dù contribuer à assombrir encore l'esprit des arts décoratifs de cette époque. On peut voir dans le costume du temps la même impression de tristesse. Cependant, les encouragements ne manquent pas à l'industrie : l'article 452 de l'ensemble d'ordonnances que l'on appelle le code Michau anoblissait les négociants qui avaient sur mer depuis cinq ans un navire de deux cents tonneaux. Vers 1630, les tapissiers Comans et Laplanche s'établissent aux Gobelins. Pierre Dupont au Louvre, Lourdet à la Savonnerie sont leurs rivaux. Une manufacture de tapisseries s'établit à Reims. C'est également sous Louis XIII, en 1632, que l'orfèvre Toutain met, à la mode l'émaillerie de bijouterie. Le palais du Luxembourg, par l'architecte Debrosse (1616), et les maisons de la place Royale (place des Vosges) sont les types de l'architecture à cette époque : grands et hauts toits, union de la brique et de la pierre, colonnes et pilastres bandés de larges et massifs anneaux de pierre. Les estampes et les modèles gravés des orfèvres Gédéon Légaré et Carteron, de l'armurier Jacquard, des ornemanistes Abraham Bosse, Picart, Stella, Adam Philippon (le maître de Lepautre), révèlent des caractéristiques du style Louis XIII. Le peintre Simon Vouët, mort en 1649, joue, à cette époque, le rôle de Lebrun sous Louis XIV. Peintre en titre du roi, il décore le Louvre, le Luxembourg, travaille à Saint-Germain, aux hôtels des grands seigneurs de l'époque, aux églises il est employé par Richelieu à la décoration du Palais-Royal et du château de Rueil. Son protecteur, le cardinal, était d'ailleurs grand amateur et collectionneur passionné à ce point qu'on blâmait son faste et ses dépenses. Pour répondre à ces critiques, il fit, dès 1636, donation au roi d'une grande partie de ses biens. Dans cette donation, figurent une grande croix d'or émaillée, enrichie de rubis et diamants, un ciboire d'or avec rubis et diamants, une statue d'or de saint Louis également avec rubis et diamants, un grand buffet d'argent ciselé pesant 3000 marcs, un grand diamant en forme de coeur, pesant plus de vingt carats. Le travail du tapissier prend une grande importance dans l'ameublement. Les lits, dont l'ensemble est cubique, sont garnis et surchargés de rideaux d'étoffes lourdes et de bandes formant frises, masquant les bois des colonnes et des corniches des baldaquins. La décoration des tissus consiste en ramages de feuillages larges comme plaqués et aplatis, se contournant, entrant les uns dans les découpures des autres et remplissant les fonds, de façon à n'en laisser que peu transparaître. Les tapisseries garnissent les fauteuils dont le dossier est généralement bas, garni de franges. A mesure qu'on s'approche du style Louis XIV, le dossier devient de plus en plus haut. L'ébénisterie affecte des formes qui rappellent le costume de l'époque. Dans ce dernier, la ceinture est extravagamment haute sur la poitrine; le buste se trouve comme écourté. On peut en voir la preuve dans les estampes et aussi dans l'armure de Louis XIII au Musée d'artillerie : la ceinture de la cuirasse est à la hauteur du sternum. De même, dans l'ébénisterie de l'époque, on peut remarquer la tendance à diviser le meuble en deux corps, dont le plus important est celui du bas. Le meuble est coupé en deux parties par une ligne horizontale (corniche ou autre), qui est prise plus haut que la moitié. Le style Louis XIII amène également la vogue des incrustations de mosaïques, de pierres dures, de plaques peintes, de substances plus ou moins précieuses, nacres, ivoire, ambre. L'étain, triste et froid, forme des marqueteries, à fonds de bois ou d'écaille, à décoration de filets et d'arabesques. La forme architecturale domine dans les cabinets plus larges que hauts et portés sur une sorte de table à colonnes torses, à reliefs en spirale très nourris. Ces cabinets sont une nouveauté à l'époque. Il en vient d'Italie, d'Allemagne et des Flandres. La façade a des aspects de monument, à portique central, à colonnades superposées ; dans les entrecolonnements se superposent des rangées de tiroirs. La décoration est divisée en un grand nombre de sujets particuliers et encadrés dans les moulures. Les frontons brisés, les corniches saillantes sont les restes de la Renaissance. Les modifications et les particularités de l'art décoratif; pendant la première moitié du XVIIe siècle, consistent surtout dans les ornements suivants. Les cartouches sont ovales, avec la plus grande dimension dans le sens horizontal : le champ en est toujours rebondi avec exagération. Les découpures qui les encadrent sont généralement arrondies et présentent des enroulements et des ourlets, où la forme circulaire prédomine. Cette tendance aux rotondités pansues se manifeste dans les balustres qui jouent le rôle de colonnes et de supports. De même, les vases ont des panses lourdes, rendues plus massives encore par la petitesse des pieds sur lesquels ils reposent. Les mascarons du style Louis XIII ont des figures joufflues : l'expression est insignifiante et nulle. Dans la décoration, les guirlandes composées uniquement de feuilles et de fruits, et presque jamais de fleurs, forment de lourds bourrelets qui se courbent presque toujours en demi-circonférence. Parmi les fruits, les poires et surtout les pommes sont les plus fréquents : les feuilles qui les accompagnent sont courtes, sans découpures, sans ourlets. Ces guirlandes, suspendues à leurs deux attaches latérales, ne mettent pas de transitions de grosseurs décroissantes entre leurs bouts et leur centre : dès le point de départ et tout près de l'attache, elles sont volumineuses. On rencontre fréquemment dans le style Louis XIII les cornes d'abondance symétriquement posées dans les frontons. Il est curieux de remarquer que, malgré la quantité et la grosseur des fruits qui s'en échappent, ces cornes d'abondance sont maigres au point qu'on dirait presque des trompettes dont le tube serait recourbé. Cette ornementation, très fournie et très rengorgée dans le détail, ne semble pourtant pas avoir beaucoup de relief, parce que la composition n'arrête pas l'oeil sur un motif plus important et prédominant. Il est rare que, dans la décoration, la figure animée ne tienne pas un rôle tout à fait accessoire. Les moulures fortes, à profil rond, n'ont plus les ornements de détail des époques précédentes. Elles fournissent de nombreux encadrements de panneaux où la forme carrée est la plus fréquente. Lorsque le carré s'allonge en rectangle, ce dernier a toujours sa plus grande dimension dans le sens horizontal. Outre ces formes, on note souvent l'emploi de l'octogone, dont les huit pans succèdent aux six pans de l'hexagone si usité dans le style Henri II. Il est délicat de démêler dans les estampes des ornemanistes la part du style régnant et celle de l'originalité de l'artiste. C'est ainsi que Della Bella, à l'époque Louis XIII, témoigna d'une personnalité si libre de toute influence que bon nombre de ses modèles passeraient plus volontiers pour appartenir au style style Louis XV qu'à celui dont nous nous occupons. Cependant, on peut dire que, dans le courant des arts décoratifs, la bijouterie de cette époque garde une saveur toute particulière. Tandis que l'orfèvrerie, comme le reste, demeure lourde et massive avec ses vases à panses lourdes et larges godrons, la bijouterie recherche de gracieuses combinaisons dont les éléments sont le plus souvent empruntés au règne végétal. D'élégantes feuilles légères se balancent au bout de tiges amenuisées et filiformes, qui jaillissent d'un point de départ unique comme les gerbes d'un jet d'eau. Cette unité de composition est moins accentuée dans les rinceaux incrustés dans les marqueteries (d'étain surtout) ou gravés ils se décomposent au contraire en une foule de menus motifs décoratifs à déroulements circulaires qui ont chacun son centre particulier d'évolution. (Paul Rouaix). | |