| Au XVIIIe siècle de l'Empire romain, la sculpture, même quand elle rappelait la composition, l'ajustement, la pose et l'expression des oeuvres plus anciennes, trahissait une grande ignorance dans l'exécution des bas-reliefs de l'arc de Constantin à Rome, les sarcophageses de l'impératrice Hélène, de Sainte-Constance, de Junius Bassus, de Probus Anicius et d'Olybrius, et les autres monuments du même genre que l'on a recueillis au musée du Vatican, montrent que l'habileté pratique manquait aux artistes. Le christianisme était encore trop jeune pour créer des types nouveaux : après avoir renversé beaucoup d'idoles du paganisme, les chrétiens qui se livrèrent aux beaux-arts se bornèrent à imiter les modèles échappés à la destruction; seulement, sous l'influence d'idées morales plus austères, le nu fut voilé et les formes plus enveloppées. La sculpture fut employée de bonne heure à décorer les basiliques chrétiennes. La plupart des statues étaient alors en métaux précieux, et faites su repoussé : le bibliothécaire Anastase en mentionne un très grand nombre qui furent données par les empereurs aux papes ou exécutées aux frais de ces derniers, mais pas une n'est arrivée jusqu'à nous; elles ont disparu dans les pillages de Rome par les Barbares. Il en est de même des croix, patènes, vases sacrés, encensoirs, chandelier et lampes, que l'on faisait également su repoussé, avec ornements et figures; quelques rares débris en ont été conservés dans le Trésor de Rome. Les statues équestres de Théodoric le Grand, fondues à Rome, à Ravenne, à Naples, à Pavie, prouvent que l'art du fondeur n'était pas encore Perdu au VIe siècle, ou du moins qu'il avait repris quelque activité pendant la domination des Goths. Mais les oeuvres les plus remarquables de ces premiers siècles de l'Italie chrétienne ont été faites en ivoire : ce sont des diptyques, des tableaux d'autel, des crosses et des sièges épiscopaux, des Couvertures d'évangéliaires, des autels portatifs, des reliquaires, etc. Jusqu'à l'époque de l'invasion lombarde, la sculpture n'avait guère franchi l'intérieur des basiliques, soit parce que les statues en matières précieuses ne pouvaient être exposées au dehors, soit pour ne point rappeler à la foule à peine convertie le culte des idoles. Sous les Lombards, les portails commencèrent à se décorer de sculptures: les statues de Roland et d'Olivier, qu'on voit encore aujourd'hui à la cathédrale de Vérone, datent de cette époque; elles attestent la barbarie des artistes, aussi bien que les bas-reliefs de la Porte Romaine à Milan, qui leur sont cependant postérieurs de deux siècles. Ce fut seulement sous l'influence du goût byzantin que la sculpture entra dans une voie de progrès. Dès la fin du IXe siècle, un artiste lombard, Volvinius, exécuta en orfèvrerie au repoussé le célèbre revêtement d'autel de l'église St-Ambroise à Milan. Au XIe, les portes de bronze sculptées, qu'on apporta de Grèce pour décorer les portails des églises de St-Marc à Venise, de St-Paul à Rome, et du Dôme de Naples, servirent de modèles aux portes des cathédrales d'Amalfi et de Bénévent, plus tard à celle de Pise, coulée en 1180 par Bonanno, et à celle du baptistère de St-Jean-de-Latran, à Rome, exécutée en 1203 par Pierre et Hubert de Plaisance. Les noms de quelques autres artistes du XIIe siècle nous ont été conservés; ce sont : Guillaume, qui fit les bas-reliefs du Dôme de Modène; Nicolas de Ficarolo, qui décora S'-Zénon de Vérone et le Dôme de Ferrare; Antelami, qui travailla à Parme, Robert à Pise, Biduino à Lucques, Gruamonti à Pistoia. Leurs oeuvres offrent une certaine élévation de conception, mais l'exécution est encore barbare. Au XIIIe siècle, Nicolas de Pise, sculpteur en même temps qu'architecte, donna une nouvelle direction aux études. Élève de maîtres grecs qui travaillaient au Dôme de sa patrie, il suivit d'abord leur manière: mais, frappé de la beauté decertaines sculptures antiques qui avaient été rapportées de Grèce par les Pisans, il médita sur ces modèles, suivit les principes qu'ils enseignent, et ramena l'art à l'étude de la nature. Les sculptures des chaires de Pise et de Sienne, celles du tombeau de Saint Dominique à Bologne, attestent les progrès qu'il accomplit. Au siècle suivant, André de Pise fit l'une des portes du baptistère de Florence; parmi ses élèves ou imitateurs, André Orcagna sculpta l'autel d'Or San Michele, Massucio les tombeaux du roi Robert et de la reine Sanche à Naples, Alberto di Arnoldo la madone du Bigallo à Florence, Lamberti celle de la Miséricorde à Arezzo, Lanfrani le tombeau des Pepoli à Bologne, Bononi da Campione le tombeau de Can della Scala à Vérone, Balduccio celui de St Pierre martyr à Milan, Calendario les chapiteaux ornés de statues du palais ducal à Venise, etc. Dans le même temps, Cition, père d'Orcagna, son élève Léonard, Pierre de Florence, Giglio de Pise, Jacob d'Ognabène, faisaient l'autel de la cathédrale de Pistoia et celui du baptistère de Florence, deux oeuvres remarquables d'orfèvrerie. Quand vint la Renaissance, la sculpture se développa rapidement par l'étude de l'Antiquité, et acquit cette habileté d'exécution pratique qui manquait à l'âge précédent. Une école se forma à Sienne, sous la direction de Jacopo della Quercia, surnommé della Fonte à cause de la fontaine Gaja (charmante) qu'il y exécuta, et dont on voit aussi de beaux ouvrages à Lucques et à Bologne: elle compta d'excellents artistes, Mathieu de Lucques, Nicolas de l'Arca, Vecchietto, Nicolas di Piero, etc. Mais Florence produisit des sculpteurs plus remarquables encore. Laurent Ghiberti fit ses deux célèbres portes en bronze du Baptistère, dans les bas-reliefs desquelles il sut allier à la simplicité et à l'élévation de là conception la noblesse de l'ajustement, la beauté de la forme, la pureté de l'exécution et l'effet pittoresque. Il fit encore plusieurs statues en bronze pour l'église d'Or San Michele, les tombeaux de St-Zénobius et de St Protus, des bas-reliefs pour l'église St-Jean de Sienne, divers ouvrages d'orfèvrerie aujourd'hui perdus, mais dont Vasari vante le goût et la délicatesse. Donato ou Donatello fut celui qui imprima le mieux à l'école florentine, et même à toute la sculpture italienne, le caractère de naturalisme qu'elle a toujours conservé depuis. Exclusivement préoccupé de la vérité et de l'imitation exacte, oubliant que la beauté est une des conditions vitales de l'art, il descendit jusqu'au réalisme. Ses oeuvres se distinguent moins par la force et la noblesse de la pensée que par l'expression profonde des formes : elles révèlent une grande science anatomique, une rare habileté d'exécution, et la connaissance des effets des passions de l'âme sur le corps. Ses principaux ouvrages sont, à Florence, les statues de St Pierre, de St Marc, de St Georges, de Judith, de David, et divers bas-reliefs à St-Laurent et dans le Dôme; à Padoue, des bas-reliefs dans la cathédrale, et la statue équestre de Cattamelata. On doit une place à part à Lucas della Robbia pour ses sculptures en terre cuite et vernissée, où la pureté du goût et un style presque antique s'unissent à la naïveté du moyen âge. A la suite de Ghiberti, de Donato et de Lucas della Robbia, citons l'architecte Brunelleschi, dont on voit un beau crucifix de bois à Sta-Maria-Novella ; Filarete, qui sculpta les portes de St-Pierre de Rome; Antoine Rossellini, auteur des tombeaux du cardinal de Portugal à San-Miniato et de Marie d'Aragon à Naples; Bernard Rossellini, son frère, qui fit le mausolée de Marzuppini à Ste-Croix de Florence; Benoît Majano, dont on a le mausolée Strozzi à Florence; André Verrochio, dont Venise possède la statue de Colleoni, coulée en bronze après sa mort par Alexandre Leopardi; André Sansovino, dont le groupe de Ste Anne, la Vierge et d'enfant Jésus à St-Augustin de Rome est la plus belle production; Vellano, Jean de Pise, Bertoldo, Nanni di Banco, élèves de Donatello; Désiré de Settignano, Augustin de Guccio, Minio de Fiesole, les frères della Robbia, qui suivirent plutôt la manière de Ghiberti; enfin Rusticci, Baccio de Montelupo, Benoît de Rovezano, etc. A Rome s'illustra Paolo Romano, qui fit les statues en argent des Apôtres, fondues par les Allemands lors du sac de la ville en 1527. A Naples parurent André Ciccione, auteur du tombeau de Ladislas, et Aniello Fiore, dont l'église St-Dominique renferme les ouvrages. Les progrès de la sculpture furent plus lents dans l'Italie septentrionale, presque entièrement dépourvue de monuments antiques ; cependant on peut citer à Venise deux familles de sculpteurs, celle des Bon (Jean, Pantaléon et Barthélemy), dont le faire naïf rappelle encore les traditions de l'école byzantine, et celle des Lombardi, célèbres aussi comme architectes, et qui ont subi davantage l'influence de modèles antiques. La sculpture d'ornement est devenue une branche importante de l'art. Là encore il faut citer Ghiberti, Brunelleschi, Lucas della Robbia, qui avaient commencé par être orfèvres, et les Lombardi. Au nombre des ornemanistes célèbres figurent aussi Riccio Briosco, qui fit le candélabre de St-Antoine de Padoue; Alexandre Leopardi, auteur des piédestaux en bronze de la place St-Marc à Venise; Basti, Bambaja, Brambilla, Agrate, qui travaillèrent à la Chartreuse de Pavie. L'orfévrerie a pris aussi un développement considérable : Leonardo di Ser Giovanni, Bartoluccio Ghiberti, Verrochio, Cennini, Pollajuolo, et surtout Benvenuto Cellini, la portèrent à un haut degré de perfection. Le dernier a laissé aussi des oeuvres de statuaire, telles que le Persée de la Loggia des Lanzi, à Florence, et la Nymphe de Fontainebleau. Comme il avait fait pour les formes architectoniques, Michel-Ange se mit presque toujours au-dessus des règles de la sculpture, et employa la forme humaine à des créations colossales, dans lesquelles le style et l'expression ont un caractère en quelque sorte surhumain. Ses principales oeuvres sont : les statues du Matin, du Midi, du Soir et de la Nuit, au tombeau des Médicis; la statue de Laurent de Médicis, connue sous le nom de Pensiero: le Moïse du tombeau de Jules Il à Rome; les deux figures d'esclaves que possède le Musée du Louvre. Le Bacchus et le David de Florence, la Pitié à St-Pierre de Rome, le Christ de l'église de la Minerve, l'Ange qu'on voit à l'église de St-Dominique de Bologne, tous ouvrages de la jeunesse de Michel-Ange, n'offrent pas la même recherche du grandiose, et ont une vérité plus humaine. Les élèves les plus illustres de Michel-Ange furent : Montorsoli, Montelupo, Guillaume della Porta, auteur du tombeau de Pie III à St-Pierre de Rome; Ammanati, qui fit la fontaine de la place du Grand-Duc à Florence; Danti Bandini, etc. II eut aussi un rival, Baccio Bandinelli; qui décora de statues et de bas-reliefs le choeur de la cathédrale de Florence, et dont la fausse grandeur, l'exagération, le mauvais goût, contribuèrent puissamment à la décadence de la sculpture italienne. A partir du XVIIe siècle, en effet, les sculpteurs recherchent, non plus la beauté de la ligne, mais l'expres sion et l'effet pittoresque. Le Bernin eut le caractère théâtral et affecté en sculpture comme en architecture : rien de plus pompeux que les statues de Constantin et de Longin à St-Pierre de Rome, de plus expressif que la figure de Ste Bibiane, de plus sensuel que celle de Ste Thérèse à l'église de la Victoire. On voulait donner alors au marbre la souplesse de la chair et des étoffes. Mocchi, Raggi, Bolgi, Ferrata, Aspetti, Baratta, Fansaga, Algardi (tombeau de Léon XI, sculptures de la villa Pamfili, etc.), prirent le Bernin pour modèle. Cioli, Foggini, Mosca, Scalza, Lorenzetto, sacrifièrent moins à l'extravagance. Les oeuvres de Jean de Bologne sont également conçues et exécutées dans un meilleur style que celles du même temps : il suffit de citer l'Enlèvement des Sabines à Florence, le Mercure de Bologne, la fontaine de Boboli. Stefano Maderno est aussi l'un des artistes qui protestèrent, mais à peu près en vain, contre les erreurs de l'art. - La décadence a continué pendant le XVIIIe siècle, où Rusconi et Pompeo Battoni sont les seuls sculpteurs qui méritent une mention. Vers la fin du siècle, le Vénitien Canova entreprit de régénérer la statuaire, en la ramenant vers l'étude de l'Antiquité : mais ses oeuvres à lui-même ne sont que des imitations assez pâles, sans énergie, où la grâce remplace la véritable beauté. Parmi ses élèves on peut citer : Antonio d'Este, célèbre par ses bustes et ses reliefs; Giuseppe de Fabris, auteur des monuments du Tasse et de Léon X; C. Tadolini, G. Finelli, les deux Ferrari, et surtout Bartolini et Pompeo Marchesi, les premiers de tous. En dehors de cette école, Gaëtano Monti, B. Comolli, Sangiorgio, Putti, Pampaloni, Persico, ont acquis une certaine réputation. Enfin, le Danois Thorwaldsen, pendant son séjour en Italie, a formé quelques disciples, Galli, Benzoni, Tenerani etc. (B.). | |