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Les poussières interstellaires

Aperçu
Les poussières peuvent se rencontrer à la périphérie des étoiles froides, et certaines géantes rouges peuvent ainsi s'entourer d'une véritable coquille de poussières, faite à partir de la matière refroidie qu'elles ont soufflé dans l'espace. Les poussières ainsi formées finissent par se disperser dans l'espace, et l'on peut alors les distinguer par leur rayonnement infrarouge, au sein de nuages diffus, appelés cirrus infrarouges. Mais au final, le lieu de prédilection pour les poussières interstellaires, ce sont le nuages moléculaires géants, froids et accueillants.

Ces poussières sont constituées de grains très fins, de l'ordre d'un demi-micron. Selon le modèle le plus communément étudié, elles sont constituées d'un noyau de silicates et de graphites, enrobé de matériaux volatiles, dans lesquels domine la glace d'eau, mais dans lequel ont peut aussi rencontrer toutes sortes de molécules, à commencer par de l'ammoniac, également sous forme de glace.

Des usines moléculaires - Dans de nombreux cas, les poussières constituent d'ailleurs vraisemblablement les sites de fabrication des molécules que l'on rencontre ensuite sous forme de gaz. C'est en tout cas ainsi que l'on comprend l'origine des molécules d'hydrogène H2, qui ne se formeraient pas, ou peu, sans la médiation des poussières.

Un modèle fractal de poussière interstellaire (La géométrie fractale).
(Source : Edward L. Wright, UCLA).

Les modèles les plus récents des poussières interstellaires font voir les grains qui les constituent comme des assemblages plus complexes. Des agglomérations qui rappellent un peu nos "moutons". Quoi qu'il en soit, les poussières interstellaires représentent environ 2% de leur masse des nuages moléculaires géants. Grâce aux poussières qui les rendent opaques, il est tout à fait possible d'observer à l'oeil nu plusieurs nuages moléculaires géants, et d'autres plus petits...


Mise en ordre
Les nébuleuses sombres

Il suffit, une nuit, de tourner son regard en direction de la Voie lactée, dans les constellations de l'Aigle et du Cygne. Les concentrations de poussières de deux grands nuages y interceptent si bien la lumière des étoiles en arrière plan, que ces nuages nous apparaissent à contre-jour, comme de longue traînées sombres, appelées des rifts, qui divisent en deux le cours de la Voie lactée. Le rift de l'Aigle et du Cygne, situés à plusieurs milliers d'années-lumière de nous, figurent parmi les nuages moléculaires géants les plus proches du Système solaire. Mais il existe aussi de très nombreuses autres condensations, plus petites (entre une année-lumière et quelques dizaines d'années-lumière de diamètre) et parfois plus proches, à l'image du Sac de Charbon, dans la constellation de la Croix, qui maculent çà et là la Voie lactée de taches sombres. Ces objets, appelés des nébuleuses par absorption, peuvent se comprendre comme des fragments de nuages moléculaires géants, souvent arrachés au cours du démembrement provoqué par une processus massif de formations d'étoiles.


Les Sac de Charbon.

Globules de Bok.

L'observation télescopique révèle que certaines de ces masse opaques, de plus petites dimensions, peuvent également apparaître sur fond de nébuleuses brillantes. On les connaît sous l'appellation d'objets de Barnard (du nom de Edward Barnard, qui en a dressé un catalogue), et, pour les plus petits d'entre eux, sous celle de globules de Bok (du nom de Bart Bok). Parfois ces globules sont en contraction. Environ 35% d'entre eux semblent ainsi s'acheminer à terme vers le démarrage du processus d'astration. Parmi les objets de Barnard, citons Barnard 33 (nébuleuse de la Tête de Cheval) dans Orion, et Barnard 68, dans Ophiuchus. Par ailleurs, de beaux exemples de globules de Bok peuvent dénichés dans IC 2944 (Centaure).

Pas si sombres que cela! - Les nébuleuses sombres sont sombres parce que les poussières qu'elles contiennent absorbent efficacement les rayonnements de certaines longueurs d'onde, à commencer par la lumière visible qu'elles interceptent. Mais en absorbant ainsi de l'énergie, elles s'échauffent. Un échauffement qui ne se poursuit pas indéfiniment. La température des poussières est en général de l'ordre d'une dizaine de kelvins. Quand le "réservoir" est plein, elles doivent restituer l'énergie reçue. En fait, elles le font au fur et à mesure. Elles émettent donc du rayonnement, mais la distribution de l'énergie en fonction de la longueur d'onde est différente (Rayonnement de corps noir). Les photons réémis transportent, chacun, une énergie moindre, dont la distribution, au total, a son maximum aux longueurs d'ondes de l'infrarouge. Les nébuleuses sombres sont les sources d'un intense rayonnement thermique en infrarouge. Certaines d'entre elles, qui englobent des nids où commencent à se former des étoiles, telles l'objet de Becklin-Neugebauer (au coeur du Trapèze dans la Nébuleuse d'Orion), ne sont d'ailleurs connues que par leur rayonnement infrarouge hors normes. Dans une galaxie comme la nôtre, les poussières interstellaires absorbent et réémettent la moitié du rayonnement produit. Mais dans certaines galaxies particulières, dites galaxies infrarouges ultralumineuses, ou galaxies ultralumineuses en infrarouge, c'est pratiquement tout le rayonnement produit qui est "traité" par les poussières.
Les nébuleuses par réflexion

Il peut arriver que les poussières, au lieu de s'interposer, laissent filtrer la lumière d'étoiles en arrière plan. Cela créera un phénomène de diffusion comparable à celui qui, par le biais des particules présentes dans l'atmosphère terrestre, est responsable du bleu du ciel. Ces poussières peuvent également réfléchir simplement la lumière d'étoiles brillantes proches. Cela donnera naissance à ce que les astronomes appellent des nébuleuses par réflexion. L'exemple le plus connu est celui des nébulosités bleutées qui entourent les principales étoiles des Pléiades (Taureau). Le spectre de ces nébuleuses est le même que celui des étoiles illuminatrices, puisqu'il s'agit de la même lumière, qui est seulement renvoyée dans une direction différente.
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Nébuleuse par réflexion IC 2118 (Tête de Sorcière).
La nébuleuse par réflexion IC 2118 (= la Tête de Sorcière). Elle est éclairée par la lumière de Rigel (constellation d'Orion).

Les Proplyds et les Eggs

Les Proplyds
Ces objets, d'apparition récente dans le bestiaire astronomique, sont des condensations de gaz et de poussières compactes repérées dans les régions où naissent des étoiles. Ils sont interprétés comme des condensations de matière autour d'une étoile en formation. Les proplyds sont donc en quelque sorte la matière première à partir de laquelle pourront éventuellement se former aussi des planètes. Leur nom renvoie résume cette identification, puisqu'il est la contraction de protoplanetary disk (= disque protoplanétaire). Les proplyds peuvent s'observer en ombres chinoises, se détachant sur le fond brillant d'une nébuleuse, ou bien par réflexion. Les deux cas sont attestés dans la nébuleuse d'Orion (M 42), qui est la région où la majorité des objets connus actuellement se situent.


Proplyds.

Eggs.
Les Eggs*
Il s'agit de condensations de matière interstellaire qui enrobe non plus une, mais présumément un groupe d'étoiles en formation. Ils apparaissent, par exemple, dans la Nébuleuse de l'Aigle (M 16) dans le Serpent, comme les extrémités de "piliers" ou de "projections" se détachant sur fond de nébuleuse. Leur nom est l'acronyme de evaporation gaseous globules (globules gazeux en évaporation).
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La photo-évaporation

Les eggs ont de nombreux points communs avec le proplyds, si ce n'est qu'ils correspondent à une échelle plus grande, et à une étape plus précoce du processus de formation stellaire (les études infrarouges de ces globules montrent d'ailleurs que si astration il y a, elle n'est vraiment pas très avancée). La caractéristique la plus notable de ces objets, à savoir est qu'ils se distinguent clairement de leur environnement immédiat pratiquement vide, tient à même cause : la présence dans leur voisinage d'étoiles massives, responsables d'un processus de photo-évaporation.

Ces étoiles ont un vent stellaire puissant et surtout un rayonnement excessivement agressif (il est très riche en UV, notamment). Il s'ensuit qu'elles font littéralement le vide d'elles. Seules peuvent résister à ce lessivage par la lumière les concentrations de matière retenues par un champ gravitationnel important, celui qui entoure une étoile ou un groupe d'étoiles en formation. Mais combien de temps peuvent-elles résister à cette abrasion, également destructrice des poussières et des molécules, avant d'être dispersée à leur tour? Des étoiles parviendront-elles à naître vraiment au coeur des eggs? Des planètes peuvent-elles se former au sein des proplyds? Dans un milieu aussi violent, le processus peut être inhibé précocement.

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