| L'enseignement des Carrache et l'exemple de Caravage sont désormais perdus. En vain les plus grands peintres étrangers sont venus en Italie pour y chercher ces leçons que demandaient déjà au passé les maîtres de Bologne; en vain Rubens à Rome, Van Dyck à Gênes, ont laissé des chefs-d'oeuvre ; en vain Nicolas Poussin, l'admirateur du Dominiquin, et Claude Lorrain ont vécu à Rome, comme Valentin à Naples; ils furent admirés, mais nul ne se trouva assez fort pour imiter la composition de l'un et la lumière de l'autre, et l'Italie, en attendant la facile et frivole peinture de genre où elle devait se perdre, ignora le paysage et vécut sur la peinture religieuse dégénérée. Pendant toute la première moitié du XVIIIe siècle, tandis que Rome, Florence, Naples, Bologne se remplissent de tableaux devant qui, un siècle plus tard, le voyageur passera donc avec dégoût, c'est à Venise que se concentre toute l'activité artistique. Il y a ici une magnifique floraison avec Antonio Canale, dit « il Canaletto-» (1697 - 1768), et son élève Francesco Guardi (1712-1793), Giambattista Tiepolo et son fils Domenico; enfin Pietro Longhi. Giambattista Tiepolo (1693-1769), c'est la fantaisie exquise, l'abondance décorative d'un Véronèse modernisé. Ses fresques aux sujets pimpants couvrent palais et temples avec une aisance jamais lasse. Dans ses magnifiques peintures décoratives, brossées si hardiment dans un ton si clair et si fin, on retrouve la noblesse des vieux maîtres unie à la légèreté et à la grâce du XVIIIe siècle français. Mais il est assez isolé. Son fils Domenico eut moins de feu. - Allégorie des planètes et des continents, par Tiepolo (détail). Antonio Canale, d'abord peintre de décorations de théâtre et d'antiquités, présente l'originalité de s'inspirer de la seule Venise : de ses perspectives monumentales, de ses canaux animés de gondoliers, innovant un art très neuf, très vrai, réaliste avec une charmante fantaisie et dont raffolent avec justice Vénitiens et touristes. Aussi est-il appelé en Allemagne et séjourne-t-il longtemps à Dresde, où, sur les bords de l'Elbe, il peint des vues admirables par la fermeté du dessin et la limpidité du coloris; à Londres, où il gagna des sommes considérables. Autre merveilleux magicien, Francesco Guardi (1712-1793) reste fidèle à Venise et éclaire ses délicieuses compositions d'une lumière d'une exceptionnelle qualité. Ses architectures sont animées d'une foule de figures d'une aisance parfaite et présentées dans une note claire, pimpante, qui n'a rien à envier au prestigieux G.-B. Tiepolo. Quant à Longhi, c'est le peintre de la vie intime de Venise, le chroniqueur des plaisirs, des intrigues de ses citoyens. Il en narre les épisodes d'un crayon précis et d'un pinceau aux colorations justes, parfois piquantes. - La Leçon de danse, par Pietro Longhi (ca. 1741). Le retour à l'Antiquité dont le signal fut donné en Italie même par l'émotion que produisirent les premières fouilles d'Herculanum (1785), et dont les principes furent posés à Rome par Winckelmann, ne provoqua pas dans l'art italien un changement profond. A l'architecture néo-classique, mise à la mode en France sous Louis XVI, on ne peut rattacher qu'un monument notable, la villa Albani, ce temple de Winckelmann. Raphaël Mengs (1728-1779), l'ami du grand théoricien allemand, chercha des modèles, non dans l'Antiquité, mais dans la grande Renaissance; il fut plutôt le dernier des éclectiques de l'âge précédent que le premier des « néo-Grecs ». Seul avant Canova, un artiste extraordinaire, l'aqua-fortiste Giambattista Piranesi (1720-1778), dut à l'étude des ruines antiques la révélation de son talent; encore est-il moins admirable pour la fidélité de ses dessins que pour la virtuosité de sa pointe et la richesse de son imagination. (E. Bertaux / HGP). | |