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Histoire de l'art > La peinture |
La peinture allemande à la Renaissance |
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Il y avait en Allemagne une peinture très riche, très développée, ayant ses caractères propres, qui s'étaient affirmés dans les écoles du Moyen âge lorsque survint la Renaissance. L'influence flamande - celle des van Eyck par exemple - s'était fait sentir déjà. Au réalisme foncier des écoles allemandes, qui s'accorde d'ailleurs fort bien avec une imagination tout à fait fantaisiste, l'influence italienne vint ajouter le souci d'une beauté nouvelle et ouvrir des horizons inconnus, En même temps, le mouvement des esprits qui suivit la découverte de l'imprimerie et la Réforme avait sa répercussion dans la peinture, modifiait les idées des artistes et, en leur donnant de plus larges conceptions et un plus vaste choix de sujets ne laissait pas d'agir encore par là sur la technique. On regarde Hans Burgkmair (né à Augsbourg en 1472, mort en 1531) comme le premier artiste allemand qui ait rapporté d'un voyage au delà des monts les préceptes des peintres italiens. A partir de 1508, date de son retour à Augsbourg, ses tableaux perdent un peu de leur aspect tout gothique. Les fonds d'or, selon la tradition du Moyen âge, font place à des fonds de paysage mis soigneusement en harmonie avec le sujet principal du tableau : ainsi dans le Saint Jean à Pathmos, de la pinacothèque de Munich. Burgkmair était même assez pénétré des idées de la Renaissance pour peindre en 1529 une Bataille de Cannes. L'Histoire d'Esther de Hans Burgkmair (1528, Munich). Dürer. Dans l'oeuvre considérable de Dürer, il faut distinguer deux parts : la peinture et la gravure; rappeIons pour mémoire ses travaux théoriques sur la géométrie, la fortification, les proportions du corps humain : ils lui donnent quelque ressemblance avec un autre souverain maître de la Renaissance, Léonard de Vinci. Dürer, dont on a des oeuvres datant de sa première jeunesse (ainsi son celèbre portrait à la mine d'argent, à l'âge de treize ans), étudia longtemps, d'après ses maîtres préférés, parmi lesquels il faut citer Schongauer et Mantegna, qu'il a souvent imités. C'est sous l'influence de ce dernier qu'il peignit ses premières toiles : l'Ensevelissement du Christ, la Vierge avec l'enfant, Saint Sébastien et Saint Antoine du musée de Dresde, et le Combat d'Hercule avec les oiseaux du lac Stymphale (à Nuremberg), celle-ci de très petites dimensions. En 1506 se place son séjour à Venise. Il y apprit à manier le clair-obscur (L'Ecole vénitienne) et en rapporta son dramatique Crucifiement du musée de Dresde. Son Jésus disputant avec les docteurs (palais Barberini) date à peu près du même moment. L'Adoration des mages est la plus belle et la plus expressive des oeuvres de cette période : originalité de la conception, harmonie et variété de la composition, recherche et soin du détail, tous les caractères de la peinture de Dürer y sont réunis. Il ne gagnera plus qu'une science plus parfaite, une fantaisie encore plus riche et une La Fête du Rosaire, par A. Dürer (1506, Prague). Parmi ses tableaux à sujets religieux, citons encore une Assomption et une oeuvre célèbre du musée de Vienne faite en 1511 les Saints adorant la Trinité, qui représente Dieu le Père, entouré d'anges et de saints à qui se joint la conmunauté chrétienne et qui porte entre ses bras la croix à laquelle est attaché le Christ. Plus bas, au milieu d'un vaste paysage, Dürer s'est représenté lui-même appuyé contre une table. Un autre ensemble de peintures montre avec quel soin il étudiait le nu, en connexité avec ses théories sur les proportions du corps humain : la pièce la plus fameuse en est l'Adam et Ève du musée du Prado, à Madrid, qui date de son retour de Venise, ou encore sa Lucrèce de la pinacothèque de Munich, qui révèle l'attrait de l'antique sur son esprit. Albrecht Dürer se montra aussi portraitiste excellent . On possède son propre portrait, ceux de son épouse, de son père, de son maître Wolgemut, le portrait de cardinal, du Louvre, les portraits de Kleberger, à Vienne, d'Albert de Brandebourg, de Frédéric le Sage, d'Erasme de Rotterdam, etc. Après son voyage aux Pays-Bas (1521), il exécuta le portrait du patricien nurembergeois Jérôme Holrzchuher (Berlin), qui exprime de la manière la plus parfaite son génie et réunit toutes ses qualités de réalisme attentif et minutieux, en même temps que d'exécution large. La dernière oeuvre peinte qu'air produite Dürer, ce sont les Quatre Apôtres ou les Quatre Tempéraments, auxquels il avait longtemps travaillé. Cette oeuvre célèbre, qui se trouve aujourd'hui à Munich, était destinée dans la pensée du maître à affirmer son adhésion au protestantisme, car les quatre apôtres qu'il a choisis - saint Jean, saint Pierre, saint Paul et saint Marc - sont aussi ceux à qui Luther avait demandé la doctrine chrétienne pure et originelle.
L'oeuvre gravé de Dürer égale son oeuvre peint par l'originalité et le génie : il le dépasse par le nombre et par la fécondité de l'invention. Ses gravures, où une scrupuleuse observation de la nature s'unit à la pleine fantaisie d'une imagination germanique, forment un incomparable ensemble. Le premier recueil qu'il publia fut une Apocalypse, qui date de 1498, par conséquent de sa jeunesse, et où sa manière s'affirme déjà avec netteté, notamment dans les pages qui représentent les quatre Cavaliers apocalyptiques et la Lutte de l'archange saint Michel avec le Dragon. Une Passion du Christ et une Vie de la Vierge suivirent, puis une Grande Passion en douze feuilles, une Petite Passion en trente-six et une Vie de la Vierge en dix-neuf. Cependant Dürer, avançant dans sa carrière, se préoccupait à la fois de perfectionner la technique de la gravure et d'exprimer par son crayon des idées et des sentiments plus délicats et plus élevés; trois planches représentent particulièrement ces tendances : le Chevalier, la Mort et le Diable, où Dürer a symbolisé l'homme d'action qui ne craint rien fors Dieu; la Mélancolie, qui doit nous persuader de l'impuissance et des limites du savoir humain; enfin Saint Jérôme dans sa cellule enseigne que la paix du coeur et de l'esprit ne se trouve que dans l'étude de la vérité révélée. Holbein le Jeune. C'est comme portraitiste que Holbein le Jeune a pris sa place dans l'histoire. Il garde, très accusé, le caractère réaliste propre à l'Ecole allemande, mais il y mêle une harmonie, une noblesse, un certain idéalisme enfin, que l'on remarquait déjà à l'état de tendance chez son père, Holbein le Vieux, et qui attestent la meilleure influence classique. La famille de l'artiste, par Holbein. Les portraits d'Arnerbach, de Froben, du bourgmestre Meier et de sa femme, sont les premiers que l'on connaisse de sa main. Plus tard il peignit le portrait de sa femme et de ses enfants. Le célèbre profil d'Erasme (au musée du Louvre et à Bâle) est peut-être son chef-d'oeuvre par son exécution vigoureuse et sa composition concentrée. Outre les portraits, Hans Holbein peignit encore des scènes religieuses. Le Christ mort du musée de Bâle est d'une vérité d'expression, d'un strict naturalisme, qui seraient presque effrayants. Mais le plus beau des tableaux religieux de Holbein c'est, sans conteste, la Madone du bourgmestre Meier, dont l'original se trouve à Darmstadt et une bonne réplique à Dresde. La Vierge, dont les traits ont une finesse et une pureté admirables, est debout, dans une attitude à la fois noble et douce, tenant l'Enfant Jésus entre ses bras. A ses côtés sont agenouillés, d'une part, le bourgmestre et ses deux fils; de l'autre, ses deux femmes et sa fille. Ce mélange de figures idéales et réelles, le sentiment qui anime ce tableau, son exquise composition lui confèrent tous les caractères d'un chef-d'oeuvre. La Vierge entourée de saint Ursin et de saint Martin qui est au musée de Soleure pourrait presque lui être égalée. Une Sainte Cène et une Passion (au musée de Bâle) montrent que Holbein a connu certainement les peintres de l'École de Milan et de l'Ecole de Padoue. Quoique certains biographes soutiennent le contraire, on peut croire qu'il visita l'Italie vers 1525. Le Marchand Gisze, par Hans Holbein. A l'automne de 1526, Holbein se rendit en Angleterre, où il espérait exercer plus fructueusement son métier de peintre. Son espérance ne fut pas trompée : il fut accueilli avec la plus grande faveur. Revenu à Bâle en 1529, il ne tarda pas à retourner à Londres où il entra au service du roi Henri VIII et devint le peintre officiel de la cour. Attaché désormais presque uniquement à la peinture de portraits, il peignit à plusieurs reprises la famille royale d'Angleterre (Henri VIII, Jane Seymour, Anne de Clèves), les grands seigneurs anglais et divers personnages, tels que le Sieur de Morette (à Dresde), le Marchand Gisze (à Berlin) et le Fauconnier royal Robert Cheseman (à La Haye). C'est à Londres que Holbein mourut en 1545. L'oeuvre gravé de Holbein, sans égaler celui de Dürer, ne laisse pas d'être original et important. Dans ses Simulacres de la Mort exécutés en 1527, mais publiés seulement pour la première fois à Lyon en 1538, on retrouve l'idée si souvent exprimée au Moyen âge, et sous les formes les plus expressives, de l'égalité de tous devant la tombe. A côté de ce recueil célèbre, il faut encore citer les Images de l'Ancien Teslament et une Histoire de la Passion, en dix feuilles, du naturalisme le plus émouvant. Cranach. Ce peintre, qui s'appelait proprement Lucas Müller, fit sien le nom de sa ville natale, Cranach, en Franconie, où il naquit en 1472. Peintre de la cour de Frédéric le Sage en 1504, citoyen et même bourgmestre de la ville de Wittenberg, foyer de la Réforme, attaché plus tard au service de Frédéric le Magnanime, il partagea sa captivité à Augsbourg après la malheureuse guerre de Smalkade et le suivit enfin à Weimar, où il mourut en 1553. Un Repos en Égypte, daté de 1504, est la première oeuvre qu'on lui attribue avec certitude. Chose remarquable, Cranach semblait à ce moment plus pénétré des formes et de l'esprit de la Renaissance qu'il ne le fut plus tard. En avançant dans sa carrière, on le voit en effet accentuer jusqu'à la gaucherie et à la naïveté son réalisme. Son coloris, d'abord harmonieux et fondu, se fait plus pauvre. Il rétrograde peu à peu vers les procédés des vieilles écoles du Moyen âge allemand. Portrait du Docteur Johannes Scheyring, par Lucas Cranach. Des nombreux sujets religieux qu'il a peints, les premiers appartiennent à la manière qu'on pourrait appeler catholique telles sont la Madone aux raisins de Munich, la Vierge sous le pommier de Saint-Pétersbourg. Peu à peu, les madones, qu'il a exécutées en très grand nombre, perdent leur caractère idéal pour prendre l'air simple, affable et raisonnable des ménagères allemandes. Cranach apparaît ainsi comme un artiste tout à fait national. A sa seconde manière, d'inspiration protestante, appartiennent des oeuvres comme la Loi et la Grâce, la Chute et la Rédemption, dans l'église de Wittenberg, et, au même lieu, une vaste peinture où l'on voit, au centre, la Sainte Cène, tandis qu'à gauche Mélanchthon baptise, à droite Bugenhagen lie et délie, et Luther prêche dans la partie inférieure. L'église paroissiale de Weimar possède une oeuvre à peu près pareille qui représente le Christ crucifié et, au pied de la croix, Luther et Cranach lui-même, qui reçoit le sang divin. A côté de ces oeuvres symboliques, Cranach a laissé de nombreux portraits, d'un réalisme indiscutable, qui sont de précieux documents historiques : il a fixé ainsi pour la postérité les traits de Luther, de Mélanchthon, de Catherine de Bora, des princes de Saxe, etc. On trouve encore dans son oeuvre de nombreux sujets antiques et mythologiques, mais dont l'esprit est loin d'être classique : Vénus et l'Amour, Diane et Apollon, le Jugement de Pâris, Hercule et Omphale, et de nombreuses Lucrèces, selon la coutume des ateliers du temps. Cranach n'y voyait d'ailleurs qu'un motif d'études sur le corps humain, qu'il poursuivait dans un esprit de naturalisme de plus en plus consciencieux et accusé. Holbein, par sa vie errante, s'attacha peu de disciples. Pourtant, à Bâle et dans la Suisse allemande, son influence agit sur quelques peintres, dont Ie plus marquant est Nicolaus Manuel Deutsch, de Berne, d'un talent multiforrne et qui peignit une Danse des morts dans l'esprit de la Réforme, vive satire dirigée contre le clergé romain. L'influence de Dürer fut incomparablement plus étendue. On la discerne déjà à quelque degré dans I'École souabe, remarquablee par le nombre et la qualité de ses peintres. Nous avons vu qu'à Augsbourg Hans Burgkmair fut à certains égards un précurseur. Christophe Amberger fut aussi un portraitiste remarquable. Ulm fut surtout le centre d'une grande activité artistique au XVIe siècle. Martin Schallner, dont les oeuvres, qui représentent toujours des sujets religieux, expriment dans une harmonieuse composition toute la sensibilité de la culture germanique, en est le plus illustre peintre, avec Bernard Strigel, Iongtemps connu sous le seul nom de « maître de la collection Hirscher », et dont le tableau le plus expressif est un portrait de l'empereur Maximilien entouré de ses fils. Chez Mathias Grünewald, d'Aschaffenbourg, un séjour en Alsace ajouta I'influence de Schongaur à l'expression souriante et tendre, à la puissance dramatique, à la fougue du coloris. C'est surtout dans le retable d'Isenheim (au musée de Colmar) qu'éclate son originalité : il y révéla le plus étonnant coloriste, le plus saisissant des maîtres de la fantaisie. La génération suivante compta encore des disciples de Dürer, connus surtout en gravure sous le nom de « petits maîtres ». A leur tête se trouve Georg Pencz, né vers 1500 et qui exécuta d'après les cartons de Dürer les peintures de l'hôtel de ville de Nuremberg. On estime surtout de lui des gravures, qui sont d'un fini merveilleux; elles illustrent quelquefois des sujets bibliques, mais surtout, dans le plus pur esprit de la Renaissance, des scènes de la mythologie antique, de l'histoire et de la légende romaines et grecques ainsi la planche célèbre où il a représenté Compospe en cavalière, avec Aristote pour monture, guidant le philosophe du frein et du fouet. Comme Pencz, les frères Beham, nés aussi vers 1500, firent en leur oeuvre gravé la part infiniment plus grande aux sujets symboliques, comme les aimait Dürer, ou aux scènes mythologiques qu'aux sujets purement religieux. Portrait d'un homme, par Georg Pencz. D'autres artistes de la Renaissance allemande échappent à ces influences des maîtres nationaux. Jan Joest, dont les oeuvres principales se trouvent à l'église de Calcar, montre par sa soigneuse étude des jeux de physionomie, de l'expression des sentiments et des caractères qu'il fut à l'école des Flamands. Le Maître de la Mort de Marie (musées de Cologne, de Munich, etc.), dont on retrouve le pinceau en des oeuvres nombreuses, a fait percer l'influence italienne dans ses formes élégantes et riches, sa composition parfaite, son goût des beaux jardins, des appartements ornés, des vêtements somptueux. On présume d'ailleurs qu'il séjourna longtemps en Italie, car on retrouve de ses oeuvres jusqu'à Gênes et à Naples. A ce dernier représentant de l'école de Cologne se rattache Barthélemy Bruyn, auteur de tableaux religieux au coloris lumineux, de poétiques paysages et de portraits énergiques. (Jacques Bainville). |
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