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Les mini-étoiles
Naines rouges et naines brunes


Aperçu
Les plus petites étoiles constituent un nouveau domaine d'exploration pour l'astronomie. Leur étude a conduit à l'introduction de deux nouveaux types stellaires (L et T), qui prolongent en direction des masses décroissantes celui des naines rouges du type M. Ces dernières, dont la masse est inférieure à 0,3 masses solaires, sont encore des étoiles ordinaires. Mais à partir du type L, dans lequel on rencontre encore des naines rouges, commence un territoire commun à ces dernières et à des objets dont la masse est inférieure à 0,075 masses solaires, et appelées naines brunes. Pour ces astres qui, pour certains, peuvent aussi avoir un spectre de type M dans leur prime jeunesse, et qui sont en tout cas les seuls à avoir un spectre du type T, la combustion des noyaux d'hydrogène ne parvient jamais à démarrer.


Le système binaire Gliese 229.
Crédit : 60-inch Telescope, Palomar Observatory,
T. Nakajima (Caltech), S. Durrance (JHU).

Le terme de naine brune a été introduit en 1975, par Jill Tarter pour désigner des objets analogues aux étoiles, mais de masse substellaire. A cette époque, il s'agissait encore d'astres spéculatifs. La première observation attestée d'une naine brune date de 1995. Il s'agissait de Gliese 229B, dans la constellation du Lièvre, découverte par Oppenheimer et ses collaborateurs.
Ce qui se produit à l'intérieur de toutes ces mini-étoiles est, certes, ici encore fonction de leur masse et de leur âge. Mais elles diffèrent largement de leurs congénères plus massives autant par leur spectre et leur composition atmosphérique, témoins de leur basse température, que par leur physique et leur mode d'évolution. 
L'atmosphère
Rayonnant surtout dans le proche infrarouge, ces astres ont des températures suffisamment modérées pour que leur atmosphère abrite des molécules. Elles doivent même être prédominantes, comme pour les atmosphères des planètes géantes. Dans le cas des naines rouges les plus froides (type L) et de pratiquement toutes les naines brunes (types L et T), de véritables nuages doivent même exister.

L'intérieur
Celui des naines rouges similaire à celle des étoiles plus massives. Les noyau d'hydrogène fusionnent dans leur coeur pendant tout le temps où elles demeurent sur la séquence principale. Leur enveloppe, cependant, ne contient pas de zone radiative (comme par exemple à l'intérieur du Soleil) : elle est entièrement convective (La structure des étoiles). Dans le cas des naines brunes, la combustion du lithium et du deutérium peut pendant quelque temps un jouer un certain rôle, mais elle n'est pas essentielle aux mécanismes qui décident du devenir de ces astres. En fait, ce sont des objets qui sont en perpétuel refroidissement et contraction, se caractérisent principalement par l'état très compact, similaire à celui des naines blanches, de la matière qui constitue leurs régions internes, et appelé état dégénéré


Mise en ordre
Gueules d'atmosphères

Aujourd'hui, quantité de mini-étoiles, parmi lesquelles plusieurs centaines désormais de naines brunes ont été découvertes, notamment aux programmes d'observation systématique dans l'infrarouge 2MASS et DENIS. Ce nombre important d'objets a permis d'y distinguer deux classes spectroscopiques depuis 1999 :

Le type L : les naines L constituent un le lien spectroscopique entre les M et les T. Les naines M ont des températures autour de 2000 K. Les naines L (la première a été observée en 1988, et montrait dans la partie rouge du spectre des caractéristiques qui la distinguait des naines rouges classiques) typiquement entre 1300 K and 2100 K. Entre 2000 et 1400, les grains de silicates caractérisent leurs atmosphères. Vers 1500 K, c'est l'eau qui domine l'opacité et le CO, ainsi que des grains de silicates. Vers 2000 K s'ajoutent la marque claire d'oxydes métalliques tels que Tio et le VO.
 
La couleur des naines brunes
On a très tôt fait remarquer que les naines brunes ne devaient certainement pas être brunes (brown), à l'instar du fond du titre ci-dessus. Mais il a fallu attendre d'en observer quelques unes pour se faire une idée de leur couleur véritable. On sait désormais qu'elle peut varier entre le rouge et le pourpre (le fond de ce cadre donne une idée de ce qu'est la couleur d'une naine brune typique), selon le rôle variable que peuvent y jouer des éléments comme le NaD, les métaux alcalins, ou encore l'éventuelle présence en haute altitude de nuages d'eau. Quant aux naines L, on leur attribue plutôt une couleur magenta (bande ci-dessous).
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Le type T : Au dessous de 1500 K, eau, CH4, NH3, H2, et certain métaux. A partir de 1000 K, on entre dans le domaine des naines T (Gliese 229B, par exemple a une température effective estimée à 950 K), où le méthane, bien que déjà décelable dans certaines naines L, qui sont un sous-type de transition entre M et T où des nuages de silicates et de fer se forment dans l'atmosphère., présente une absorption caractéristique des naines T. Des nuages d'eau se forment pour les températures au dessous de 500 K dans la photosphère (qui devrait donner lieu à la définition d'une classe spectrale supplémentaire). Au dessous de 200 K des nuages d'ammoniac, style Jupiter. La différence entre T et L est surtout apparente dans la partie infrarouge du spectre. Ce sont toutes des naines brunes. Absorption en H2O et en H2 plus forte, bandes de CH4 fortes, en remplacement des bandes de CO caractéristiques des M.

Des nuages de NH3 et H2O peuvent se former au-dessous de 200 et 500 K respectivement. Des vieilles naines brunes dont les masses avoisineraient les 10 à 15 masses joviennes pourraient avoir des températures capables de voir se former des nuages d'ammoniac. Des nuages d'eau pourraient apparaître avec des naines des masses comprises entre 30 et 40 masses joviennes. Cela formerait sans doute un type spectral supplémentaire.

Objets de transition (L/T) : On connaît aussi des objets de transition entre les L et les T (CH4 et CO sont visible s ensemble en absorption).. C'est le cas de l'étoile étiquetée SDSS 1021. Ce qui a comblé la lacune que l'on croyait exister jusqu'en 2000 entre les plus petites étoiles proprement dites et les objets substellaires. En fait une jeune naine brune peut démarrer son existence avec un spectre de naine M, puis en refroidissant devenir une naine L, pour terminer en naine T. L'itinéraire est affaire de masse et d'âge. 
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Une naine brune en crise

LP 944-20, située à seulement 16 années-lumière dans la constellation du Fourneau, est l'une des naines brunes les plus proches de nous. Le 15 décembre 1999, le satellite X Chandra y a observé pour la première fois un sursaut de luminosité, ou flare, qui a duré quelques heures est similaire. Ce comportement inattendu, atteste cependant de la parenté de cet astre d'une cinquantaine de masses solaires avec les naines rouges, familières de ce genre d'éruptions dont l'énergie est comparable à celle du Soleil.


Sursaut X de LP 944-20. Source : Chandra Photo Album.


Rouages
L'énergie des naines brunes

A cause de l'absence de réactions de fusion de leurs noyaux d'hydrogène, les naines brunes ne répondent que partiellement à la définition d'une étoile. En parler comme des objets substellaires, est une manière d'exprimer cela. Les plus massives d'entre elles ne sont pas pour autant exemptes d'un combustion nucléaire au début de leur existence. Mais celle-ci n'affecte que le deutérium et le lithium, des composants suffisamment rares pour que l'affaire ne dure pas de longue durée.

Ainsi, dans le objets plus massifs que 0,0012 masses solaires, soit 12 masses joviennes, le deutérium peut être consommé (selon le processus p + d g + 3He). Lorsqu'elles dépassent 63 masses joviennes (soit 0,063 environ masse solaires), la combustion des isotopes du lithium est également possible (via les réactions p + 7Li 2a et p + 6Li a + He).

Toujours est-il que ces processus de production d'énergie ne sont pas en mesure d'établir la balance entre pression et température comme dans les autres étoiles. Si bien que l'essentiel de l'existence d'une naine brune, après quelques dizaines de millions d'années d'activité nucléaire est commandée par une autre logique : l'étoile se refroidit progressivement à proximité de sa surface; dans cette région, sa pression thermique, et donc sa résistance à l'effondrement diminue; il s'ensuit que l'astre se contracte. La seule limite qu'il rencontre alors est due à la pression de dégénérescence : le gaz d'électrons des régions les plus comprimées bloque toute contraction. Toute l'histoire de l'astre va être la croissance centrale de la région dégénéré au détriment des couches périphériques. Un naine brune, dont le diamètre typique est au final du même ordre que celui d'une planète géante comme Jupiter, est donc engagée dans un processus qui se résume par cette formule : chaque jour un peu plus froid, plus compact et plus riche en matière dégénérée, et cela, pour ainsi dire jusqu'à la fin des temps...

De l'étoile à la planète

On l'a dit, un astre dont la masse est inférieure à une douzaine de masses solaires n'est plus en mesure d'entretenir de combustion thermonucléaire d'aucune sorte dans ses régions centrales. Ainsi les naines brunes, en première instance, peuvent-elles être considérées comme des objets dont la masse est comprise entre 12 et 75 masses joviennes. Au-delà de 75 masses joviennes, on a affaire à des étoiles ordinaires, mais au-dessous, de quoi s'agit-il? Il existe de telles ressemblances entre les moins massives des mini-étoiles et les plus massives des planètes géantes, que l'on serait tenté de répondre que l'on a affaire à des planètes. La situation n'est cependant pas aussi simple.

Il n'y a sans doute pas, à première vue, de différence entre une petite naine brune et une grosse planète géante pour ce qui concerne sa physique, et son aspect extérieur (même allure spectrale, même genre d'atmosphère, dimensions comparables, etc.). Et cela justifie que, de ce point de vue du moins, les naines brunes et les planètes géantes puissent être abordées dans un cadre théorique unique. Il convient pourtant de noter que le mode de formation des étoiles et des planètes est tout à fait différent. Les étoiles se forment à partir de la fragmentation d'une portion de nuage interstellaire. Les planètes pour leur part sont un sous-produit de ce mécanisme. Elles naissent non par fragmentation, mais par accrétion, c'est-à-dire par accumulation de matière résiduelle, présente autour d'une étoile en formation.

Le critère de masse, utile pour classer les étoiles et comprendre la logique de leur évolution n'est donc pas un véritable critère discriminatoire quand il s'agit de distinguer entre un objet stellaire (ou substellaire) et une planète. Une planète peut éventuellement dépasser 12 masses joviennes, brûler son deutérium et n'en être pas pour autant une étoile, et inversement il est envisageable d'étendre le domaine des naine brunes au-dessous de 12 masses joviennes, sans en faire des planètes.

Il existe actuellement de solides raisons de penser qu'il existe bien des naines brunes et des planètes à l'intérieur d'une même fourchette de masse. D'où le problème de savoir comment les distinguer. Une question qui se pose différemment selon que l'on considère un astre en orbite autour d'une étoile ou un astre de masse planétaire évoluant librement dans l'espace, et que l'on appelle une "planète flottante" (free floating planet).

Les "planètes flottantes" - Les premiers soupçons de la découverte de deux "planètes flottantes" dans le nuage moléculaire du Caméléon remontent à 1998. En 2000, avec la détection de 13 nouveaux objets dans le Trapèze d'Orion, ces astres singuliers sont entrés officiellement dans le bestiaire astronomique. La confirmation de l'observation d'autres astres semblable dans la région de Sigma Orionis a rapidement suivi. Toujours repérés par leur rayonnement infrarouge intense, ce sont des globes de gaz relativement chauds à cause de leur grande jeunesse, comparables à de petites étoiles, mais dont la masse estimée est comparable à celle d'une planète géante.
Dans le premier cas, il est possible d'avancer divers critères discriminatoires : la forme attendue de l'orbite d'une planète, par exemple, est plus circulaire que celle d'une étoile dans un système binaire. Cela provient du mode de formation différent de ces deux types d'objets. Et pour la même raison, il peut exister des nuances subtiles dans la composition chimique.

Dans le cas où l'on a affaire à une "planète flottante", la situation paraît plus simple. Il semble bien que l'on ne puisse faire de tels objets, errants seuls dans l'espace, loin de toute autre étoile, des sous-produits d'une formation stellaire. Ce ne doit donc pas être des planètes. Et, malgré ce nom dont on les a trop vite affublées, il s'agirait plutôt de jeunes naines brunes, dont les masses seraient simplement très petites, au dessous du seuil de combustion du deutérium), et peut-être aurait-il mieux valu en parler comme de sous-naines brunes. Mais d'un autre côté, il est envisageable qu'il de planètes géantes, qui auraient été expulsées d'orbite qu'elles suivaient au moment de leur formation autour d'une étoile, elle-même naissante. Même si la préférence des astronomes va aujourd'hui largement en faveur de la première option, l'affaire ne peut pas être considérée comme complètement close.


Températures et diamètres de plusieurs naines brunes
comparées à ceux du Soleil et de Jupiter.
Source : Esa.


Collection
Mais combien sont-elles?

Au début, les naines brunes ont beaucoup été mentionnés à propos de la nature de la matière sombre galactique. Si ces étoiles difficiles à observer à cause de leur faible éclat s'avéraient très nombreuses, elles pourraient, estimait-on, constituer une portion importante de la composante sombre de notre Galaxie. Les études conduites lors des dernières années pour déceler la présence de corps compacts et peu lumineux par leurs effets de microlentilles ont cependant montré qu'elles devaient être en nombre insuffisant pour jouer ce rôle. Il n'en est pas moins vrai que les mini-étoiles, de façon générale, sont extrêmement nombreuses, et sont certainement même les objets les plus nombreux de la Voie lactée. Il est probable, selon les idées actuelles, que dans le voisinage solaire il se trouve autant de naines brunes que de nombre de naines rouges.

Traversée du désert - Un fait curieux a été constaté : alors que les deux tiers des étoiles de la séquence principale vivent en couple, les naines brunes, bien qu'extrêmement nombreuses, se rencontrent rarement associées à une autre étoile de la séquence principale. Ou du moins, elles forment très rarement des couples serrées avec elles. Une situation à laquelle on a donné le nom de désert des naines brunes et pour laquelle plusieurs tentatives existent. Celles-ci pointent en général vers la période de formation de ces étoiles : les naines brunes pourraient bien se former comme les autres étoiles le plus souvent en couples, mais on peut imaginer qu'à cause de leur faible masse, elles se trouvent presque systématiquement écartées ou expulsées, par des perturbations gravitationnelles diverses, de leur orbite d'origine.
On donne ci-dessous une brève liste de naines brunes, choisies parmi les premières à avoir été découvertes (les masses sont données en masses joviennes, les âges en milliards d'années.) :
Nom
Constel.
Type
Spectral
Masse
Age
Remarques
Teide 1
Taureau
M8
55 - 60
0,12
Appartient aux Pléiades.
S Ori 47
Orion
L1
10 - 20
0,001 - 3
Groupe de Sigma Orionis.
DENIS-P J0255-4700
Eridan
L6
> 60
< 1,5
Température très basse.
LP 944-20
Fourneau
M9
50 - 60
0,5
Sursaut X observé.
Gliese 229B
Lièvre
T
35 - 50
>1,5
Méthane,
Première NB découverte.
2MASSW J1217-03
Vierge
T
< 70
< 4
Méthane,
~30 années- lumière.
GD 165B
Bouvier
L4
> 65
> 1
Compagnon d'une naine blanche.
HD114762 B
Chevelure de Bérénice
?
>11
> 3
Planète géante?
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